Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Chili

Contexte politique

Dix ans après le départ du Général Pinochet, le Chili est aujourd'hui un régime démocratique moderne présidé par Mme Michelle Bachelet, la première femme Présidente du Chili. Cependant, de profondes séquelles subsistent : seuls très peu de responsables du régime militaire ont été jugés pour les crimes contre l'humanité perpétrés au cours d'un quart de siècle de dictature, et la loi anti-terroriste adoptée sous le régime du Général Pinochet est toujours en vigueur, en dépit de sa non-conformité avec les standards internationaux et régionaux en matière de droits de l'Homme. En outre, fin 2007, le Chili était l'un des rares pays d'Amérique latine à ne pas avoir ratifié le statut de la Cour pénale internationale.

Aujourd'hui, l'un des défis majeurs auxquels doit faire face l'État chilien est celui en lien aux droits des populations autochtones qui s'opposent aux spoliations de leurs terres réalisées au profit de l'État ou de grandes entreprises d'exploitation des ressources naturelles. Les peuples autochtones revendiquent en effet la propriété de leurs terres ancestrales et dénoncent les délimitations territoriales imposées par la privatisation, ainsi que la surexploitation (particulièrement celle des forêts) et l'industrialisation qui menacent le style de vie de leurs communautés.

Les communautés autochtones comptent en outre parmi les plus pauvres et marginalisées du pays. Elles représentent, toutes ethnies confondues, un peu moins de 5 % de la population chilienne, la communauté mapuche étant la plus nombreuse. Or, malgré l'existence de la Loi n° 19.253, signée en 1993 et qui traite spécifiquement des droits des peuples indigènes (Ley indígena n° 19.253), la Constitution du Chili n'a pas encore été modifiée en conséquence et le Chili n'a toujours pas ratifié la Convention nº 169 relative aux peuples indigènes et tribaux de l'Organisation internationale du travail (OIT) de 1989. Dans la pratique, les terres revendiquées sont surveillées en permanence par des corps de sécurité qui se rendent souvent coupables d'abus envers les communautés autochtones, et on assiste à une criminalisation des actions de revendication des terres menées par les Mapuches.

L'année 2007 a enfin été marquée au Chili par une sévère répression policière des manifestations estudiantines qui se sont déroulées en mai, juin et octobre 2007 afin de demander des changements dans le système éducatif. Ces manifestations ont conduit à de violents affrontements avec les forces de police ainsi qu'à l'arrestation, de courte durée, de plusieurs centaines de manifestants.

Criminalisation de la protestation sociale : les défenseurs des droits des peuples autochtones particulièrement visés

Au Chili, les actes de protestation et de revendication sociale et politique font souvent l'objet de répression et leurs promoteurs sont la cible de harcèlements, de poursuites judiciaires, d'arrestations et de détentions arbitraires, ainsi que de mauvais traitements en détention. Ces dernières années témoignent tout particulièrement d'une recrudescence des conflits sociaux impliquant notamment des représentants de communautés autochtones, essentiellement mapuches, qui mènent des manifestations publiques au cours desquelles ils bloquent généralement les voies de communication ou occupent les terres revendiquées. Dans ce contexte, plusieurs dirigeants mapuches qui avaient été condamnés en 2006 sur la base de la loi anti-terroriste restaient détenus fin 2007, dont Mme Patricia Troncoso Robles et M. Florencio Jaime Marileo Saravia,1 qui ont entamé une grève de la faim de 100 jours le 10 octobre 2007 après que les engagements pris par le Gouvernement en 2006 pour réformer la loi anti-terroriste n'eurent pas été respectés.

Par ailleurs, Mme Juana Calfunao Paillalef, lonko (autorité traditionnelle) de la communauté mapuche "Juan Paillalef" (commune de Cunco, Temuco), se trouvait fin 2007 dans l'attente d'une décision du Tribunal constitutionnel eu égard aux incidents survenus dans le Tribunal de Temuco en novembre 2006.2 Elle encourt une peine de 15 ans d'emprisonnement. Du 7 août au 9 octobre 2007, Mme Juana Calfunao Paillalef et sa soeur, Mme Luisa Ana Calfunao, ont d'autre part mené une grève de la faim afin d'attirer l'attention sur les droits du peuple mapuche et de demander la ratification par le Chili de la Convention n° 169 de l'OIT.

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).


1 Cf. rapport annuel 2006 de l'Observatoire.

2 Le 15 novembre 2006, la Cour d'appel de Temuco avait confirmé la culpabilité de Mme Juana Calfunao Paillalef pour "troubles à l'ordre public" à la suite de sa confrontation avec des gendarmes en janvier 2006. A l'annonce du verdict, plusieurs membres de la communauté mapuche "Juan Paillalef ", indignés, avaient commencé à protester bruyamment. Mme Juana Calfunao aurait alors été agressée physiquement par des gendarmes présents dans la salle, ce qui avait provoqué un violent affrontement entre les gendarmes et les Mapuches, dont certains auraient agressé physiquement les représentants du Parquet. Mme Calfunao avait ensuite été placée en détention et accusée d'"atteinte à l'autorité, dommages qualifiés, blessures légères et vol d'un dossier de l'enquête" [relative à la confrontation entre Mme Calfunao et les gendarmes, en janvier 2006]. En outre, Mme Juana Calfunao Paillalef avait été accusée de "menaces" à l'encontre de l'un des procureurs. Le 20 novembre 2006, Mme Juana Calfunao avait été condamnée à 150 jours de prison pour "troubles à l'ordre public" par le Tribunal oral pénal de Temuco (cf. rapport annuel 2006 de l'Observatoire).

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