Applicabilité de l'obligation d'arbitrage en vertu de la section 21 de l'accord du 26 juin 1947 relatif au siège de l'Organisation des Nations Unies (Requête pour avis consultatif); Ordonnance

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE ANNÉE 1988
9 mars 1988
APPLICABILITÉ DE L'OBLIGATION D'ARBITRAGE EN VERTU DE LA SECTION 21 DE L'ACCORD DU 26 JUIN 1947 RELATIF AU SIÈGE DE L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES
(REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)

ORDONNANCE

Présents: M. RUDA, Président; M. MBAYE, Vice-Président; MM: LACHS, NAGENDRA SINGH, ELIAS, ODA, AGO, SCHWEBEL, sir Robert JENNINGS, MM. BEDJAOUI, NI, EVENSEN, TARASSOV, GUILLAUME, SHAHABUDDEEN, juges; M. VALENCIA-OSPINA, Greffier.

La cour internationale de Justice,

Ainsi composée,

Après délibéré en chambre du conseil,

Vu les articles 41, 48, 65, 66 et 68 du Statut de la Court et les articles 73, 103, 104 et 105 de son Règlement,

Rend l'ordonnance suivante:

Considérant que, le 2 mars 1988, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution 42-229 B par la laquelle elle prie la Cour internationale de Justice de donner un avis consultatif sur la question suivante:

«Etat donné les faits consignés dans les rapports du Secrétaire général [A/42/915 et Add.1], les Etats-Unis d'Amérique, en tant que partie à l'accord entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis d'Amérique relatif au siège de l'Organisation des Nations Unies [résolution 169 (II)], sont-ils tenus de recourir à l'arbitrage conformément à la section 21 de l'accord?»

Considérant que, le même jour, le conseiller juridique de l'Organisation des Nations Unies a transmis à la Cour par télécopie les versions anglaise et française de la résolution susmentionnée, reçues au Greffe le 3 mars 1988;

Considérant que, par lettre datée du 2 mars 1988, reçue au Greffe par télécopie le 4 mars 1988 et par la poste le 7 mars 1988, le Secrétaire général a transmis à la Cour la requête pour avis consultatif et des copies certifiées conformes des versions anglaise et française de ladite résolution, et qu'il a indiqué dans cette lettre que, conformément à l'article 65 du Statut, tout document pertinent pouvant servir à élucider la question serait transmis à la cour dès que possible;

Considérant qu'il ressort des rapports du Secrétaire général visés dans ladite résolution (dont les textes ont été fournis à la Cour) que la procédure de règlement des différents définie à la section 21 de l'accord de siège mentionné dans la résolution a été formellement invoquée par le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies à propos d'un différend allégué relatif à la loi des Etats-Unis de 1987 contre le terrorisme (titre X du Foreign Relations Authorization Act pour les exercices 1988 et 1989) et à son application à la mission permanente d'observation de l'Organisation de libération de la Palestine auprès de l'Organisation des Nations Unies;

Considérant qu'il ressort en outre desdits rapports que ladite loi a été signée et promulguée par le président des Etats-Unis le 22 décembre 1987 et qu'elle prendra effet, selon ses propres termes, quatre-vingt-dix jours après sa promulgation;

Considérant que le préambule de la résolution 42/229 B précise notamment «étant donné des contraintes de temps il faut appliquer immédiatement la procédure de règlement des différentes conformément à la section 21 de l'accord», qu'il convient de tenir compte «des dispositions du Statut de la Cour international de Justice, en particulier des articles 41 et 68», et que la décision de demander un avis consultatif a été prise «en tenant compte des contraintes de temps»;

Considérant que la résolution 42/229 B, si elle comporte dans son préambule une référence aux articles 41 et 68 du Statut, ne contient pas de demande formelle en indication de mesures conservatoires;

Considérant qu'il n'y pas lieu pour la Cour, dans les circonstances de l'espèce, de rechercher si des mesures conservatoires peuvent ou non être indiquées à l'occasion d'une procédure pour avis consultatif;

Considérant que la Cour prend note que l'Assemblée générale, à la séance au cours de laquelle elle a adopté la résolution 42/229B par laquelle elle demande un avis consultatif à la Cour, a aussi adopté la résolution 42/229 A par laquelle elle

«demande au pays hôte de respecter les obligations qu'il a contractées au titre de l'accord et de donner l'assurance qu'il ne sera pris aucune mesures qui porte atteinte aux arrangements actuellement en vigueur en ce qui concerne le fonctions officielles de la mission permanente d'observation de l'Organisation de libération de la Palestine auprès de l'Organisation des Nations Unies à New York»;

Considérant, à la lumière des indications fournies par l'Assemblée générale dans la résolution, que la Cour estime qu'une prompte réponse à la requête serait souhaitable, ainsi qu'il est prévu à l'article 103 du Règlement de la Cour, et qu'en conséquence la Cour devrait prendre toutes mesures utiles pour accélérer la procédure;

LA COUR,

à l'unanimité,

1. Prie le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies de fournir les documents visés à l'article 65, paragraphe 2, du Statut à une date aussi rapprochée que possible;

2. Décide que l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis d'Amérique sont jugés, conformément à l'article 66, paragraphe 2, du Statut, susceptibles de fournir des renseignements sur la question soumise à la Cour pour avis consultatif et fixe au 25 mars 1988 la date d'expiration du délai pendant lequel la Cour sera disposée à recevoir d'eux des exposés écrits sur la question;

3. Décide en outre que les autres Etats parties au Statut de la Cour qui en auront exprimé le désir pourront soumettre à la cour un exposé écrit sur la question, le 25 mars 1988 au plus tard;

4. Décide de tenir des audiences, qui s'ouvriront le 11 avril 1988 et au cours desquelles des observations sur les exposés écrits pourront être faites devant la Cour par l'Organisation des Nations Unies, les Etats-Unis d'Amérique et les Etats qui auront déposé des exposés écrits;

Réserve la suite de la procédure.

Fait en anglais et en français le texte anglais faisant foi, au palais de la Paix, à La Haye, le neuf mars mil neuf cent quatre-vingt-huit.

Le président, (Signé) José Maria RUDA.

Le Greffier, (Signé) Eduardo VALENCIA-OSPINA.

M. SCHWEBEL, juge, joint à l'ordonnance l'exposé de son opinion individuelle.

(Paraphé) J. M: P.

(Paraphé) E. V. O.

OPINION INDIVIDUELLE DE M. SCHWEBEL
[Traduction]

Bien qu'ayant voté pour l'ordonnance de la Court, j'ai voté contre l'un de ses paragraphes et me sens tenu de m'en expliquer.

Après avoir fait observer dans l'ordonnance qu'il n'y a pas lieu pour la Cour, dans les circonstances de l'espèce, de rechercher si des mesures conservatoires peuvent ou non être indiquées à l'occasion d'un procédure pour avis consultatif, la Cour poursuit:

«Considérant que la Cour prend note que l'Assemblée générale, à la séance au cours de laquelle elle a adopté la résolution 42/229 B par laquelle elle demande un avis consultatif à la Cour, a aussi adopté la résolution 42/229 A par laquelle elle

«demande au pays hôte de respecter les obligations qu'il a contractées au titre de l'accord et de donner l'assurance qu'il ne sera pris aucune mesure qui porte atteinte aux arrangements actuellement en vigueur en ce qui porter atteinte aux arrangements actuellement en vigueur en ce qui concerne les fonctions officielles de la mission permanente d'observation de l'Organisation de libération de la Paletine auprès de l'Organisation des Nations Unies à New York.»

A mon avis, l'inclusion du paragraphe qui précède dans l'ordonnance est contestable pour les raisons ci-après.

Le Statut de la Cour dispose que la question sur laquelle un avis consultatif de la Cour est demandé est exposée à la Cour «par une requête écrite qui formule, en termes précis, la question sur laquelle l'avis de la Cour est demand酻 (art. 65, par. 2). La compétence de la Cour and une procédure consultative est limitée par les termes de cette question.

«On trouve une application particulièrement significative de ce principe dans les cas où l'avis consultatif est demandé sur une question de procédure de caractère préliminaire. Dans de tels cas, la Cour a pris soin dans son avis de ne pas préjuger le problème de fond.» (Shabtai Rosenne, The Law and Practice of the International court, vol. 2, 1965, p. 699, qui cite l'affaire de l'Internation de l'article 3, paragraphe 2, du traité de Lausanne, C. P. J. I, série B n° 12, p.18, et l'affaire de l'Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, C. I. J. Recueil 1950, p. 70.)

Dans la présente affaire, la question précise posée à la Cour est exclusivement de savoir si les Etats-Unis sont tenus de recourir à l'arbitrage conformément à la section 21 de l'accord entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis relatif au siège de l'Organisation des Nations Unies. La question est ainsi limitée à une question de procédure de caractère préliminaire. L'Assemblée générale s'est délibérément abstenue de poser à la Cour une question touchant la question de fond sous-jacente, à savoir si, par l'effet des dispositions de l'accord de siège, la mission permanente d'observation de l'Organisation de libération de la Palestine auprès de l'Organisation des Nations Unies doit être mise en mesure de maintenir des locaux et des installations adéquates à l'intérieur de la juridiction des Etats-Unis. Cette question n'a pas été posée à la Cour, avec la nette intention qu'elle soit traitée exclusivement en application de la section 21 de l'accord de siège, c'est-à-dire par un tribunal arbitral habilité à rendre une décision définitive. Il convient d'observer à cet égard que la section 21 dispose en outre que le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies ou les Etats-Unis pourront prier l'Assemblée générale de demander à la Cour international de Justice un avis consultatif sur «toute question juridique qui viendrait à être soulevée au cours de ladite procédure [d'arbitrage]… Par la suite, [le tribunal arbitral] rendra une décision définitive en tenant compte de l'avis de la Cour.» Mais aucune question de ce genre n'a été posée à la Cour, en tout cas jusqu'à présent. D'ailleurs la question dont la Cour est maintenant saisie concerne seulement l'obligation de recourir à l'arbitrage conformément à l'article 21 de l'accord de siège.

La Cour a néanmoins adopté une ordonnance dans laquelle elle prend note d'un paragraphe d'une résolution de l'Assemblée générale qui ne lui est pas adressé, et elle cite ce paragraphe, lequel fait intervenir la question de fond sous-jacente évoquée ci-dessus. Dans ce paragraphe, et de manière encore plus explicite dans la résolution qui le contient, il est pris position sur cette question de fond.

Ce faisant, la Cour a d'après moi dépassé tout de suite les limites de sa compétence et débordé sur la question de fond, qui ne lui a pas été posée. Pire encore, dans le cas où un arbitrage aurait lieu entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis, conformément à la section 21, et où une question soulevée au cours de cette procédure serait posée à la Cour, cette dernier, pour avoir cité le paragraphe en question, s'exposerait peut –être à être accusée d'avoir préjugé la question.

On peut dire, à la décharge de la Cour, que celle-ci, n'étant pas à même d'indiquer des mesures conservatoires dans la présente procédure consultative, a pris note du paragraphe en question au lieu d'en indiquer. C'est peut-être là une explication exacte de l'intention de la Cour mais cela ne saurait constituer un moyen adéquat de défendre ce qu'elle a fait. La citation par la Cour du paragraphe en question ne peut avoir l'effet de mesures conservatoires; à aucun degré elle ne supplée effectivement à l'indication de mesures conservatoires. Il semble qu'il s'agisse plutôt de l'expression d'un préoccupation de la Cour, expression qui n'a pas un caractère juridique. C'est une raison supplémentaire pour déplorer son inclusion dans l'ordonnance de la Cour.

(Singé) Stephen M. SCHWEBEL.

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