AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COMMISSION DES RECOURS DES RÉFUGIÉS

demeurant C/O Me FANDO COLINA - 28, rue Gambetta 64500 SAINT JEAN DE LUZ,

ledit recours

enregistré le 16 Mars 1984

au secrétariat de la Commission des recours des réfugiés (la Commission) et tendant à l'annulation de la décision par laquelle le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (O.F.P.R.A.)

lui a retiré, le 8 Mars 1979, la qualité de réfugie

Par les moyens que la mesure générale de retrait de la qualité de réfugiés aux ressortissants espagnols, décrétée par le gouvernement français, est inadmissible et contraire à la convention de Genève; que M. BERECIARTUA ECHARRI peut se prévaloir, pour refuser de se réclamer de la protection de l'Espagne, de "raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures", au sens du paragraphe C-6° de l'article 1er de la convention de Genève; que, dans l'Etat espagnol, les réfugiés basques sont poursuivis et persécutés non seulement par des groupes fascistes d'extrême droite ou des polices parallèles, mais aussi par la police officielle; que la constitution n'a pas été adoptée en pays basque; que la loi d'amnistie du 4 Octobre 1977 n'est que partielle; que la démocratisation du régime en Espagne ne s'applique pas en pays basque;

Vu la décision attaquée;

Vu enregistrées comme ci-dessus les 7 Mal 1979, 22 Août 1979 et 8 Novembre 1982

les observations présentées par le directeur de l'O.F.P.R.A. et tendant au rejet du recours;

Vu, enregistrés comme ci-dessus les 7 Juin 1979 et 16 Avril 1982

les mémoires en réplique présentés pour M. BERECIARTUA ECHARRI et tendant aux mômes fins que le recours par les mêmes moyens et en outre par les motifs que le retrait de la qualité de réfugié du requérant a seulement eu pour fondement une analyse générale de la situation en Espagne sans qu'un examen approfondi du cas de l'intéresse ait eu lieu; qu'il s'agit là d'une violation flagrante des dispositions de la convention de Genève; qu'en tout état de cause, la situation au pays basque ne correspond nullement à la description qu'en fait l'O.F.P.R.A.; que le régime n'y est pas démocratique; que la torture y est couramment pratiquée; que le droit des peuples à disposer d'eux mêmes y est méconnu que les anciens réfugiés y font l'objet de persécutions de la part tant de l'extrême droite que de la police elle-même, dont les cadres n'ont pas changé depuis l'ancien régime; que la loi d'amnistie d'octobre 1977 est confuse; que la loi antiterroriste, qualifiée d'inconstitutionnelle par "Amnesty International" est toujours en vigueur; que l'armée espagnole occupe le pays basque; que les mouvements d'extrême droite, contrôlés par la police, étendent leur influence; que la situation personnelle de M. BERECIARTUA ECHARRI n'a guère variée depuis que la qualité de réfugié lui a été reconnue par l'O.F.P.R.A. le 21 Juin 1973; que sa famille continue à recevoir en Espagne des menaces qui prouvent que les mouvements d'extrême droite ont décidé de l'abattre; qu'ainsi les craintes qui ont motivé sa demande d'asile politique sont toujours réelles et sérieuses;

Vu l'arrêt du 2 Mai 1984 par lequel le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé la décision de la Commission, en date du 15 juin 1983 rejetant le recours de M. BERECIARTUA ECHARRI et renvoyé l'affaire devant la Commission;

Vu la lettre du 18.06. 1984 informant M. BERECIARTUA ECHARRI

que son affaire est inscrite au rôle de la séance publique du 11 juillet 1984

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier

Vu la loi du 25 juillet 1952;

Vu le décret du 2 mai 1953,

Ouï à l'audience publique du M. Juillet 1984

M. ALIBERT, rapporteur dans son rapport

M. PANDO COLIRA, avocat. au barreau de Bayonne en ses observations pour M. BERECIARTUA ECHARRI

Après en avoir délibéré

Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen du recours:

Considérant qu'aux termes du paragraphe C, 5°, de l'article 1er de la convention de Genève du 28 Juillet 1951 et du protocole signé à New-York le 31 Janvier 1967, cette convention cessera d'être applicable à toute personne "si les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d'exister, elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité;… ";

Considérant qu'il est constant que le directeur de l'O.F.P.R.A. a reconnu, le 21 Juin 1973, la qualité de réfugié à M. BERECIARTUA ECHARRI, de nationalité espagnole et d'origine basque, en raison des risques de persécution qui pesaient alors sur lui en Espagne du fait de ses opinions politiques; qu'il résulte des plièces versées au dossier et des déclarations du conseil du requérant au cours de son audition en séance publique par la Commission que la famille de M. BERECIARTUA ECHARRI, demeurée en Espagne, n'a pas cessé de recevoir, depuis lors, de la part de divers mouvements, des menaces de mort dirigées contre celui-ci, fondées sur des raisons politiques et précisant qu'elles seraient mises à exécutions s'il revenait en Espagne; qu'en raison de ces circonstances, malgré la démocratisation du régime espagnol, compte tenu de la situation particulière régnant au pays basque espagnol, M. BERECIARTUA ECHARRI est fondé à soutenir que les circonstances à la suite desquelles il a été reconnu comme réfugié n'ont pas cessé d'exister et que, dès lors, c'est à tort que le directeur de l'O.F.P.R.A. lui a retiré la qualité de réfugié par la décision attaquée, par application récité, du paragraphe C, 5°,/ en se fondant sur l'évolution de la situation politique en Espagne;

DECIDE

ARTICLE 1er : La décision du directeur de l'O.F.P.R.A., en date du 8 Mars 1979, est rejetée.

ARTICLE 2 : La qualité de réfugié est reconnue à M. BERECIARTUA ECHARRI José-Maria.

ARTICLE 3 : La présente décision sera notifiée à M. BERECIARTUA ECHARRI et au directeur de l'O.F.P.R.A.

Délibéré dans la séance du 11 Juillet 1984 où siégeaient:

M. JACOMET, Conseiller d'Etat, Président,

Madame TAVIANI, représentante du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés,

M. CHRETIEN, représentent suppléant du Conseil de l'O.F.P.R.A.

Lu en séance publique, le 30 Juillet 1984

POUR EXPEDITION CONFORME:

Le Rapporteur,

Le Président,

Le Secrétaire de la Commission,

signé: AZIBERT

signé: JACOMET

signé: MARITT

 

Disclaimer:

This is not a UNHCR publication. UNHCR is not responsible for, nor does it necessarily endorse, its content. Any views expressed are solely those of the author or publisher and do not necessarily reflect those of UNHCR, the United Nations or its Member States.