Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Cuba

Contexte politique

Malgré la passation de pouvoir de Fidel Castro à son frère Raul en juillet 2006, puis l'élection de ce dernier à la présidence le 24 février 2008, la situation des droits de l'Homme sur l'île de Cuba n'a pas beaucoup changé, malgré quelques évolutions notables à signaler, telles la libération de prisonniers d'opinion ainsi que le rapprochement avec l'Espagne en 2007. Cuba continue en effet d'être un régime dictatorial et centralisé non signataire de la Charte des droits de l'Homme,1 et où les libertés d'expression, d'association et de mouvement sont quasi inexistantes.

D'autre part, les Cubains restent victimes des conséquences de l'embargo des États-Unis contre l'île, bien que l'Union européenne ait levé ses sanctions en 2005. En juin 2007, le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies a en outre décidé de ne pas renouveler le mandat de la Représentante personnelle de la Haut commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme sur la situation des droits de l'Homme à Cuba.

Par ailleurs, à Cuba, celles et ceux qui osent défier le pouvoir et dénoncer les violations des droits de l'Homme sont restés en 2007 victimes de multiples actes de harcèlement, et leurs libertés d'association, d'expression, de réunion pacifique et de mouvement ont fait l'objet de restrictions en tous genres.2 Ainsi, de nombreux dissidents politiques, journalistes indépendants et défenseurs des droits de l'Homme ont continué d'être incarcérés, suspectés notamment d'"activités contre-révolutionnaires" ou de "dangerosité sociale présupposée" (estado peligroso), une disposition du Code pénal très employée contre les dissidents qui permet aux autorités d'arrêter et de mettre en prison ces derniers au nom du "risque potentiel" qu'ils représenteraient pour la société. Fin 2007, les prisons cubaines abriteraient au moins 55 prisonniers d'opinion.

Une liberté d'association inexistante dans la pratique

La promotion et la défense des droits de l'Homme continue de n'être pas reconnue comme une activité légitime et d'être considérée comme une menace pour le bon fonctionnement de l'État. Ainsi, alors que la liberté d'association est consacrée par la Constitution, le Code du travail et la Loi sur les associations (Loi 54 du 27 décembre 1985), dans la pratique les organisations de défense des droits de l'Homme indépendantes n'ont toujours pas de statut légal.

Multiples actes de harcèlement à l'encontre des défenseurs des droits de l'Homme

En 2007, les défenseurs ont continué de faire l'objet d'actes de harcèlement systématiques : menaces, arrestations et/ou détentions arbitraires, agressions physiques, surveillance systématique, contrôle de leurs communications téléphoniques, etc. Les bureaux des ONG, ainsi que les domiciles privés de leurs membres, font régulièrement l'objet d'effractions et de fouilles, suite auxquelles leur matériel est généralement confisqué. Les autorités ont également très souvent recours à l'utilisation d'"actes de répudiation", actes de répression et d'intimidation para-policiers qui consistent principalement en la formation de groupes de personnes par des agents du Gouvernement qui se présentent devant les domiciles des défenseurs en les insultant, voire en les agressant physiquement, le plus souvent à l'instigation des autorités et de leurs "Brigades de réaction rapide" civiles (Brigadas de Respuesta Rápida).

Ainsi, les membres de l'organisation des "Dames en blanc" (Damas de Blanco), une association de femmes et épouses des prisonniers politiques cubains qui militent pour la libération des prisonniers politiques et d'opinion, font régulièrement l'objet d'actes de harcèlement et d'intimidation, voire d'agressions physiques. Les membres de la Fondation cubaine des droits de l'Homme (Fundación Cubana de Derechos Humanos) sont également particulièrement ciblés. Par exemple, son président, M. Juan Carlos González Leiva, continue de faire l'objet d'une surveillance étroite, notamment en ce qui concerne ses communications téléphoniques et lorsqu'il reçoit des visites. En outre, le 26 août 2007, M. González Leiva a été arrêté et battu par plusieurs militaires à l'hôpital de Camagüey "Amalia Simoni" et par des membres de la sécurité de l'État alors qu'il venait interviewer le fils adoptif d'un prisonnier politique. De même, le 21 novembre 2007, M. Juan Bermúdez Toranzo, vice-président national de la Fondation, a été arrêté à son domicile, où plusieurs membres de la Fondation cubaine des droits de l'Homme étaient en train de mener un jeûne pour exiger la libération de tous les prisonniers politiques cubains. MM. Osmar Osmani Balmán del Pino, délégué de la Fondation dans la municipalité de San Miguel del Padrón, José Luis Rodríguez Chávez, vice-président de la Fondation à La Havane, et William Cepero, président de la Fondation à Habana Vieja, ont également été arrêtés. Par la suite, toutes les personnes arrêtées ont été libérées, à l'exception de M. Bermúdez Toranzo qui, fin 2007, restait détenu à La Havane.

Il convient également de rappeler que si, en 2007, plusieurs défenseurs ont été libérés, à l'exemple de M. Francisco Chaviano González, président du Conseil national pour les libertés civiques à Cuba (Consejo Nacional por los Derechos Civiles en Cuba – CNDCC),3 cela ne semble pas traduire une amélioration de leur situation dans le pays dans la mesure où la plupart avait déjà purgé la totalité ou quasi totalité de leur peine, ou ont été libérés pour raisons médicales. Ainsi, de nombreux défenseurs et journalistes indépendants qui avaient été arrêtés en mars 2003, lors d'une vague de répression à l'encontre de la société civile sans précédent, continuaient fin 2007 d'être détenus, certains purgeant des peines de plus de 20 ans de prison4 – dont M. Oscar Elías Biscet, fondateur et président de la Fondation Lawton, une organisation de défense des droits de l'Homme indépendante à Cuba, et M. Normando Hernández González, directeur du Collège de journalistes indépendants de Camagüey (Colegio de Periodistas Independientes de Camagüey – CPIC) – le plus souvent dans des conditions extrêmement mauvaises, et certains souffrant de graves problèmes de santé.

Un accès à l'information très limité et répression des journalistes indépendants

Par ailleurs, l'accès à l'information reste particulièrement limité, l'ensemble de la presse écrite et radiotélévisée demeurant sous le contrôle de l'État et l'utilisation d'Internet étant extrêmement réglementée afin qu'il ne soit pas utilisé à des fins "contre-révolutionnaires".

Dans un tel contexte, les journalistes indépendants qui cherchent à promouvoir et à défendre les droits de l'Homme à Cuba sont également visés par la répression. Par exemple, M. Armando Betancourt, collaborateur du site Nueva Prensa Cubana et fondateur de la revue clandestine El Camagueyano, a été condamné le 3 juillet 2007 à un an et trois mois de prison pour "trouble à l'ordre public", et après avoir été détenu plus d'un an sans être jugé. Arrêté le 23 mai 2006 alors qu'il interrogeait des familles que la police tentait d'expulser d'une décharge à Camagüey et qui protestaient contre la violence de cette intervention, M. Betancourt a été libéré le 20 août 2007 au terme de sa peine.5

Obstacles à la liberté de réunion pacifique

Tout rassemblement pacifique appelant à la promotion et la défense des droits de l'Homme est également réprimé. Par exemple, le 16 janvier 2007, M. Ramón Velázquez Toranso, journaliste de l'agence indépendante Libertad, a été arrêté après avoir manifesté pacifiquement, le 10 décembre 2006, en faveur d'une plus grande liberté d'expression. Le 19 janvier, il a été condamné par le Tribunal municipal de Las Tunas à trois ans de résidence surveillée. M. Velásquez Toranso n'ayant pas respecté l'interdiction de quitter son domicile, il a de nouveau été arrêté le 23 janvier 2007. Fin 2007, il restait détenu au camp de travail forcé "La Piedra".6 De même, le 27 septembre 2007, une trentaine de personnes qui participaient à une manifestation à La Havane appelant à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers politiques et de conscience ont été arrêtées, avant d'être relâchées le matin suivant. Les organisateurs de cet événement, dont Mme Marta Beatriz Roque Cabello, présidente de l'Assemblée pour la promotion de la société civile (Asamblea para la Promoción de la Sociedad Civil – APSC), faisaient partie des personnes arrêtées.7

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).


1 Cependant, les autorités se sont engagées, en février 2008, à signer au plus tard en avril 2008 les deux pactes internationaux relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels et aux droits civils et politiques (Cf. 2e session sur la question des droits de l'Homme dans le cadre des consultations bilatérales avec l'Espagne, 12 février 2008).

2 A cet égard, le Parlement européen, "considérant que des dizaines de journalistes indépendants, de dissidents pacifiques et de défenseurs des droits de l'homme [...] restent emprisonnés, certains étant gravement malades [...]", a dit "regrette[r] qu'aucune suite n'ait été donnée à la demande du Parlement européen et du Conseil en vue de la libération immédiate de tous les prisonniers politiques et d'opinion" et a "exig[é] que les autorités cubaines autorisent les membres de l'opposition politique, les défenseurs des droits de l'homme et tous les citoyens à se rendre librement à l'étranger et à retourner librement à Cuba" (Cf. résolution P6_TA(2007)0288 du Parlement européen, adoptée le 21 juin 2007).

3 Cette organisation s'occupe notamment de documenter les disparitions de Cubains en mer, lorsqu'ils tentent de quitter le pays. M. Chaviano avait été arrêté à La Havane en mai 1994, et accusé d'avoir "révélé des secrets ayant trait à la sécurité de l'État" et falsifié des documents publics. Il a fait l'objet d'une libération conditionnelle le 10 août 2007, après avoir purgé treize ans et trois mois de sa peine (Cf. Coalition des femmes cubano-américaines – Coalición de Mujeres Cubano-Americanas).

4 La plupart était des organisateurs du "Projet Varela", qui propose un référendum au sujet des libertés d'expression et d'association, la possibilité de créer des entreprises, la libération de tous les prisonniers politiques et la modification de la loi électorale.

5 Cf. Coalition des femmes cubano-américaines.

6 Idem.

7 Cf. Coalition des femmes cubano-américaines et communiqué du Directoire démocratique cubain (Directorio Democrático Cubano), 27 septembre 2007.

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