Avis consultatif concernant l'applicabilité de l'obligation d'arbitrage en vertu de la Section 21 de l'accord du 26 juin 1947 relatif au siège de l'Organisation des Nations Unies

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE ANNÉE 1988

26 avril 1988

Accord de siège entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis d'Amérique – Clause de règlement des différends – Existence d'un différend – Violation alléguée d'un traité – Effet d'un comportement ou d'une décision d'une partie en l'absence de toute argumentation présentée par elle en vue de justifier sa conduite au regard du droit international – Existence d'un différend et exécution matérielle d'une décision contestée – Question de savoir s'il s'agit d'un différend «au sujet de l'interprétation ou de l'application» de l'accord – Question de savoir s'il s'agit d'un différend non «réglé par voie de négociations ou par tout autre mode de règlement agréé par les parties» - Principe de la prééminence du droit international sur le droit interne.

AVIS CONSULTATIF

Président: M. RUDA, Président; M. MBAYE, Vice-Président; MM. LACHS, NAGENDRA SINGH, ELIAS, ODA, AGO, SCHWEBEL, sir Robert JENNINGS, MM. BEDJAOUI, NI, EVENSEN, TARASSOV, GUILLAUME, SHAHABUDDEEN, juges; M. VALENCIA-OSPINA, Greffier.

Au sujet de l'applicabilité de l'obligation d'arbitrage en vertu de la section 21 de l'accord du 26 juin 1947 relatif au siège de l'Organisation des Nations Unies,

LA COUR,

ainsi composée,

après délibéré,

donne l'avis consultatif suivant:

1. La question sur laquelle un avis consultatif est demandé à la Cour figure dans la résolution 42/229 B que l'Assemblée générale des Nations Unies a adoptée le 2 mars 1988. Le même jour, le conseiller juridique de l'Organisation des Nations Unies a transmis à la Cour par télécopie le texte de cette résolution en anglais et en français. Le Secrétaire général, par une lettre datée du 2 mars 1988 adressée au Président de la Cour (reçue par télécopie le 4 mars 1988, puis par la poste et enregistrée au Greffe le 7 mars 1988), a officiellement communiqué à la Cour la décision de l'Assemblée générale de soumettre à la Cour pour avis consultatif la question énoncée dans cette résolution. La résolution, dont le texte anglais et français certifié conformé était joint à la lettre et avait été transmis par télécopie, était rédigée comme suit:

«L'Assemblée générale.

Rappelant sa résolution 42/210 B du 17 décembre 1987 et ayant à l'esprit sa résolution 42/229 A ci-dessus,

Ayant examiné les rapports du Secrétaire généra, en date des 10 et 25 février 1988 [A/42/915 et Add.1],

Confirmant la position du Secrétaire général qui a constaté l'existence d'un différend entre l'Organisation des Nations Unies et le pays hôte quant à l'interprétation ou l'application de l'accord entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis d'Amérique relatif au siège de l'Organisation des Nations Unies, en date du 26 juin 1947 [voir résolution 169 (II)], et notant qu'il a conclu que les tentatives de règlement à l'amiable étaient dans une impasse et que, conformément à la procédure d'arbitrage prévue à la section 21 de l'accord, il a désigné un arbitre et prié le pays hôte de désigner le sien,

Considérant qu'étant donné des contraintes de temps il faut appliquer immédiatement la procédure de règlement des différends conformément à la section 21 de l'accord,

Notant qu'il ressort du rapport du Secrétaire général, en date du 10 février 1988 [A/42/915], que les Etats-Unis d'Amérique ne pouvaient ni ne souhaitaient devenir officiellement partie à la procédure de règlement des différends prévue à la section 21 de l'accord de siège, et que les Etats-Unis étaient encore en train d'examiner la situation,

Tenant compte des dispositions du Statut de la Charte des Nations Unies, de Justice, en particulier des articles 41 et 68,

Décide, conformément à l'article 96 de la Charte des Nations Unies de prier la Cour internationale de Justice, en application de l'article 65 de son Statut, de donner un avis consultatif sur la question suivante, en tenant compte des contraintes de temps:

«Etat donné les faits consignés dans les rapports du Secrétaire général [A/42/915 et Add.1], les Etats-Unis d'Amérique, en tant que partie à l'accord entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis d'Amérique relatif au siège de l'Organisation des Nations Unies [voir résolution 169 (II)], sont-ils tenus de recourir à l'arbitrage conformément à la section 21 de l'accord?»

Une copie de la résolution 42/229 A mentionnée dans la résolution ci-dessus était également jointe à la lettre du Secrétaire général.

2. Par télégramme du 3 mars 1988, le Greffier a notifié la requête pour avis consultatif, ainsi qu'il est prescrit à l'article 66, paragraphe 1, du Statut de la Cour, à tous les Etats admis à ester devant la Cour.

3. Dans une ordonnance du 9 mars 1988, la Cour a déclaré qu'elle estimait qu'une prompte réponse à la requête serait souhaitable, ainsi qu'il est prévu à l'article 103 du Règlement de la Cour. Par la même ordonnance, la Cour a décidé que l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis d'Amérique étaient jugés, conformément à l'article 66, paragraphe 2, du Statut, susceptibles de fournir des renseignements sur la question et elle a fixé au 25 mars 1988 la date d'expiration du délai pendant lequel la Cour serait disposée à recevoir d'eux des exposés écrits sur cette question; elle a aussi décidé que les autres Etats parties au Statut de la Cour qui en auraient exprimé le désir pourraient lui soumettre un exposé écrit sur la question le 25 mars 1988 au plus tard. Dans le délai ainsi fixé, des exposés écrits ont été présentés à la Cour par le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, par les Etats-Unis d'Amérique, par la République arabe syrienne et par la République démocratique allemande.

4. Par la même ordonnance, la Cour a en outre décidé de tenir des audiences qui s'ouvriraient le 11 avril 1988 et au cours desquelles des observations sur les exposés écrits pourraient être faites devant la Cour par l'Organisation des Nations Unies, les Etats-Unis d'Amérique et les Etats qui auraient déposé des exposés écrits.

5. Conformément à l'article 65, paragraphe 2, du Statut, le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies a transmis à la Cour un dossier contenant des documents pouvant servir à élucider la question; ces documents sont parvenus au Greffe en plusieurs fois entre le 11 et le 29 mars 1988

6. Au cours d'une audience publique tenue le 11 avril 1988, M. Carl-August Fleischhauer, conseiller juridique de l'Organisation des Nations Unies, a fait devant la Cour un exposé oral au nom du Secrétaire général. Aucun des Etats qui avaient présenté des exposés écrits n'a exprimé le désir d'être entendu. Certains membres de la Cour ont posé à M. Fleischhauer des questions auxquelles il a répondu au cours d'une autre audience publique tenue le 12 avril 1988.

7. La Cour a été priée de donner un avis sur la question de savoir si les Etats-Unis d'Amérique (ci-après dénommés «Etats-Unis»), en tant que partie à l'accord relatif au siège de l'Organisation des Nations Unies, sont tenus de recourir à l'arbitrage. L'accord de siège du 26 juin 1947, est entré en vigueur conformément à ses dispositions le 21 novembre 1947, à la suite d'un échange de notes entre le Secrétaire général et le représentant permanent des Etats-Unis. Cet accord a été enregistré le même jour au Secrétariat de l'Organisation des Nations Unies conformément à l'article 102 de la Charte. Il dispose en sa section 21, alinéa a):

«Tout différend entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis au sujet de l'interprétation ou de l'application du présent accord ou de tout accord additionnel sera, s'il n'est pas réglé par voie de négociations ou par tout autre mode de règlement agrée par les parties, soumis aux fins de décision définitive à un tribunal composé de trois arbitres, dont l'un sera désigné par le Secrétaire général, l'autre par le Secrétaire d'Etat des Etats-Unis, et le troisième choisi par les deux autres, ou, à défaut d'accord entre eux sur ce choix, par le Président de la Cour international de Justice.»

Il n'est pas contesté que l'accord de siège est un traité en vigueur qui s'impose aux parties. Par conséquent, ce que la Cour doit établir pour répondre à la question qui lui est posée, c'est l'existence entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis d'un différend du type prévu à la section 21 de l'accord. A cette fin, la Cour fera d'abord la chronologie des événements ayant précédé l'adoption des résolutions 42/229 A et 42/229 B qui ont conduit en premier lieu le Secrétaire général, puis l'Assemblée générale des Nations Unies, à conclure qu'un tel différend existait.

8. Ces événements concernent la mission permanente d'observation de l'Organisation de libération de la Palestine (ci-après dénommée «OLP») auprès de l'Organisation des Nations Unies à New York. L'OLP bénéficie du statut d'observateur auprès de l'Organisation des Nations Unies depuis 1974; par la résolution 3237 (XXIX) du 22 novembre 1974 de l'Assemblée générale, cette organisation a en effet été invité «à participer aux sessions et aux travaux de l'Assemblée générale en qualité d'observateur». A la suite de cette invitation, l'OLP a installé une mission d'observation en 1974 et possède, hors du district administratif du Siège de l'Organisation des Nations Unies, un bureau, le «bureau de la mission d'observation de l'OLP», au 115 East 65th Street, à New York. Les observateurs reconnus sont énumérés en tant que tels dans les publications officielles de l'Organisation des Nations Unies; dans ces publication, l'OLP est classée dans la catégorie des «organisations auxquelles a été adressée une invitation permanente à participer en qualité d'observateurs aux sessions et aux travaux de l'Assemblée générale».

9. En mai 1987, une proposition de loi (S.1203) a été présentée au Sénat des Etats-Unis, ayant pour objet, selon son titre, de «rendre illégaux la création ou le maintien aux Etats-Unis d'un bureau de l'Organisation de libération de la Palestine». L'article 3 de cette proposition dispose que:

«Il est illégal, si le but est de servir les intérêts de l'Organisation de libération de la Palestine ou de l'un quelconque de ses groupes constitutifs ou de leurs successeurs ou de leurs agents, à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi:

1)de recevoir une chose de valeur sauf des documents d'information de l'OLP ou de l'un quelconque de l'un quelconque de ses groupes constitutifs ou de leurs successeurs ou de leurs agents, à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi:

2)de dépenser des fonds provenant de l'OLP ou de l'un quelconque de ses groupes constitutifs ou de leurs successeurs ou de leurs agents; ou

3)nonobstant toute disposition légale contraire, d'établir ou de maintenir un bureau, un siège, des locaux ou toute autre installation ou établissement dans les limites de la juridiction des Etats-Unis, sur ordre de l'Organisation de libération de la Palestine ou de l'un quelconque de ses groupes constitutifs ou de leurs successeurs ou de leurs agents, ou avec des fonds en provenant.»

10. Cette proposition de loi fut reprise à l'automne 1987 au Sénat des Etats-Unis sous forme d'amendement au Foreign Relations Authorization Act, Fïscal Years 1988 and 1989 (loi d'ouverture de crédits pour les affaires étrangères, exercices budgétaires 1988 et 1989). Les termes de ce texte laissaient craindre que le Gouvernement américain chercherait à fermer le bureau de la mission d'observation de l'OLP si la loi était promulguée. En conséquence, le Secrétaire général a fait part de ses préoccupations au Gouvernement américain dans une lettre du 13 octobre 1987 adressée au représentant permanent des Etats-Unis. Dans cette lettre il soulignait que la législation envisagée est «contraire aux obligations qui découlent de l'accord de siège». Le 14 octobre 1987, l'observateur de l'OLP a porté la question à l'attention d'un comité de l'Organisations des Nations Unies, le comité des relations avec le pays hôte.

11. Le 22 octobre 1987, l'opinion du Secrétaire général a été résumée dans la déclaration ci-après, faite par son porte-parole (à laquelle l'Assemblée générale a souscrit par la suite dans sa résolution 42/210 B):

«Les membres de la mission d'observation de l'OLP sont, en vertu de la résolution 3237 (XXIX), les invités de l'Organisation des Nations Unies. En tant que tels, ils sont couverts par les dispositions des sections 11, 12 et 13 de l'accord de siège du 26 juin 1947. Le pays hôte a donc l'obligation, en vertu de cet accord, de permettre au personnel de la mission d'observation de l'OLP d'entrer et de demeurer aux Etats-Unis pour s'acquitter de ses fonctions officielles au Siège de l'Organisation des Nations Unies».

A cet égard, il convient de noter que la section 11 de l'accord de siège dispose ce qui suit:

«Les autorités fédérales, d'Etats ou locales des Etats-Unis ne mettront aucun obstacle au transit à destination ou en provenance du district administratif: 1) des représentant des Membres…ou des familles de ces représentants …;… 5) d'autres personnes invitées à venir dans le district administratif par l'Organisation des Nations Unies…pour affaires officielles…»

Aux termes de la section 12:

«Les dispositions de la section 11 s'appliqueront quelles que soient les relations existant entre les gouvernements dont relèvent les personnes mentionnées à ladite section et le Gouvernement des Etats-Unis.»

La Section 13 disposer notamment que:

«Les dispositions législative et réglementaires sur l'entrée des étrangers, en vigueur aux Etats-Unis, ne pourront pas être appliquées de manière à porter atteinte aux privilèges prévus à la section 11».

12. Lorsque le rapport du comité des relations avec le pays hôte a été soumis à la Sixième commission de l'Assemblée générale le 25 nouvembre 1987, le représentant des Etats-Unis a noté que:

«le secrétaire d'Etat des Etats-Unis a déclaré que la fermeture de cette mission constituerait une violation des obligations des Etats-Unis en vertu de l'accord de siège et que le Gouvernement américain s'y opposerait vigoureusement, et que le représentant des Etats-Unis auprès de l'Organisation a donné au Secrétaire général des assurances dans le même sens» (A/C.6/42/SR.58).

Lorsque le projet de résolution qui allait devenir la résolution 42/210B de l'Assemblée générale a été mis aux voix à la Sixième commission le 11 décembre 1987, la délégation des Etats-Unis n'a pas participé au vote sur ce projet car, à son avis, «[celui-ci est] superflu et inopportun puisqu'il porte sur une question que le Gouvernement des Etats-Unis est en train d'étudier». La position adoptée par le secrétaire d'Etat des Etats-Unis, à savoir que

«les Etats-Unis sont dans l'obligation de permettre au personnel de la mission d'observation de l'OLP d'entrer aux Etats-Unis et d'y demeurer pour s'acquitter de ses fonctions officielles auprès du Siège de l'ONU»,

a été expressément mentionnée par un autre représentant et confirmée par le représentant des Etats-Unis, qui l'a qualifiée de «bien connue» (A/C.6/42/SR.62).

13. Les dispositions de l'amendement mentionné ci-dessus ont été incorporées dans la loi d'ouverture de crédits pour les affaires étrangères, exercices budgétaires 1988 et 1989 des Etats-Unis, en tant que titre X, sous le nom de Anti-Terrorisim Act of 1987 (loi de 1987 contre le terrorisme). Au début de décembre 1987, ce texte n'avait pas encore été adopté par le Congrès des Etats-Unis. En prévision de cette adoption, le Secrétaire général a adressé au représentant permanent des Etats-Unis, M. Vernon Walters, une lettre datée du 7 décembre 1987, dans laquelle il expose de nouveau au représentant permanent la position de l'Organisation des Nation Unies, à savoir que les membres de la mission d'observation de l'OLP sont, en vertu de la résolution 3237 (XXIX) de l'Assemblée générale, des invités de l'Organisation des Nations Unies et que les Etats-Unis sont tenus d'autoriser les membres du personnel de l'OLP à entrer et à séjourner aux Etats-Unis pour s'acquitter de leurs fonctions officielles auprès de l'Organisation des Nations Unies conformément à l'accord de siège. Par conséquent, était-il indiqué, les Etats-Unis étaient juridiquement tenus de maintenir les arrangements qui étaient alors en vigueur depuis treize ans en ce qui concerne la mission d'observation de l'OLP. Le secrétaire général demandait, pour le cas où le texte proposé acquerrait force de loi, qu'on lui donne l'assurance que les arrangements en vigueur en ce qui concerne la mission d'observation de l'OLP ne seraient ni restreints ni autrement affectés.

14. Par la suite, dans une lettre datée du 21 décembre 1987, après que le Congrès des Etats-Unis eut adoptée la loi les 15 et 16 décembre, le Secrétaire général a informé le représentant permanent des Etats-Unis de l'adoption par l'Assemblée générale de la résolution 42/210 B, le 17 décembre 1987. Par cette résolution, l'Assemblée:

«Ayant été informée de la mesure envisagée dans le pays hôte, les Etats-Unis d'Amérique, laquelle pourrait empêcher le maintien des installations de la mission permanente d'observation de l'Organisation de libération de la Palestine auprès de l'Organisation des Nations Unies à New York, lesquelles lui permettent de s'acquitter de ses fonctions officielles,

1. Réaffirme que la mission permanente d'observation de l'Organisation de libération de la Palestine auprès de l'Organisation des Nations Unies à New York est couverte par les dispositions de l'accord entre l'Organisation des Nations Unies et devrait pourvoir établir et maintenir des locaux et des installations de fonction adéquates, et que le personnel de la mission devrait pouvoir entrer aux Etats-Unis et y demeurer pour s'acquitter de ses fonctions officielles;

2. Prie le pays hôte de respecter les obligations que lui impose l'accord relatif au siège de l'Organisation des Nations Unies et, à cet égard, de s'abstenir de prendre toute mesure qui empêcherait la mission permanente d'observation de l'Organisation de libération de la Palestine auprès de l'Organisation des Nations Unies de s'acquitter de ses fonctions officielles;»

15. Le 22 décembre 1987, le présent des Etats-Unis a signé et promulgué la loi d'ouverture de crédits pour les affaires étrangères, exercices budgétaires 1988 et 1989. La loi de 1987 contre le terrorisme, qui en constituait le titre X, devait, selon ses propres termes, entrer en vigueur quatre-vingt-dix jours après cette date. Le 5 janvier 1988, le représentant permanent par intérim des Etats-Unis auprès de l'Organisation des Nations Unies, M. Herbert Okun, en a informé le Secrétaire général dans une réponse à ses lettres des 7 et 21 décembre 1987. Le représentant permanent par intérim poursuivait:

«Etant donné que les dispositions concernant la mission d'observation de l'OLP pourraient empiéter sur les pouvoirs constitutionnels du Président et que, si elles étaient appliquées, elles seraient contraires à nos obligations juridiques internationales découlant de l'accord de siège avec l'Organisation des Nations Unies, le gouvernement a l'intention de mettre à profit le délai de quatre-vingt-dix jours qui doit précéder l'entrée en vigueur de cette disposition pour engager des consultations avec le Congrès afin de régler la question.

16. Le 14 janvier 1988, le Secrétaire général de nouveau écrit à M. Walters. Après s'être félicité de l'intention, dont lui avait fait part M. Okun, de mettre à profit le délai de quatre-vingt-dix jours pour engager des consultations avec le Congrès, le Secrétaire général a ajouté:

«Comme vous vous en souviendrez, je vous ai informé par ma lettre du 7 décembre que l'Organisation des Nations Unies considérait que les Etats-Unis avaient l'obligation juridique, en vertu de l'accord de siège de 1947, de maintenir les arrangements actuels concernant la mission d'observation de l'OLP, qui sont en vigueur depuis treize ans. Je vous ai donc demandé de confirmer que, dans l'hypothèse où ce projet de loi serait adopté, les arrangements actuels concernant la mission d'observation de l'OLP ne feraient pas l'objet de restriction ou de quelconques modifications, car en l'absence d'une telle assurance, il existerait un différend entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis...»

et, se référant à la lettre du 5 janvier 1988 du représentant permanent et à des déclarations faites par le conseiller juridique du département d'Etat, il a fait observer que ni cette lettre ni ces déclarations

«ne constituent l'assurance que j'ai demandée dans ma lettre du 7 décembre 1987, pas plus qu'elles ne permettent de compter sur le plein respect de l'accord de siège. Cela étant, il existe un différend entre l'Organisation et les Etats-Unis au sujet de l'interprétation et de l'application de l'accord de siège et j'invoque par la présente la procédure de règlement des différends énoncée à la section 21 de l'accord susdit.

Selon l'alinéa a) de la section 21, une tentative doit d'abord être faite de régler le différend par voie de négociations et je propose que la première rencontre de la phase de négociations ait lieu le mercredi 20 janvier 1988…»

17. A partir du 7 janvier 1988, une série de consultations ont eu lieu; d'après la relation que le Secrétaire général en a faite à l'Assemblée générale dans le rapport mentionné dans la requête pour avis consultatif, les positions des parties étaient les suivantes:

«le conseiller juridique le l'ONU a été informé que les Etats-Unis ne pouvaient ni ne souhaitaient devenir officiellement partie à la procédure de règlement des différends prévue à la section 21 de l'accord de siège; la situation était encore à l'étude et l'existence d'un différend entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis à l'heure actuelle n'était pas encore établie puisque la loi en question n'avait pas encore été appliquée. Le gouvernement continuait à examiner deux solutions possibles: soit interpréter la loi dans un sens compatible avec les obligations incombant aux Etats-Unis en vertu de l'accord de siège en ce qui concerne la mission d'observation de l'OLP et conformément aux arrangements actuels pris à l'égard de cette mission, soit fournir les assurances demandées, qui rendraient caduc le délai de quatre-vingt-dix jours prévu avant l'entrée en vigueur de la loi» (A/42/915, par. 6).

18. Le conseiller juridique de l'Organisation des Nations Unies a déclaré qu'il s'agissait, pour l'Organisation, d'une question de respect du droit international. L'accord de siège était un instrument international ayant force obligatoire et, de l'avis du Secrétaire général et de l'Assemblée générale, la loi en question violait les obligations qui en découlaient pour les Etats-Unis. La section 21 de l'accord établissait la procédure à suivre en cas de différend au sujet de l'interprétation ou de l'application de l'accord, et l'Organisation des Nations Unies avait la ferme intention de défendre les droits qu'elle tenait de l'accord. Le conseiller juridique a donc insisté sur la nécessité de mettre en oeuvre a procédure prévue à la section 21 de l'accord de siège et d'entamer immédiatement des discussions techniques concernant l'institution d'un tribunal arbitral, dans le cas où la mission d'observation de l'OLP ne serait pas exemptée de l'application de ladite loi. Les Etats-Unis ont accepté que de telles discussions aient lieu, mais uniquement à titre officieux. Les discussions technique ont commencé le 28 janvier 1988. Au nombre des questions examinées figuraient le coût de l'arbitrage, l'endroit où il aurait lieu, son secrétariat, les langues de travail, le règlement intérieur et la forme du compromis entre les deux parties (ibid., par. 7-8).

19. Le 2 février 1988, le Secrétaire général a écrit une nouvelle fois à M. Walters. Le Secrétaire général notait que la partie américaine

«est encore en train d'évaluer la situation qui résulterait de l'application de la loi, et sa position est qu'elle ne peut prendre part à la procédure de règlement de différends énoncée à la section 21 de l'accord de siège tant que cette évaluation n'est pas terminée».

Le Secrétaire général ajoutait:

«La procédure prévue à la section 21 est le seul recours juridique dont dispose l'Organisation des Nations Unies en l'occurrence et puisque les Etats-Unis, à ce jour, n'ont pas été en mesure de donner les assurances appropriées d'une suspension de l'application de la loi à la mission d'observation de l'OLP, le moment sera vite venu où je n'aurai d'autre choix que d'agir, soit avec les Etats-Unis dans le cadre la section 21 de l'accord de siège. Soit en informant l'Assemblée générale de l'impasse dans laquelle nous sommes.»

20. Le 11 février 1988, le conseiller juridique de l'Organisation des Nations Unies, rappelant que la procédure de règlement des différends avait été officiellement invoquée le 14 janvier 1988 (paragraphe 16 ci-dessus), a fait savoir au conseiller juridique du département d'Etat que l'Organisation des Nations Unies avait chois sont arbitre en vue d'une arbitrage aux termes de la section 21 de l'accord de siège. Etant donné le peu de temps dont l'une et l'autre partie disposaient, le conseiller juridique priait instamment le conseiller juridique du département d'Etat de faire connaître le plus tôt possible à l'Organisation des Nations Unies le nom de l'arbitre choisi par les Etats-Unis. Aucune communication n'a été reçue à ce sujet de leur part.

21. Le 2 mars 1988, l'Assemblée générale, à la reprise de sa quarante-deuxième session, a adopté les résolutions 42/229 A et 42/229 B. La première de ces résolutions, adoptée par 143 voix contre 1, sans abstention, contient notamment les paragraphes suivants dans son dispositif:

«L'Assemblée générale,

1. Appuie les efforts du Secrétaire générale et exprime sa reconnaissance pour les rapporte qu'il a établis.

2. Réaffirme que la mission permanente d'observation de l'Organisation de libération de la Palestine auprès de l'Organisation des Nations Unies à New York est couverte par les dispositions de l'accord entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis d'Amérique relatif au siège de l'Organisation des Nations Unies [voir résolution 169 (II)], qu'il devrait lui être donné la possibilité d'établir et de maintenir des locaux et des installations adéquates pour l'accomplissement de sa tâche et que le personnel de la mission devrait pouvoir entrer aux Etats-Unis d'Amérique et y demeurer pour s'acquitter de ses fonctions officielles;

3. Considère que l'application du titre X du Foreign Relations Authorization Act pour les exercices 1988 de façon non conforme au paragraphe 2 ci-dessus serait contraire aux obligations juridiques internationales contractées par le pays hôte au titre de l'accord de siège;

4. Considère qu'un différend existe entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis d'Amérique, pays hôte, quant à l'interprétation ou l'application de l'accord de siège, et que la procédure de règlement des différends visée à la section 21 de l'accord devrait être engagée;»

La seconde résolution (42/229 B), adoptée par 143 voix contre zéro, sans abstention, a déjà été reproduite in extenso au paragraphe 1 ci-dessus.

22. Les Etats-Unis n'ont participé au vote sur aucune de ces deux résolution; après le vote leur représentant a fait une déclaration où il disait notamment:

«Aujourd'hui la situation est pratiquement identique à celle qui régnait lorsque la résolution 42/210 B fur mise aux voix en décembre 1987. Les Etats-Unis n'ont pas encore pris de mesure quant au fonctionnement de quelque mission ou invité que ce soit. Comme le Secrétaire général l'a communiqué à l'Assemblée le 25 février dans l'additif à son rapport du 10 février, le Gouvernement des Etats-Unis n'a pas pris de décision définitive quant à l'application ou la mise en oeuvre d'une loi récemment adoptée par les Etats-Unis – la loi de 1987 contre le terrorisme – en ce qui concerne la mission permanente d'observation de l'Organisation de libération de la Palestine auprès de l'Organisation des Nations Unies à New York.

Pour ces raisons, nous ne pouvons que considérer comme inutile et prématurée la tenue, à ce stade, de cette reprise de session de la quarante-deuxième Assemblée générale…

Le Gouvernement des Etats-Unis examinera avec soin les opinions exprimées au cours de cette reprise de session. Il entend toujours trouver une solution appropriée à ce problème en s'inspirant à la fois de la Charte des Nations Unies, de l'accord de siège et des lois américaines.»

23. La question posée à la Cour, telle qu'elle ressort de la résolution 42/229 B, porte sur les obligations éventuelles des Etats-Unis «étant donné les faits consignés dans les rapports du Secrétaire général [A/42/915 et Add.1]», c'est-à-dire étant donné les faits qui avaient été portés à la connaissance de l'Assemblée générale à l'époque où elle a pris la décisions de demander un avais. La Cour ne pense toutefois pas que l'Assemblée générale, en employant cette formulation, lui ait demandé de répondre à la question posée en se fondant uniquement sur ces faits, et de fermer les yeux sur des événements ultérieurs pouvant se rapporter à la question ou susceptible de l'éclairer. La Cour exposera donc ici l'évolution de l'affaire postérieurement à l'adoption de la résolution 42/229 B.

24. Le 11 mars 1988, le représentant permanent par intérim des Etats-Unis auprès de l'Organisation des nations Unies a écrit au Secrétaire général. Il s'est référé aux résolutions 42/229 A et 42/229 B de l'Assemblée générale et a déclaré:

«Je tiens à vous informer que l'Attorney General des Etats-Unis a établi que la loi de 1987 contre le terrorisme le mettait dans l'obligation de fermer le bureau de la mission d'observation de l'Organisation de libération de la Palestine auprès de l'Organisation des Nations Unies, quelles que soient les obligations qui incombent aux Etats-Unis en vertu de l'accord entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis relatif au siège de l'Organisation des Nations Unies. Si l'OLP ne se conforme pas à la loi, l'Attorney General intentera une action en justice pour obtenir la fermeture de la mission d'observation de l'OLP le 21 mars 1988, date d'entrée en vigueur de la loi, ou peu après cette date. Cette démarche doit permettre de faire appliquer la loi en bonne et due forme. Les Etats-Unis ne comptent pas prendre d'autres mesures pour obtenir la fermeture de la mission d'observation tant que cette action n'aura pas abouti. Dans ces conditions, les Etats-Unis estiment que soumettre cette affaire à l'arbitrage ne serait d'aucune utilité.»

cette lettre a été remise en mains propres au Secrétaire général par le représentant permanent par intérim des Etats-Unis, le 11 mars 1988. En recevant cette lettre, le Secrétaire général a protesté auprès de celui-ci et a déclaré que la décision prise par le Gouvernement des Etats-Unis, telle qu'elle était exposée dans la lettre, constituait une violation manifeste de l'accord de siège entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis.

25. Le même jour, l'Attorney General des Etats-Unis a écrit à l'observateur permanent de l'OLP auprès de l'Organisation des Nations Unies en ces termes:

«J'ai l'honneur de vous informer que les dispositions de la «loi contre le terrorisme de 1987» (titre X de la Foreign Relations Authorization Act de 1988 et 1989, Pub. L. n° 100-204, promulguée par le Congrès des Etats-Unis et approuvée le 22 décembre 1987 (la «loi») entreront en vigueur le 21 mars 1988. La loi interdit, notamment, à l'Organisation de libération de la Palestine («OLP») d'établir ou de maintenir un bureau sur un territoire relevant de la juridiction des Etats-Unis. En conséquence, à compter du 21 mars 1988, le maintien de la mission d'observation de l'OLP auprès de l'Organisation des Nations Unies aux Etats-Unis sera illégal.

La loi charge l'Attorney General de faire appliquer la loi. A cette fin, je tiens à vous informer qu'au cas où vous ne vous conformeriez pas aux dispositions de la loi le départements de la justice saisirait un tribunal fédéral des Etats-Unis pour obtenir que vous vous y conformiez.»

26. Le même jour enfin, au cours d'une conférence de presse tenue au département de la justice des Etats-Unis, l'Attorney General adjoint chargé du bureau du conseiller juridique, répondant à une question, a déclaré ce qui suit:

«Nous avons décidé que nous ne participerions à aucune instance, que ce soit devant le tribunal arbitral qui pourrait être constitué en application de l'article XXI, me semble-t-il, de l'accord relatif au siège de l'Organisation des Nations Unies, ou devant la Cour international DE Justice. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la loi [c'est-à-dire la loi de 1987 contre le terrorisme] l'emporte sur les dispositions de l'accord relatif au siège de l'ONU pour autant que leur contenu lui est contraire et par conséquent la participation à aucune des tribunaux dont vous avez parlé serait sans la moindre utilité. La force de la loi l'emporte et nous n'avons d'autre choix que de nous y conformer.»

27. Le 14 mars 1988, l'observateur permanent de l'OLP a répondu à la lettre de l'Attorney General en appelant son attention sur le fait que la mission permanente d'observation de l'OLP existait depuis 1974 et a ajouté:

«L'OLP a maintenu ces dispositions en application des résolutions pertinentes de l'Assemblée générale des Nations Unies (résolutions 3237 (XXIX), 42/210 et 42/210 et 42/229…). La mission d'observation de l'OLP n'est en aucune façon accréditée auprès des Etats-Unis. Le gouvernement de ce dernier pays a d'ailleurs indiqué clairement que les membres de cette mission se trouvent aux Etats-Unis uniquement en leur qualité d'«invités» de l'Organisation des Nations Unies, au sens de l'accord de siège. L'Assemblée générale a été guidée à cet égard par les principes pertinents énoncés dans la Charte des nations Unies (chap. XVI…) J'aimerais à ce propos vous rappeler que le Gouvernement des Etats-Unis a souscrit à la Charte des Nations Unies et à la création d'une organisation international qui prendrait le nom de «Nations Unies.»

Il en a conclu qu'il était clair que «le Gouvernement des Etats-Unis est tenu de respecter les dispositions de l'accord de siège et les principes de la Charte». Le 21 mars 1988, l'Attorney General des Etats-Unis a répondu comme suit à l'observateur permanent de l'OLP:

«Je connais bien votre position, qui est qu'en demandant la fermeture de la mission d'observation de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) nous ne respectons pas les obligations qui découlent de l'accord relatif au siège de l'Organisation des Nations Unies et, par conséquent, le droit international. Toutefois, parmi tous les arguments qui plaident en faveur de notre décision, il faut citer la position de la Cour suprême des Etats-Unis, qui considère depuis plus d'un siècle que le Congrès peut, aux fins du droit national. Dans le cas présent, le Congrès a décidé, indépendamment du droit international, d'interdire dans le pays tous les bureaux de l'OLP, dont la mission d'observation de l'OLP auprès de l'Organisation des Nations Unies. Ma fonction est de faire appliquer la loi et la seule possibilité qui me soit lassée en l'occurrence pour m'en acquitter comme je le dois est de respecter cette décision et d'y donner suite.

Vous noterez de plus que la loi contre le terrorisme ne continent pas seulement des dispositions interdisant l'établissement ou le maintien d'un bureau par l'OLP sur le territoire sous la juridiction des Etats-Unis. J'attire en particulier votre attention sur les sous-sections 1003 a) et b), qui interdisent à quiconque de recevoir ou d'utiliser des fonds provenant de l'OLP ou de ses agents pour promouvoir les intérêts de ceux-ci. Toutes les dispositions de cette loi deviennent exécutoires le 21 mars 1988.»

28. Le 15 mars 1988, le Secrétaire général a écrit au représentant permanent par intérim des Etats-Unis en réponse à sa lettre du 11 mars 1988 (paragraphe 24 ci-dessus) et a déclaré ce qui suit:

«Comme je vous l'ai dit lors de notre entretien du 11 mars 1988, quand vous m'avez, j'ai protesté parce que, selon l'Organisation des Nations Unies, la décisions prise par le Gouvernement des Etats-Unis, telle qu'elle est exposée dans la lettre, constitue une violation flagrante de l'accord de siège conclu entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis. Plus particulièrement, je ne saurais accepter que les Etats-Unis puissent prendre une mesure, comme il est dit dans la lettre, quelles que soient les obligations qui leur incombent en vertu de l'accord de siège, et je voudrais vous demander de réfléchir à nouveau aux graves conséquence d'une pareille déclaration, étant donné les responsabilités qui incombent aux Etats-Unis en tant que pays hôte.

Je dois aussi contester la conclusion à laquelle vous parvenez dans votre lettre, à savoir que les Etats-Unis estiment que soumettre cette affaire à l'arbitrage ne serait d'aucune utilité. L'Organisation des Nations Unies reste persuadée que le dispositif prévu dans l'accord de siège constitue le cadre approprié pour le règlement de ce différend et je ne peux admettre que l'arbitrage ne serait d'aucune utilité. Bien au contraire, dans le cas présent, il servirait l'objectif même pour lequel les dispositions de la section 21 ont été incluses dans l'accord, à savoir permettre le règlement d'un différend résultant de l'interprétation ou de l'application de l'accord.»

29. Selon l'exposé écrit du 25 mars 1988 présenté à la cou par les Etats-Unis:

«La mission de l'OLP ne s'est pas conformée à l'ordre du 11 mars. Pour la contraindre à s'exécuter, le département de la justice des Etats-Unis a donc saisi, le 22 mars, le tribunal fédéral du district sud de New York. Cette procédure permettra à l'OLP et autres intéressés de s'opposer par des moyens de droits à ce qu'un mesure de contrainte soit prise contre la mission de l'OLP pour faire appliquer la loi. Dans l'attente d'une décision judiciaire, les Etats-Unis ne prendront aucune mesure pour faire fermer la mission. La question ayant été portée devant nos tribunaux, nous pensons qu'un arbitrage ne serait pas opportun et que ce n'est pas le moment pour y recourir.»

La Cour a reçu (en tant que partie du dossier fourni par le Secrétaire général) copie de l'assignation adressée à l'OLP, à la mission d'observation de l'OLP, à ses membres et à son personnel. Cette assignation est datée du 22 mars 1988 et exige une réplique dans les vingt jours suivant la date à laquelle elle a été signifiée.

30. Le 23 mars 1988, l'assemblée générale, à la reprise de sa quarante-deuxième session, a adopté la résolution 42/230 par 148 voix contre 2, par laquelle elle a réaffirmé notamment que:

«un différend existe entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis d'Amérique, pays hôte, quant à l'interprétation ou à l'application de l'accord de siège, et que la procédure de règlement des différents prévue à la section 21 de l'accord, qui constitue a seule voie de recours existant sur le plan juridique pour régler ce différend, devrait être engagée»

et prié «le pays hôte de désigner son arbitre au tribunal arbitral».

31. Le représentant des Etats-Unis, qui a voté contre la résolution, a dit notamment ce qui suit dans son explication de vote. Mentionnant les poursuites engagées auprès des tribunaux des Etats-Unis, il a déclaré:

«Les Etats-Unis ne prendront aucune autre mesure pour fermer le bureau de l'OLP tant que le tribunal [des Etats-Unis] n'aura pas pris une décision sur la position de l'Attorney General selon laquelle la loi exige la fermeture du bureau… tant que les tribunaux américains n'auront pas décidé si cette loi exige la fermeture de la mission permanente d'observation de l'OLP, le Gouvernement des Etats-Unis pense qu'il serait prématuré d'envisager l'opportunité du recours à l'arbitrage.» (A/42/PV. 109,p. 13-15.)

Il a aussi déclaré:

«Ne permettons pas que le différend actuel portant sur le statut de la mission d'observation de l'OLP nous détourne de cet important objectif historique de paix au Moyen-Orient.» (Ibid., p.16.)

32. Au cours d'une audience, le conseiller juridique de l'Organisation des Nations Unies, représentant le Secrétaire général, a déclaré à la cour qu'il avait informé le juge du tribunal de district des Etats-Unis saisi de l'affaire visée au paragraphe 29 ci-dessus du désir de l'Organisation des Nations Unies de présenter en l'espèce un exposé en qualité d'amicdus curiae.

33. Dans la présente affaire, la Cour n'est pas appelée à se prononcer sur la question de savoir si les mesures adoptées par les Etats-Unis en ce qui concerne la mission d'observation de l'OLP auprès de l'Organisation des Nations Unies sont ou non contraires à l'accord de siège. En effet la question posée à la Cour ne porte ni sur les manquements allégués aux dispositions de l'accord de siège applicables à cette mission, ni sur l'interprétation de ces dispositions. La demande d'avis tend exclusivement à déterminer en l'espèce si, par application de la section 21 de l'accord de siège, l'Organisation des Nations Unies était en droit de demander l'arbitrage et si les Etats-Unis avaient l'obligation de se soumettre à cette procédure. Ainsi la demande d'avis concerne uniquement l'applicabilité au différend allégué de la procédure d'arbitrage prévue par l'accord de siège. Il s'agit d'une question juridique au sens de l'article 65, paragraphe 1, du Statut. Rien ne s'oppose en l'espèce à ce que la Cour réponde à cette question.

34. Pour répondre à la question posée, la Cour doit déterminer si un différend existe entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis et, dans l'affirmative, s'il s'agit d'un différend «au sujet de l'interprétation ou de l'application» de l'accord de siège au sens de la section 21 dudit accord. Si elle conclut à l'existence d'un tel différend, elle doit s'assurer, conformément à cette section, qu'il n'a pu être «réglé par voie de négociations» ou par «tout autre mode de règlement agrée par les parties».

35. Comme la Cour l'a fait observer dans l'affaire de l'Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgare, la Hongrie et la Roumanie, «l'existence d'un différend international demande à être établie objectivement» (C. P. J: Recueil 1950, p. 74). A cet égard, la Cour permanente de Justice internationale avait, dans l'affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine, défini un différend comme «un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèses juridiques où d'intérêts entre deux personnes» (C. P. J. I. Série A n° 2, p. 11). Cette définition a depuis lors été appliquée et précisée à plusieurs reprises. Dans l'avis consultatif du 30 mars 1950, la Cour, après avoir examiné la correspondance diplomatique échangée entre les Etats concernées, à observé que «les points de vue des deux parties , quant à l'exécution ou à la non-exécution de certaines obligations découlant des traités» de paix, étaient «nettement opposés» et en a conclu que «des différends internationaux [s'étaient] produits» (Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, C. I. J. Recueil 1959, p. 74). Par ailleurs, dans son arrêt du 21 décembre 1962 dans les affaires du Sud-Ouest africain, la Cour a précisé que pour démontrer l'existence d'un différend

«il ne suffit pas que l'une des parties à une affaire contentieuse affirme l'existence d'un différend avec l'autre partie. La simple affirmation ne suffit pas pour prouver l'existence d'un différend, tout comme le simple fait que l'existence dune différend est contestée ne prouve pas que ce différend n'existe pas. Il n'est pas suffisant non plus de démontrer que les intérêts des deux parties à une telle affaire sont en conflit. Il fait démontrer que la réclamation de l'une des parties se heurte à l'opposition manifeste de l'autre.» (C. I. J. Recueil 1962. P. 328.)

La Cour a estime que l'attitude opposée des parties établissait clairement l'existence d'un différent (ibid; voir aussi l'affaire du Cameroun septentrional, C. I. J. Recueil 1963, p. 27).

36. Dans la présente affaire, le Secrétaire général a fait connaître à la Cour qu'a son opinion un différend au sens de la section 21 de l'accord de siège a existé entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis à partir du moment où la loi contre le terrorisme a été promulguée par le président des Etats-Unis, et en l'absence d'assurances adéquates données à l'Organisation selon lesquelles cette loi ne serait pas appliquée à la mission d'observation de l'OLP auprès de l'Organisation des Nations Unies. Par sa lettre au représentant permanent des Etats-Unis en date du 14 janvier 1988, le Secrétaire général a formellement contesté la conformité de la loi à l'accord de siège (paragraphe 16 ci-dessus). Le Secrétaire général a confirmé et précisé ce point de vue dans sa lettre au représentant permanent par intérim des Etats-Unis du 15 mars 1988 (paragraphe 28 ci-dessus) lui faisant connaître que la décision prise par l'Attorney General des Etats-Unis le 11 mars 1988 est une «violation flagrante de l'accord de siège». Il a dans cette même lettre réitéré sa demande d'arbitrage.

37. Les Etats-Unis n'ont jamais expressément contredit le point de vue exposé par le Secrétaire général et entériné par l'Assemblée générale quant au sens de l'accord de siège. Certaines autorités américaines ont même exprimé le même point de vue. Mais les Etats-Unis n'en ont pas moins pris des mesures contre la mission de l'OLP auprès de l'Organisation des Nations Unies. Ils ont précisé que ces mesures intervenaient «quelles que soient les obligations qui incombent aux Etats-Unis en vertu de l'accord de siège» (paragraphe 24 ci-dessus).

38. Pour la Cour, lorsqu'une partie à un traité proteste contre une décision ou un comportement adoptés par une autre partie et prétend que cette décision ou ce comportement constituent une violation de ce traité, le simple fait que la partie accusée ne présente aucune argumentation pour justifier sa conduite au regard du droit international n'empêche pas que les attitudes opposées des parties fassent naître un différend au sujet de l'interprétation ou de l'application du traité. Ainsi dans l'affaire du Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis d'Amérique à Téhéran, la compétence de la Cour a été principalement invoquée sur la base des protocoles de signature facultative concernant le règlement obligatoire des différends qui accompagnent les conventions de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques et de 1963 sur les relations consulaires et qui définissent les différends auxquels ils s'appliquent comme «les différends relatifs à l'interprétation ou à l'application» desdites conventions. L'Iran, qui ne s'était pas présenté à l'instance devant la Cour, avait agi de telle manière que, de l'avis des Etats-Unis, il avait violé ces conventions, mais, pour autant que le savait la Cour, l'Iran n'avait jamais prétendu justifier ses actions en invoquant une autre interprétation des conventions, sur la base de laquelle lesdites actions n'auraient pas constitué de telles violations. La Cour ne jugea pas nécessaire de rechercher quelle avait été l'attitude de l'Iran pour établir l'existence d'un «différend»; en vue de déterminer si elle était compétente, elle a déclaré:

«Les demandes des Etats-Unis présentement en cause visent des violations qu'aurait commises l'Iran des obligations résultant de plusieurs articles des conventions de Vienne de 1961 et de 1963 et ayant trait aux privilèges et immunités du personnel de l'ambassade et des consulats des Etats-Unis en Iran, à l'inviolabilité de leurs locaux et de leurs archives et à l'octroi de facilités pour l'accomplissement de leurs fonctions…Par leur nature même, toutes ces demandes mettent en cause l'interprétation ou l'application de l'une ou l'autre des deux conventions de Vienne.» (C. I. J. Recueil 1980, p. 24-25, par 46.)

39. Dans la présente espèce, les Etats-Unis n'ont pas, dans leurs déclarations officielles, qualifié l'affaire de «différend» (si ci n'est le 23 mars 1988, lorsqu'ils se sont réfugiés incidemment au «différend actuel portant sur le statut de la mission d'observation de l'OLP» (paragraphe 31 ci-dessus)) et ils ont estimé que l'arbitrage serait «prématuré». Dans son rapport à l'Assemblée générale (A/42/915, par. 6) le Secrétaire général note que la position adoptée par les Etats-Unis au cours des conversations de janvier 1988 était que «l'existence d'un différend entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis à l'heure actuelle n'était pas encore établie puisque la loi en question n'avait pas encore été appliquée». Enfin, dans son exposé écrit soumis à la Cour le 25 mars 1988, le Gouvernement des Etats-Unis a déclaré que:

«Dans l'attente d'une décision judiciaire, les Etats-Unis ne prendront aucune mesure pour faire fermer la mission. La question ayant été portée devant nos tribunaux, nous pensons qu'un arbitrage ne serait pas opportun et que ce n'est pas le moment pour y recourir.»

40. La Cour ne saurait faire prévaloir des considérations d'opportunité sur les obligations résultants de la section 21 de l'accord de siège, car «la Cour, étant une cour de justice, ne peut faire abstraction de droits reconnus par elle pour se déterminer seulement par des considérations de pure opportunité» (affaire des Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, ordonnance du 6 décembre 1930, C. P. J. I. Série A n° 24, p. 15).

41. La Cour doit par ailleurs observer que le différend allégué porte uniquement sur les droits que l'Organisation des Nations Unies estime tenir de l'accord de siège. Or la procédure d'arbitrage prévue par cet accord a précisément pour objet de permettre de régler les différends qui pourraient naître à ce sujet entre l'Organisation et le pays hôte sans recours préalable aux tribunaux nationaux et il serait contraire tant à la lettre qu'à l'esprit de l'accord de subordonner la mise en oeuvre de cette procédure à un tel recours préalable. Il est évident que la mise en oeuvre d'une disposition du type de la section 21 de l'accord de siège ne peut être subordonnée à l'épuisement des voies de recours internes comme condition de son application.

42. L'exposé écrit des Etats-Unis pourrait impliquer que ni la promulgation de la loi contre le terrorisme, ni son entrée en vigueur, ni la décision d'application pris par l'Attorney General , ni la saisine du juge par ce dernier en vue de la fermeture de la mission de l'OLP auprès de l'Organisation des Nations Unies n'auraient été suffisantes pour faire naître un différend entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis, dès lors que l'affaire serait encore pendante devante le juge américain et que dans l'attente de la décision de ce dernier les Etats-Unis, selon la lettre du représentant permanent par intérim du 11 mais 1988, «ne comptent pas prendre d'autres mesures pour obtenir la fermeture de la mission d'observation». La Cour ne saurait souscrire à une telle argumentation. En effet, si l'existence d'un différend suppose une réclamation trouvant son origine dans un comportement ou une décision de l'une des parties, elle n'implique nullement que toute décision contestées ait été matériellement exécutée. Bien plus, un différend peut naître même si la partie en cause donne l'assurance qu'aucune mesure d'exécution ne sera prise tant qu'elle n'aura pas été ordonnée par une décision des tribunaux nationaux.

43. La loi américaine contre le terrorisme a été promulguée le 22 décembre 1987. Elle devait entrer en vigueur automatiquement quatre-vingt-dix jours plus tard. Bien que la loi couvre tout bureau de l'OLP se trouvant sur le territoire relevant de la juridiction des Etats-Unis et qu'elle ne mentionne pas expressément le bureau de la mission permanente d'observation de l'OLP auprès de l'Organisation des Nations Unies à New York, il apparaît que son objet principal, sinon exclusif, était la fermeture de ce bureau. L'Attorney General des Etats-Unis a estimé le 11 mars 1988 qu'il était dans l'obligation de faire procéder à une telle fermeture; il en a informé la mission et a demandé aux tribunaux américains une injonction interdisant aux intéressés. «de continuer à voler la loi». Le Secrétaire général agissant tant en son nom propre que sur instructions de l'Assemblée générale a, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, constamment contesté les décisions envisagées, puis prises, par le Congrès et l'Administration des Etats-Unis. Dans ces conditions, la Cour se doit de constater que les attitudes opposées de l'Organisation des Nations Unies et des Etats-Unis révèlent l'existence d'un différend entre les deux parties à l'accord de siège.

44. Pour les besoins les besoins de la présente demande d'avis, il n'est pas nécessaire de chercher à déterminer la date à laquelle le différend est né dès lors que la Cour est arrivée à la conclusion qu'il existe un tel différend à la date à laquelle elle rend son avis consultatif.

45. La Cour doit examiner ensuite la question de savoir si le différend concerne l'interprétation ou l'application de l'accord de siège. Il n'appartient pas toutefois à la Cour de dire si la promulgation ou l'application de la loi américaine contre le terrorisme constituerait ou ne constituerait pas une violation des dispositions de l'accord de siège; cette question relève du tribunal arbitral dont le Secrétaire général demande la constitution conformément à la section 21 de l'accord de siège.

46. Dans la présente affaire, le Secrétaire général et l'Assemblée générale des Nations Unies ont constamment rappelé que l'OLP avait été invitée «à participer aux sessions et aux travaux de l'Assemblée générale en qualité d'observateur» (résolution 3237 (XXIX)). La mission d'observation de l'OLP auprès de l'Organisation des Nations Unies était par suite, selon eux, couverte à ce titre par les dispositions des sections 11, 12 et 13 de l'accord des siège. Elle devait dès lors avoir «la possibilité d'établir et de maintenir des locaux et des installations adéquates pour l'accomplissement de sa tâche» (résolution 42/229 A de l'Assemblée générale, par 2.). Le Secrétaire général et l'Assemblée générale en ont déduit que les diverses mesures envisagées, puis prises, par le Congrès et l'Administration des Etats-Unis seraient contraires à l'accord si elles devaient être appliquées à cette mission et en ont conclu que l'application de l'accord de siège.

47. En ce qui concerne la position des Etats-Unis, la Cour note que, dès le 29 janvier 1987, le secrétaire d'Etat américain avait écrit au sénateur Dole que:

«la mission d'observation de l'OLP à New York a été établi comme suite à la résolution 3237 (XXIX) adoptée par l'Assemblée générale, le 22 novembre 1974, qui invitait l'OLP à participer aux sessions et aux travaux de l'Assemblée générale en qualité d'observateur».

Il ajoutait que:

«les membres du personnel de la mission d'observation de l'OLP sont présents aux Etats-Unis qu'en qualité de «personnes invitées» par l'Organisation des Nations Unies, au sens de l'accord de siège. Donc, nous avons l'obligation d'autoriser les membres du personnel de la mission d'observation de l'OLP à entrer et à demeurer aux Etats-Unis pour s'acquitter de leurs fonctions officielles au Siège de l'Organisation des Nations Unies…» (Congressional Record. Vol. 133, n°78, p. S6449.)

Après l'adoption de la loi contre le terrorisme, le représentant permanent par intérim des Etats-Unis auprès de l'Organisation des Nations Unies a précisé au Secrétaire général que les dispositions de cette loi «concernant la mission d'observation de l'OLP…, si elles étaient appliquées,…seraient contraires [aux] obligations juridiques internationales» découlant pour le pays hôte de l'accord de siège (paragraphe 15 ci-dessus). Puis les Etats-Unis ont envisagé d'interpréter cette loi dans un sens compatible avec leurs obligations (paragraphe 17 ci-dessus). Mais par la suite le représentant permanent par intérim des Etats-Unis a, dans une lettre du 11 mars 1988 (paragraphe 24 ci-dessus), fait connaître au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies que l'Attorney General des Etats-Unis avait jugé que la loi contre le terrorisme le mettait dans l'obligation de fermer la mission d'observation de l'OLP, «quelles que soient les obligations qui incombent aux Etats-Unis en vertu» de l'accord de siège. De même, un Attorney General adjoint a déclaré le même jour que la loi «l'emporter sur les dispositions de l'accord relatif au siège de l'ONU pour autant que leur contenu lui est contraire…» (paragraphe 26 ci-dessus). Le secrétaire général, en réponse à la lettre du représentant permanent par intérim des Etats-Unis, contesta le 15 mars 1988 le point de vue ainsi exprimé, au nom de la prééminence du droit international sur le droit interne.

48. Ainsi, dans une première phase, les discussions ont porté sur l'interprétation de l'accord de siège de dans cette perspective les Etats-Unis n'ont pas contesté que certaines dispositions de cet accord s'appliquent à la mission de l'OLP auprès l'Organisation des Nations Unies à New York, Mais, dans une deuxième phase, ils ont fait prévaloir sur l'accord de siège la loi contre le terrorisme, et le Secrétaire général a contesté qu'il puisse en être ainsi.

49. En définitive, les Etats-Unis ont pris diverses mesures à l'encontre de la mission d'observation de l'OLP auprès de l'Organisation des Nations Unies à New York. Le Secrétaire général a estimé ces mesures contraires à l'accord de siège. Sans contester expressément ce point de vue, les Etats-Unis ont déclaré avoir pris ces mesures «quelles que soient les obligations qui [leur] incombent …en vertu de l'accord». Un tel comportement est inconciliable avec la position du Secrétaire général. De ce fait, il existe entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis un différend relatif à l'application de l'accord de siège, entrant dans les prévisions de sa section 21.

50. On pourrait certes se demander si en droit interne américain les décisions prises par l'Attorney General des Etats-Unis les 11 et 21 mars 1988 assurent déjà l'application de la loi contre le terrorisme ou si cette loi ne pourra être considérée comme effectivement appliquée que dans l'hypothèse où, à l'issue des procédures judiciaires en cours, la mission de l'OLP serait effectivement fermée. Mais cela n'est pas déterminant au regard de la section 21 de l'accord de siège qui vise tout différend «au sujet de l'interprétation ou de l'application» de l'accord en non au sujet de l'application des mesures prises dans le droit interne des Etats-Unis. La Cour ne voit donc aucune raison qui puisse l'amener à ne pas conclure à l'existence, entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis d'un différend concernant «l'interprétation ou… l'application» de l'accord de siège.

51. La Cour aborder maintenant la question de savoir si le différend entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis n'a pu, conformément à la section 21, alinéa a), de l'accord de siège, être «réglé par voie de négociations» ou par «tout autre mode de règlement agréé par les parties».

52. Dans son exposé écrit, le Secrétaire général estime que cette disposition prescrit le recours à une procédure en deux temps.

«Dans un premier temps, les parties s'efforcent de régler leurs différends par voie de négociations ou par tout autre mode de règlement agréé par elles. Si elles n'y parviennent pas, le deuxième stade de la procédure – l'arbitrage obligatoire – entre en jeu.» (Par. 17.)

Le Secrétaire général en déduit que:

«Pour pourvoir conclure que les Etats-Unis sont tenus de soumettre à l'arbitrage, il faut établir que l'ONU a tenté de bonne foi de régler le différend par des négociations ou par un autre mode convenu de règlement, et que ces négociations n'ont pas permis de régler le différend.» (Par. 42).

53. Dans la lettre qu'il a adressée le 14 janvier 1988 au représentant permanent des Etats-Unis, le Secrétaire général invoque formellement la procédure de règlement des différends énoncée à la section 21 de l'accord de siège; il relève aussi que, «selon l'alinéa a) de la section 21, une tentative doit d'abord être faite de régler le différend par voie de négociations» et propose que la phase de négociations commence le 20 janvier 1988. Il ressort du rapport du Secrétaire général à l'assemblée générale qu'une série de consultations avaient déjà commencé le 7 janvier 1988 (A/42/915, par. 6) et qu'elles se sont poursuivies jusqu'au 10 février 1988 (ibid., par 10). Des discussions techniques officieuses consacrées à des questions de procédure relatives à l'arbitrage qu'envisageait le Secrétaire général ont eu lieu du 28 janvier au 2 février 1988 (ibid., par 8-9). Le 2 mars 1988, le représentant permanent par intérim des Etats-Unis a déclaré à l'Assemblée générale:

«Nous avons tenus des consultations régulières et fréquente avec le Secrétariat de l'Organisation des Nations Unies au cours des derniers mois à propos d'un solution appropriée à la question.» (A/42/PV. 104, p.58)

54. Le Secrétaire général reconnaît que «les Etats-Unis n'ont pas jugé que ces contacts et consultations s'inscrivaient formellement dans le cadre de la section 21, alinéa a), de l'accord de siège» (exposé écrit, par. 44) et, dans une lettre qu'il a adressée le 2 février 1988 au représentant permanent des Etats-Unis, le Secrétaire général prend note que la positon adoptée par la partie américaine est que, tant qu'elle continue à évaluer la situation qui résulterait de l'application de la loi contre le terrorisme, «elle ne peut prendre part à la procédure de règlement des différends énoncée à la section 21 de l'accord de siège».

55. La Cour estime que, compte tenu de l'attitude des Etats-Unis, le Secrétaire général a épuisé en l'espèce les possibilités de négociations qui s'offraient à lui. A cet égard, la Cour rappellera que la Cour permanente de Justice internationale a déclaré, dans l'affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine, que:

«l'appréciation de l'importance et des chances de réussite d'une négociation diplomatique est essentiellement relative. Une négociation ne suppose pas toujours et nécessairement une série plus ou moins longue de notes et de dépêches; ce peut-être assez qu'une conversation ait été entamée; cette conversation a pu être très courte: tel est le cas si elle a rencontré un point mort, si elle s'est heurtée finalement à un non possumus ou à un non volumus péremptoire de l'une des parties et qu'ainsi il est apparu avec évidence que le différend n'est pas susceptible d'être réglé par une négociation diplomatique» (C. P.J. L série A n° 2, p. 13).

Dans l'affaire du Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, où les tentatives américaines de négociations avec l'Iran «avaient abouti à une impasse, le Gouvernement de l'Iran ayant refusé toute discussion», la Cour a conclu qu'«il existait donc à cette date non seulement un différend mais, sans aucun doute, «un différend ... qui ne [pouvait] pas être réglé d'une manière satisfaisante par la voie diplomatique» au sens» du texte applicable à cette question de juridiction (C. I. J. RecueiI I980, p. 27, par. 51). Dans la présente affaire, la Cour estime qu'il est aussi hors de doute que le différend entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis est un différend qui n'a pas été «réglé par voie de négociations» au sens de la section 21, alinéa a), de l'accord de siège.

56. Il n'a pas davantage été envisagé par l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis de régler leur différend par un «autre mode de règlement agréé . À cet égard, la Cour doit observer que l'action actuellement engagée devant les tribunaux américains par l'Attorney General des Etats-Unis ne saurait constituer un «mode de règlement agréé» au sens de la section 21 de l'accord de siège. En effet, cette action a pour but d'assurer l'observation de la loi de 1987 contre le terrorisme, elle ne tend pas à régler le différend relatif à l'application de l'accord de siège né entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis. En outre, l'Organisation des Nations Unies n'a jamais donné son accord pour que ce différend soit réglé par les tribunaux américains et a tenu à préciser avec soin qu'elle ne désirait intervenir devant le tribunal fédéral du district sud de New York qu'à titre d'amicus curiae.

57. La Cour doit en conclure que les Etats-Unis sont tenus de respecter l'obligation de recourir à l'arbitrage conformément à la section 21 de l'accord de siège. Il reste néanmoins, ainsi que la Cour l'a déjà fait observer, que les Etats-Unis ont déclaré (lettre du représentant permanent en date du 11 mars 1988) avoir adopté les mesures prises à l'encontre de la mission d'observation de l'OLP «quelles que soient les obligations qui [leur] incombent en vertu de l'accord de siège». S'il fallait interpréter cette déclaration comme ayant entendu se référer non seulement aux obligations substantielles prescrites, par exemple, aux sections 11, 12 et 13, mais également à l'obligation de recourir à l'arbitrage prévue à la section 21, il n'y aurait pas lieu pour autant de modifier la conclusion ci-dessus énoncée. En effet, il suffirait de rappeler le principe fondamental en droit international de la prééminence de ce droit sur le droit interne. Cette prééminence a été consacrée par la jurisprudence dès la sentence arbitrale rendue le 14 septembre 1872 dans l'affaire de l'Alabamaentre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne et elle a été souvent rappelée depuis lors, notamment dans l'affaire des «Communautés» gréco-bulgares, dans laquelle la Cour permanente a jugé que

«c'est un principe généralement reconnu du droit des gens que, dans les rapports entre Puissances contractantes d'un traité, les dispositions d'une loi interne ne sauraient prévaloir sur celles du traité» (C P.J. I série B n° 17, p. 32).

58. Par ces motifs,

LA COUR,

à l'unanimité,

Est d'avis que les Etats-Unis d'Amérique, en tant que partie à l'accord entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis d'Amérique relatif au siège de l'Organisation des Nations Unies, en date du 26 juin 1947, sont tenus, conformément à la section 21 de cet accord, de recourir à l'arbitrage pour le règlement du différend qui les oppose à l'Organisation des Nations Unies.

Fait en français et en anglais, le texte français faisant foi, au palais de la Paix, à La Haye, le vingt-six avril mil neuf cent quatre-vingt-huit, en deux exemplaires, dont l'un restera déposé aux archives de la Cour et l'autre sera transmis au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.

Le Président,

(Signé) José Maria RUDA. Le Greffier,

(Signé) Eduardo VALENCIA-OSPINA.

M. ELIAS, juge, joint une déclaration à l'avis consultatif.

MM. ODA, SCHWEBEL et SHAHABUDDEEN, juges, joignent à l'avis consultatif les exposés de leur opinion individuelle.

(Paraphé) J. M. R.

(Paraphé) E. V. O.

[Traduction]

Je souscris à l'avis consultatif, mais étant bien entendu que je considère qu'aux fins de la question juridique soumise à la Cour au sens de l'article 65 du Statut de la Cour et de l'article 96 de la Charte, un différend est né entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis lorsque le Congrès des Etats-Unis a adopté la loi contre le terrorisme, signée le 22 décembre 1987. Je ne pense pas que ce différend ne se cristallisera qu'au moment où la loi du Congrès pourrait être confirmée par le tribunal de district de New York-comme l'ont soutenu les Etats-Unis. Je ne pense pas non plus que l'efficacité à cet égard de la loi du Congrès signée par le Président dépend de la question de savoir si les assurances que le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies a demandées au gouvernement lui ont été données ou non. Le but recherché par le Secrétaire général ne peut être atteint que si le Congrès adopte un nouveau texte législatif modifiant la foi contre le terrorisme. La loi du 22 décembre 1987 est en elle-même suffisante pour faire naître un différend puisque «la demande de l'Assemblée générale a été présentée en raison de la situation créée par la promulgation de la foi de 1987 contre le terrorisme adoptée par le Congrès des Etats-Unis» (C. I. J., communiqué de presse no 88/10, 14 avril 1988).

(Signé) T. O. ELIAS.

[Traduction]

1. J'ai voté pour l'avis consultatif, mais seulement après avoir quelque peu hésité, et j'estime qu'il est de mon devoir de juge de m'en expliquer. Je suis, en effet, convaincu qu'un aspect important du différend existant entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis aurait dû être mis plus clairement en évidence à la fois dans la requête soumise par l'Assemblée générale et dans l'argumentation de la Cour.

2. Il importe de noter dès le départ qu'il n'existe guère de divergences de vues entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis en ce qui concerne les dispositions pertinentes de fond de l'accord de siège de 1947, à savoir les sections 11 à 13. Bien que, dans la présente controverse, la première référence expresse aux sections 11, 12 et 13 remonte, du moins à la connaissance de la Cour, à la déclaration faite par le porte-parole du Secrétaire général le 22 octobre 1987 (conférence de presse quotidienne de l'Organisation des Nations Unies), il est raisonnablement permis de penser que non seulement l'Organisation des Nations Unies mais aussi les Etats-Unis ont toujours eu ces dispositions à l'esprit lorsqu'ils ont considéré les conséquences que pouvait avoir pour les intérêts de l'Organisation des Nations Unies la proposition de loi visant à rendre illégaux l'établissement ou le maintien d'un bureau de l'Organisation de libération de la Palestine dans les limites de la juridiction des Etats-Unis.

3. Dès janvier 1987, le secrétaire d'Etat Shultz, dans la lettre qu'il a adressée le 29 janvier 1987 au sénateur Dole ainsi que dans une lettre du même jour à M. Kemp, membre de la chambre des représentants, a fait connaître son interprétation de l'accord de siège dans les termes suivants:

«Les Etats-Unis ont fait clairement savoir que les membres du personnel de la mission d'observation de l'OLP ne sont présents aux Etats-Unis qu'en qualité de «personnes invitées» par l'Organisation des Nations Unies, au sens de l'accord de siège. Donc, nous avons l'obligation d'autoriser les membres du personnel de la mission d'observation de l'OLP à entrer et à demeurer aux Etats-Unis pour s'acquitter de leurs fonctions officielles au Siège de l'Organisation des Nations Unies...» (Congressional Record, vol. 133, n° 78, p. S6449.)

Dans une lettre qu'il a adressée le 13 octobre 1987 au représentant permanent des Etats-Unis, le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, se référant à la position du secrétaire d'Etat (citée ci-dessus), lui a nettement fait savoir que la «législation [envisagée est] contraire aux obligations qui découlent de l'accord de siège». Dans une lettre, datée du 27 octobre 1987, le représentant permanent des Etats-Unis auprès de l'Organisation des Nations Unies a répondu en ces termes au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies:

«Le gouvernement s'est fermement opposé à la fermeture de la mission d'observation de l'Organisation de libération de la Palestine auprès de l'Organisation des Nations Unies. Je tiens à vous assurer que le gouvernement demeure hostile à ce projet de loi...»

Dans une lettre du 7 décembre 1987 adressée au représentant permanent des Etats-Unis, le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies a réaffirmé la position de l'Organisation et a noté qu'elle «coïncidait» avec la position adoptée par le Gouvernement des Etats-Unis dans la lettre du secrétaire d'Etat du 29 janvier 1988.

4. Le 14 octobre 1987, quand l'observateur de l'OLP a porté la question à l'attention du comité des relations avec le pays hôte de l'Organisation des Nations Unies, le représentant des Etats-Unis a immédiatement réagi dans les termes suivants:

«de l'avis de l'exécutif, la fermeture de la mission de l'OLP ne serait pas conforme aux obligations du pays hôte en vertu de l'accord de siège» (A/42/26, Rapport du comité des relations avec le pays hôte, p. 12).

D'après le rapport du comité, il n'a été fait mention d'aucune disposition particulière de l'accord de siège qui aurait pu être mise en cause. Cependant, on peut raisonnablement penser que, dans sa réponse, le représentant des Etats-Unis avait à l'esprit les sections 11, 12 et 13 de l'accord.

5. Dans sa résolution 42/210 B du 17 décembre 1987, l'Assemblée générale a exprimé l'avis non seulement que «la mesure envisagée [aux] Etats-Unis d'Amérique ... pourrait empêcher le maintien des installations de la mission ... d'observation de [I'OLP] ... lesquelles lui permettent de s'acquitter de ses fonctions officielles»,

mais aussi que la mission d'observation de l'OLP était couverte par les dispositions de l'accord de siège et elle a prié les Etats-Unis «de respecter les obligations que lui impose l'accord relatif au siège et ... de s'abstenir de prendre toute mesure qui empêcherait la mission ... d'observation de [I'OLPI de s'acquitter de ses fonctions officielles».

Lorsque le projet concernant cette résolution a été examiné à la Sixième Commission, le représentant des Etats-Unis s'est exprimé comme suit le 25 novembre 1987:

«le secrétaire d'Etat des Etats-Unis a déclaré que la fermeture de cette mission constituerait une violation des obligations des Etats-Unis en vertu de l'accord de siège» (A/C.6/42/SR. 58, p. 2).

Dès janvier 1988, le représentant permanent par intérim des Etats-Unis, dans la lettre qu'il a adressée le 5 du même mois au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, n'a pas hésité à déclarer que les dispositions concernant la mission d'observation de l'OLP «si elles étaient appliquées ... seraient contraires à nos obligations juridiques internationales découlant de l'accord de siège avec l'Organisation des Nations Unies».

6. Il était donc tout à fait clair qu'en ce qui concerne «l'interprétation ou l'application» des sections 11 à 13 de l'accord il n'y avait aucune divergence de vues, les deux parties reconnaissant que la fermeture par la contrainte du bureau de l'OLP serait contraire aux obligations internationales que les Etats-Unis assumaient en vertu de l'accord. Les positions des Etats-Unis et de l'Organisation des Nations Unies n'ont divergé que lorsque le Congrès a finalement adopté, les 15 et 16 décembre 1987, la loi contre le terrorisme, qui constituait le titre X de la loi d'ouverture de crédits pour les affaires étrangères, exercices budgétaires 1988 et 1989, que le président des Etats-Unis a promulguée, avec les autres titres de cette loi, le 22 décembre 1987. Je dois à nouveau faire observer que la divergence de vues entre Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis ne portait pas sur la question de savoir si la fermeture par la contrainte du bureau violerait ou non l'accord de siège, mais plutôt sur la question de savoir quelle mesure prise dans le cadre du système juridique interne des Etats-Unis équivaudrait à la fermeture par la contrainte du bureau de l'OLP à New York, mesure que les deux parties considéraient comme une violation de l'accord. Cette divergence de vues semble être apparue vers la fin de 1987 ou au début de 1988.

7. Lorsque le projet (qui devait devenir la résolution 42/210B de l'Assemblée générale) a été mis aux voix à la Sixième Commission le 11 décembre 1987, le représentant des Etats-Unis a indiqué pourquoi il n'avait pas participé au vote, en précisant que le vote sur la résolution était «superflu et inopportun puisqu'il porte sur une question que le Gouvernement des Etats-Unis est encore en train d'étudier» (A/C.6/42/SR. 62, p. 4). Lorsque le projet proposé par la Sixième Commission a été adopté en séance plénière par l'Assemblée générale, le 17 décembre 1987, et est devenu la résolution 42/2108, le représentant des Etats-Unis, qui une nouvelle fois n'a pas participé au vote, a exposé encore la position des Etats-Unis (A/42/PV. 98, p. 8). Par ailleurs, dans une lettre qu'il a adressée le 7 décembre 1987 au représentant permanent des Etats-Unis, le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies a demandé confirmation

«que même si la loi envisagée est adoptée, les arrangements actuellement en vigueur en ce qui concerne la mission d'observation de l'OLP ne seront ni restreints ni autrement affectés».

Le Secrétaire général a déclaré:

«Faute d'une telle assurance, il s'avérerait qu'un différend existe entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis quant à l'interprétation ou à l'application de l'accord de siège»

et a précisé qu'à défaut de cette assurance il se «verrait dans l'obligation d'entamer la Procédure de règlement des différends prévue à la section 21 de l'accord». Cette position a été réaffirmée par le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies dans une lettre datée du 14 janvier 1988, adressée au représentant permanent des Etats-Unis.

8. L'Organisation des Nations Unies a déclaré que des négociations-préalable indispensable pour qu'un différend puisse être soumis à un arbitrage obligatoire en vertu de la section 21 de l'accord de siège-avaient débuté le 7 janvier 1988, mais leur objet reste mal connu. Ce qui est clair, c'est que le Secrétaire général a estimé qu'il n'avait pas reçu l'assurance, qu'il avait demandée, au cours d'une réunion tenue le 12 janvier 1988, que les arrangements en vigueur concernant la mission d'observation de l'OLP seraient maintenus. On est doublement fondé à en déduire qu'il n'y a pas eu de négociations sur «l'interprétation ou l'application» des sections 11, 12 et 13 mais de simples consultations au cours desquelles l'Organisation des Nations Unies semble avoir cherché à plusieurs reprises à obtenir des Etats-Unis l'assurance que, compte tenu de la concordance de vues des parties concernant ces sections le bureau de l'OLP ne serait pas fermé en dépit de la promulgation de la loi contre le terrorisme. Par ailleurs, la position adoptée par les Etats-Unis lors de ces consultations était que

«la loi en question n'avait pas encore été appliquée et que l'exécutif continuait d'évaluer la situation en vue d'une éventuelle non-application de cette loi» (exposé écrit du Secrétaire général de ]'Organisation des Nations Unies).

Ainsi, au cours d'une série de consultations, les Etats-Unis ont estimé que la situation qui existait alors ne relevait pas de la section 21 de l'accord; l'Organisation des Nations Unies, pour sa part a maintenu que la procédure de règlement des différends prévue à là section 21 devait être appliquée. Les discussions ont porté sur l'applicabilité et, partant, sur l'application de la section 21, autrement dit de la clause compromissoire elle-même.

9. En conséquence, il n'y a jamais eu de différend manifeste entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis sur le point de savoir comment les sections 11 à 13 de l'accord devaient être «interprétées ou appliquées». Certes il n'est pas exclu que les Etats- Unis soutiennent plus tard que la fermeture parla contrainte du bureau de la mission d'observation de l'OLP ne serait pas contraire aux dispositions de l'accord, mais il n'en demeure pas moins que l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis se sont Presque accordés à reconnaître que sa fermeture par la contrainte constituerait une violation de ces dispositions. Or «l'Attorney General des Etats-Unis a jugé qu'il est tenu par la loi de 1987 contre le terrorisme de fermer le bureau de la mission d'observation de l'OLP (lettre du 11 mars 1988 adressée par le représentant permanent par intérim des Etats-Unis au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies), La véritable question qui se posait à l'Organisation avait trait à la structure constitutionnelle des Etats-Unis qui permettait manifestement de donner effet à ne loi interne en violation des droits d'une autre partie à un traité conclu par les Etats-Unis, et cela «quelles que soient les obligations que les Etats-Unis pourraient avoir au titre de l'accord» (lettre précitée) ou «quelles que puissent être les obligations juridiques internationales des Etats-Unis en vertu de l'accord de siège» (exposé écrit des Etats-Unis), ou indépendamment de «l'interprétation ou l'application de l'accord»; les Etats-Unis faisaient apparemment valoir que «le Congrès a le pouvoir d'abroger les traités et de ne pas tenir compte du droit international aux fins du droit interne» ou que, en l'occurrence, «le Congrès a décidé, indépendamment du droit international, d'international, d'interdire la présence de tous les bureaux de l'OLP aux Etats-Unis, y compris la présence de la mission d'observation de l'OLP auprès de l'Organisation des Nations Unies» (conférence de presse du département d'Etat du 11 mars 1988).

10. Je neveux pas dire que, dans la présente affaire, la Cour a été priée d'examiner cette question qui constitue un aspect fondamental du Maintien de la suprématie du droit international dans le cadre de son application interne. Cependant, il faut bien voir qu'en posant la question dont nous sommes actuellement saisis et qui procède de l'idée que «la section 21 de l'accord [de siège] constitue la seule voie de recours existant sur le plan juridique pour régler ce différend» (résolution 42/230 de l'Assemblée générale du 23 mars 1988 (les italiques sont de moi», l'Assemblée générale a remis à plus tard les véritables questions qui se sont posées à l'Organisation des Nations Unies et qui j'en suis certain ne pourront en définitive être réglées parla simple soumission à l'arbitrage d'un différend limité à l'interprétation ou à l'application des sections 11 à 13 de l'accord de siège, en effet, les véritables questions que soulève le différend ne portent pas sur l'interprétation ou l'application de l'accord de siège, mais sur le point de savoir si, sur le plan de l'exécution, la primauté devra être accordée à l'interprétation ou à l'application incontestée de cet accord ou à la loi contre le terrorisme telle que l'a interprétée l'Attorney General des Etats-Unis. Ce qui me gêne C'est que la question que la Cour a dû examiner n'est pas celle à laquelle il aurait été le plus utile qu'elle réponde pour tenir compte des profondes inquiétudes exprimées par l'Assemblée générale. Il se trouve que la Cour a affirmé la prééminence dans les circonstances de l'affaire, du droit international mais n'a ni entendu ni examiné d'argument circonstancié sur ce point crucial.

(Signé) Shigeru ODA.

[Traduction]

J'ai voté pour l'avis consultatif de la Cour car je pense que sa conclusion essentielle-qu'il existe un différend entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis au sujet de l'interprétation ou de l'application de l'accord de siège-est défendable. A mon avis, plusieurs réponses peuvent toutefois être données à la question posée à la Cour. La réponse de la Cour n'est pas celle qui, selon moi, doit être donnée à tous égards.

Comme il est indiqué au paragraphe 1 de l'avis de la Cour, l'Assemblée générale, en demandant à la Cour un avis consultatif sur la question de savoir si les Etats-Unis sont tenus de recourir à l'arbitrage conformément à la section 21 de l'accord de siège, a confirmé la position du Secrétaire général qui a constaté «l'existence d'un différend entre l'Organisation des Nations Unies et le pays hôte quant à l'interprétation ou l'application de l'accord...» (résolution 42/229B). Dans la résolution 42/229A qui accompagnait celle qui vient d'être citée, adoptée également le 2 mars 1988, l'Assemblée générale a considéré:

«qu'un différend existe entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis d'Amérique ... quant à l'interprétation ou l'application de l'accord de siège, et que la procédure de règlement des différends visée à la section 21 de l'accord devrait être engagée».

En d'autres termes, après avoir répondu deux fois à la question au sujet de laquelle elle demande l'avis de la Cour, qui est le principal organe judiciaire de l'Organisation des Nations Unies, l'Assemblée générale a demandé à la Cour son avis sur cette question. Par la suite, le 23 mars 1988, alors que la procédure devant la Cour se poursuivait, l'Assemblée générale a répondu dans le même sens à cette question en considérant

«qu'un différend existe entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis ... quant à l'interprétation ou à l'application de l'accord de siège, et que la procédure de règlement des différends visée à la section 21 de l'accord ... devrait être engagée ...» (résolution 42/230).

En répondant à la question posée en ces termes par l'Assemblée générale, la Cour s'est prononcée sur certains points d'une manière incontestable. Il est certain que, dans l'ordre juridique international, le droit interne ne peut déroger au droit international et qu'un Etat ne peut se soustraire à sa responsabilité internationale en promulguant une loi interne contraire à ses obligations internationales. Il est évident qu'une partie à un accord prévoyant une obligation de soumettre à l'arbitrage tout différend quant à son interprétation ou son application ne peut juridiquement se soustraire à cette obligation en refusant de reconnaître l'existence d'un différend ou en soutenant qu'il ne serait d'aucune utilité de le soumettre à l'arbitrage. Il est admis qu'une disposition d'un traité (ou d'un contrat) prescrivant la soumission à un arbitrage international de tout différend qui en découlerait n'exige pas, comme condition préalable à son exécution, l'épuisement des voies de recours internes. Je souscris non seulement à la réaffirmation de ces principes juridiques, mais également aux conclusions en l'espèce selon lesquelles le différend entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis n'a pas été réglé par les négociations qui ont déjà eu lieu, et que les parties ne sont pas convenues d'un mode de règlement autre que l'arbitrage.

Ma divergence de vues avec la Cour porte sur la question de savoir si le différend entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis à ce stade concerne «l'interprétation ou l'application» de l'accord de siège. A mon avis, les faits de l'affaire montrent que l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis sont essentiellement d'accord sur l'interprétation de l'accord de siège. La question de savoir si un différend existe actuellement sur son application n'est pas si évidente.

On peut conclure, comme l'a fait la Cour, qu'en raison du comportement adopté par le Gouvernement des Etats-Unis à l'égard du maintien en fonctionnement du bureau à New York de la mission d'observation de l'Organisation de libération de la Palestine auprès de l'Organisation des Nations Unies un différend est né entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis «au sujet de ... l'application de cet accord...» Selon moi, les faits de l'affaire permettent par ailleurs de conclure que, comme l'application effective de la loi des Etats-Unis en question-la loi contre le terrorisme-au bureau de l'OLP à New York a été renvoyée en attendant l'issue de la procédure judiciaire en cours devant le tribunal du district sud de New York, un différend quant à l'application de l'accord de siège ne naîtra que si ce tribunal décidait que cette loi doit effectivement s'appliquer au bureau de l'OLP. Pour expliquer cette autre conclusion, ainsi que la concordance de vues des parties sur l'interprétation de l'accord de siège, il convient d'exposer certains des faits saillants de la présente affaire.

Outre les dispositions essentielles citées par la Cour au paragraphe 9 de son avis, la loi de 1987 contre le terrorisme contient un «exposé des motifs» du Congrès des Etats-Unis sur les activités de l'OLP et des «conclusions» selon lesquelles l'OLP est une «organisation terroriste» qui «ne [devrait] pas avoir l'autorisation d'opérer aux Etats-Unis»; elle donne pour instructions à l'Attorney General de prendre les mesures et d'engager les procédures nécessaires pour «donner effet» à la loi, et habilite les tribunaux compétents des Etats-Unis, sur demande de l'Attorney General à «assurer l'application» de la loi.

Lorsqu'une proposition de cette nature a été présentée pour la première fois, le secrétaire d'Etat Shultz a écrit ce qui suit le 29 janvier 1987 au sénateur Dole:

«La mission d'observation de l'OLP à New York a été établie comme suite à la résolution 3237 (XXIX) adoptée par l'Assemblée générale, le 22 Novembre 1974, qui invitait l'OLP à participer aux sessions et aux travaux de l'Assemblée générale en qualité d'observateur. La mission d'observation de l'Organisation de libération de la Palestine représente l'OLP auprès de l'Organisation des Nations Unies; elle n'est en aucune manière accréditée auprès du Gouvernement des Etats-Unis. Les Etats-Unis ont fait clairement savoir que les membres du personnel de la mission d'observation de l'OLP ne sont présents aux Etats-Unis qu'en qualité de «personnes invitées» par l'Organisation des Nations Unies, au sens de l'accord de siège. Donc, nous avons l'obligation d'autoriser les membres du personnel de la mission d'observation de l'OLP à entrer et à demeurer aux Etats-Unis pour s'acquitter de leurs fonctions officielles au Siège de l'Organisation des Nations Unies ...» (Congressional Record, vol. 133, no 78, 14 mai 1987, p. S6449.)

A la 126e séance du comité des relations avec le pays hôte, le 14 octobre 1987, l'observateur de l'OLP a appelé l'attention sur un amendement au projet de loi de finances relative au département d'Etat contenant des dispositions qui devaient être reprises par la suite dans la loi contre le terrorisme. Il a cité la lettre du 29 janvier du secrétaire d'Etat. Le représentant des Etats-Unis a répondu que «de l'avis de l'exécutif, la fermeture de la mission de l'OLP ne serait pas conforme aux obligations du pays hôte en vertu de l'accord de siège». Le conseiller juridique de l'Organisation des Nations Unies a alors déclaré que «l'Organisation partageait l'opinion juridique exprimée dans la lettre du secrétaire d'Etat Shultz en date du 29 janvier 1987» (A/42/26, p. 11-12).

Le sénateur Dole n'a pas souscrit à la position du secrétaire d'Etat et les avis étaient partagés au Sénat et à la chambre. Lorsqu'un rapport de la commission de conciliation sur la loi d'ouverture de crédits pour les affaires étrangères, contenant le texte de la loi contre le terrorisme, a été présenté au Sénat, le président de la commission des affaires étrangères, le sénateur Pell, a déclaré:

«le gouvernement craint que la formulation du texte concernant l'OLP n'exige la fermeture de la mission d'observation de l'OLP auprès de l'Organisation des Nations Unies, en violation d'obligations que les Etats-Unis ont contractées en droit international. Selon moi, les termes de la loi n'exigent pas nécessairement la fermeture de la mission d'observation de l'OLP auprès de l'Organisation des Nations Unies, car c'est une règle consacrée d'interprétation des lois que les tribunaux américains interprètent les lois du Congrès dans un sens compatible avec les obligations des Etats-Unis en droit international, pour que cette interprétation soit plausible.

Les partisans de la fermeture de la mission de l'OLP affirment que les Etats-Unis ne sont pas juridiquement tenus d'accueillir des missions d'observation. S'ils ont raison sur le plan du droit international, alors les termes de la loi exigent la fermeture de la mission d'observation de l'OLP.

Par contre, si les Etats-Unis sont, en tant que pays hôte de l'Organisation des Nations Unies, juridiquement tenus d'autoriser les missions d'observation reconnues par l'Assemblée générale, on ne peut alors, à mon avis, interpréter la loi comme exigeant la fermeture de la mission d'observation de l'OLP. La loi ne fait aucune mention de la mission de l'OLP auprès de l'Organisation des Nations Unies et ses partisans n'ont jamais indiqué la moindre intention d'aller à l'encontre d'obligations de droit international contractées par les Etats-Unis. Ce qu'ils ont affirmé c'est que la fermeture du bureau de l'OLP à New York ne constitue pas une violation du droit international et qu'ils partaient de ce principe.» (Congressional Record, vol. 133, no 200, 16 décembre 1987, p. S 1 8185-S 18186.)

Avant que les événements ne prennent une telle tournure, le 13 octobre 1987 le Secrétaire général a écrit au représentant permanent des Etats-Unis pour lui exprimer ses graves préoccupations à la suite de l'adoption par le Sénat d'un amendement tendant à rendre illégal le maintien aux Etats-Unis de tout bureau de l'OLP. Il a rappelé les termes de la lettre du 29 janvier 1987 du secrétaire d'Etat et a déclaré «je suis en accord avec les vues exprimées par le secrétaire d'Etat sur cette question...»

Le 7 décembre 1987, le Secrétaire général a écrit ce qui suit à M. Walters:

«la position juridique de l'Organisation des Nations Unies est la suivante: les membres de la mission d'observation de l'OLP sont, en vertu de la résolution 3237 (XXIX) de l'Assemblée générale, des invités de l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis sont tenus d'autoriser les membres du personnel de l'OLP à entrer et à séjourner aux Etats-Unis pour s'acquitter de leurs fonctions officielles auprès de l'Organisation des Nations Unies conformément à l'accord de siège. Cette position ... conïcide avec celle adoptée par le Gouvernement des Etats-Unis dans la lettre que le secrétaire d'Etat a adressée le 29 janvier 1987...

Même à ce stade avancé, j'espère vivement que le Gouvernement des Etats-Unis aura la possibilité, conformément à sa propre position juridique, de prendre des mesures pour empêcher l'adoption de cette loi. Je vous serais toutefois obligé de bien vouloir confirmer que même si la loi envisagée est adoptée, les arrangements actuellement en vigueur en ce qui concerne la mission d'observation de l'OLP ne seront ni restreints ni autrement affectés. Faute d'une telle assurance, il s'avérerait qu'un différend existe entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis quant à l'interprétation ou à l'application de l'accord de siège, auquel cas je me verrais dans l'obligation d'entamer la procédure de règlement des différends prévue à la section 21 de l'accord de siège...»

La loi ayant toutefois été adoptée et incorporée à la loi d'ouverture de crédits du département d'Etat, promulguée par le Président, le représentant Permanent par intérim des Etats-Unis, M. Okun, a écrit en ces termes au Secrétaire général le 5 janvier 1988:

«La loi mentionnée dans vos lettres fait partie du Foreign Relations Authorization Act, Fiscal Years 1988 and 1989, que le président Reagan a signé le 22 décembre. La section 1(03 de cette loi, qui a trait à l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) doit entrer en vigueur quatre-vingt-dix jours après cette date. Etant donné que les dispositions concernant la mission d'observation de l'OLP pourraient empiéter sur les Pouvoirs constitutionnels du Président et que, si elles étaient appliquées, elles seraient contraires à nos obligations juridiques internationales découlant de l'accord de siège avec l'organisation des Nations Unies, le gouvernement a l'intention de mettre à profit le délai de quatre-vingt-dix jours qui doit précéder l'entrée en vigueur de cette disposition pour engager des consultations avec le Congrès afin de régler la question.»

Le 14 janvier 1988, le Secrétaire général a écrit à M. Walters en rappelant les termes des échanges de vues antérieurs et en déclarant:

«Bien entendu, je me félicite que le Gouvernement des Etats-Unis ait l'intention d'utiliser le délai de quatre-vingt-dix jours de la manière indiquée par l'ambassadeur Okun et expliquée plus en détail par le conseiller juridique du département d'Etat, le juge Sofaer, au cours de l'entretien qu'il a eu avec le conseil 1er juridique de l'Organisation des Nations Unies le 12 janvier. Néanmoins, ni la lettre de l'ambassadeur Okun ni les déclarations faites par le juge Sofaer ne constituent l'assurance que j'ai demandée dans ma lettre du 7 décembre 1987, pas plus qu'elles ne permettent de compter sur le plein respect de l'accord de siège. Cela étant, il existe un différend entre l'organisation et les Etats-Unis au sujet de l'interprétation et de l'application de l'accord de siège et j'invoque par la présente la procédure de règlement des différends énoncée à la section 21 de l'accord susdit.»

Le 2 février 1988, le Secrétaire général a écrit à nouveau à M. Walters, dans les termes énoncés au paragraphe 19 de l'avis de la Cour.

Le 11 février 1988, le conseiller juridique de l'Organisation des Nations Unies, M. Fleischhauer, a écrit à M. Sofaer, pour lui faire savoir que l'Organisation des Nations Unies avait choisi M. Eduardo Jiménez de Aréchaga, ancien Président et juge de la Cour internationale de Justice, pour être son arbitre «en cas d'arbitrage aux termes de la section 21...» et, étant donné les contraintes de temps, il l'a prié instamment de faire connaître le plus tôt possible à l'Organisation des Nations Unies le nom de l'arbitre choisi par les Etats-Unis.

La résolution 42/229 B a été adoptée par 143 voix contre zéro. Les Etats-Unis n'ont pas participé au vote. M. Okun a expliqué cette position qui est rappelée au paragraphe 22 de l'avis consultatif.

Le 4 mars 1988, à la suite de l'adoption des résolutions 42/229A et 42/229B, le Secrétaire général a écrit à M. Walters pour lui faire remarquer qu'il n'avait pas reçu de réponse officielle à ses lettres dans lesquelles il demandait «des assurances que la loi contre le terrorisme de 1987 ne serait pas appliquée à la mission permanente d'observation de l'Organisation de libération de la Palestine, ou que son application serait différée, [ni] ... de réponse ... concernant la désignation d'un arbitre par les Etats-Unis».

Il a ensuite déclaré:

«[j'exprime] l'espoir qu'il serait encore possible aux Etats-Unis de concilier leur législation interne et leurs obligations internationales. Cependant, si tel n'était pas le cas, [je suis] confiant que les Etats-Unis reconnaîtraient l'existence du différend et accepteraient de recourir à la procédure de règlement des différends prévue à la section 21 de l'accord de siège et que, dans l'intervalle, le statu quo serait maintenu.»

Le 11 mars 1988, M. Okun a écrit au Secrétaire général dans les termes cités au paragraphe 24 de l'avis de la Cour. Le Secrétaire général a protesté contre la lettre du 11 mars de M. Okun et dans une lettre du 15 mars a répondu en ces termes:

«selon l'Organisation des Nations Unies, la décision prise par le Gouvernement des Etats-Unis, telle qu'elle est exposée dans la lettre, constitue une violation flagrante de l'accord de siège conclu entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis. Plus particulièrement, je ne saurais accepter que les Etats-Unis puissent prendre une mesure, comme il est dit dans la lettre, quelles que soient les obligations qui leur incombent en vertu de l'accord de siège, et je voudrais vous demander de réfléchir à nouveau aux graves conséquences d'une pareille déclaration, étant donné les responsabilités qui incombent aux Etats-Unis en tant que pays hôte.

Je dois aussi contester la conclusion à laquelle vous parvenez dans votre lettre, à savoir que les Etats-Unis estiment que soumettre cette affaire à l'arbitrage ne serait d'aucune utilité. L'Organisation des Nations Unies reste persuadée que le dispositif prévu dans l'accord de siège constitue le cadre approprié pour le règlement de ce différend et je ne peux admettre que l'arbitrage ne serait d'aucune utilité. Bien au contraire, dans le cas présent, il servirait l'objectif même pour lequel les dispositions de la section 21 ont été incluses dans l'accord, à savoir permettre le règlement d'un différend résultant de l'interprétation ou de l'application de l'accord.»

L'Attorney General des Etats-Unis a écrit une lettre à l'observateur permanent de la mission de l'OLP auprès de l'Organisation des Nations Unies le 11 mars 1988 dans les termes énoncés au paragraphe 25 de l'avis de la Cour. L'observateur de l'OLP a répondu le 14 mars dans les termes énoncés au paragraphe 27 de l'avis de la Cour. l'Attorney General Meese a répondu dans une lettre du 21 mars citée au paragraphe 27 de l'avis de la Cour.

Dans leur exposé écrit soumis à la Cour en l'espèce, les Etats-Unis ont répété l'essentiel de la lettre du 11 mars de M. Okun. Ils ont fait observer que comme la mission de l'OLP ne s'était pas conformée à l'ordre de l'Attorney General, une procédure judiciaire avait été engagée pour la contraindre à s'exécuter. Dans leur exposé, les Etats-Unis ont indiqué:

«Cette procédure permettra à l'OLP et autres intéressés de s'opposer par des moyens de droit à ce qu'une mesure de contrainte soit prise contre la mission de l'OLP pour faire appliquer la loi. Dans l'attente d'une décision judiciaire, les Etats-Unis ne prendront aucune mesure pour faire fermer la mission. La question ayant été portée devant nos tribunaux, nous pensons qu'un arbitrage ne serait pas opportun et que ce n'est pas le moment pour y recourir.»

Dans son exposé écrit, le Secrétaire général, en traçant l'historique des faits de l'affaire, a rappelé les termes de sa lettre du 7 décembre 1987 et a déclaré:

«il n'y aurait différend que si le Gouvernement des Etats-Unis ne fournissait pas l'assurance que les arrangements en vigueur en ce qui concerne la mission d'observation de l'OLP ne seraient ni restreints ni autrement affectés ...»

Après la promulgation de la loi, le Secrétaire général a rappelé aussi dans son exposé:

«[qu'il] a considéré qu'en l'absence de toute assurance quant au maintien des arrangements en vigueur concernant la mission d'observation de l'OLP, l'incompatibilité de cette loi avec les obligations imposées au pays hôte par l'accord de siège donnait naissance à un différend au sens de la section 21 de l'accord.»

Le Secrétaire général a soutenu en outre que:

«Le processus automatique d'entrée en vigueur de la LAT [loi contre le terrorisme], déclenché par sa promulgation même, constitue objectivement une menace immédiate de provoquer la fermeture de l'installation à partir de laquelle l'OLP assure sa représentation à l'ONU, et cette menace immédiate suffit en soi ... à donner naissance à un différend en l'absence de toute assurance de la part de l'exécutif que la loi ne sera pas appliquée ou que les arrangements en vigueur touchant la mission d'observation de l'OLP à New York ne seront ni restreints ni autrement affectés.»

Le Secrétaire général a aussi conclu:

«I'ONU considère qu'un différend a existé entre elle-même et les Etats-Unis à compter du moment où la LAT a été promulguée. Il ne peut faire de doute non plus que ce différend concerne l'interprétation ou l'application de l'accord de siège. Le secrétaire d'Etat des Etats-Unis et divers représentants des Etats-Unis au comité des relations avec le pays hôte et à l'Assemblée générale ont reconnu clairement et de façon suivie que le personnel de la mission d'observation de l'OLP se trouve aux Etats-Unis en qualité d'invité de l'ONU au sens de l'accord de siège, et le Secrétaire général a fait valoir à maintes reprises que la LAT est incompatible avec l'accord de siège. En d'autres termes, les conditions formelles nécessaires pour invoquer la section 21 de l'accord de siège sont manifestement réunies et les obligations de procédure des parties ont donc pris effet.»

Sur la base de ces faits, quelles conclusions peut-on tirer quant à l'existence actuellement d'un différend entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis au sujet de l'interprétation ou de l'application de l'accord de siège?

Comme la Cour l'a à juste titre fait remarquer dans son avis, l'existence d'un différend international demande à être établie objectivement. La simple affirmation ou contestation de l'existence d'un différend par une partie (ou les deux) n'est pas déterminante. La Cour a également rappelé sa définition classique d'un différend qui est «un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d'intérêts entre deux personnes». Y a-t-il un désaccord, une contradiction ou une opposition dans cette affaire au sujet de l'interprétation de l'accord de siège?

Je ne le pense pas. Au contraire, il y a toujours eu et il subsiste une concordance de vues remarquable entre les représentants autorisés de l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis sur l'interprétation de l'accord de siège. Ainsi, le secrétaire d'Etat avait dès le début de l'affaire déclaré que les Etats-Unis se trouvaient «dans l'obligation de permettre au personnel de la mission d'observation de l'OLP d'entrer aux Etats-Unis et d'y demeurer pour s'acquitter de ses fonctions officielles au Siège de l'Organisation des Nations Unies...» Le conseiller juridique de l'Organisation des Nations Unies a fait savoir que «l'Organisation partageait cette opinion juridique...» Le Secrétaire général a ensuite déclaré: «Je suis en accord avec les vues exprimées par le secrétaire d'Etat sur cette question...» Il a aussi indiqué que la position de l'Organisation des Nations Unies «coïncide avec celle adoptée par les Etats-Unis...» Pour leur part, les Etats-Unis, après la promulgation de la loi, ont réaffirmé que «si elles étaient appliquées» les dispositions de la loi «seraient contraires à nos obligations juridiques internationales découlant de l'accord de siège avec l'Organisation des Nations Unies...»

Les Etats-Unis ne sont pas revenus sur cette position et, bien entendu, l'Organisation des Nations Unies ne l'a pas fait non plus. Ce n'est pas là ma conclusion personnelle, mais celle qui a été largement et à maintes reprises réaffirmée au cours des débats que l'Assemblée générale a consacrés à cette question, et encore récemment le 23 mars 1988.

Ainsi, le 29 février 1988, le représentant du Zimbabwe a déclaré que «l'opinion juridique exprimée dans la lettre de M. Shultz a été partagée par le Secrétaire général et le conseiller juridique des Nations Unies...» (A/42/PV. 101, p. 33). Le représentant de la République fédérale d'Allemagne, parlant au nom des douze Etats membres de la Communauté économique européenne, a déclaré que ces Etats

«partagent sans réserve le point de vue exprimé aussi bien par le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies que par le secrétaire d'Etat américain ... à savoir que les Etats-Unis sont tenus de permettre au personnel de la mission d'observation de l'OLP d'entrer aux Etats-Unis et d'y demeurer pour s'acquitter de ses fonctions officielles au Siège de l'Organisation des Nations Unies» (ibid., p. 51-52).

Le représentant de la Tchécoslovaquie, utilisant pratiquement les mêmes termes, a rappelé que «ces faits ont été reconnus sans réserve ... [par] le secrétaire d'Etat, M. Shultz ...» (ibid., p. 82). Le représentant du Danemark, parlant au nom des cinq pays nordiques, a déclaré que «les pays nordiques partagent totalement les points de vue déjà exprimés à ce sujet par le Secrétaire général et le secrétaire d'Etat ...» (ibid., p. 101).

De même, le 1er mars 1988, le représentant de l'Autriche a déclaré:

«Nous déduisons de l'examen de la question effectué à la Sixième Commission que l'applicabilité des dispositions pertinentes de l'accord de siège à la mission d'observation de l'OLP et à son personnel n'est contestée par aucune délégation, pas même par la délégation du pays hôte.»

La veille, le représentant du Bangladesh s'était exprimé en ces termes:

«Le secrétaire d'Etat des Etats-Unis dans une lettre au Sénat, déclarait dès le 29 janvier 1987 que le pas hôte était

«dans l'obligation d'autoriser la mission d'observation de l'OLP et son personnel à entrer et à demeurer aux Etats-Unis pour s'acquitter de leurs fonctions officielles au Siège de l'Organisation des Nations Unies».

Ce point de vue est partagé par les cent quarante-cinq Membres des Nations Unies qui ont voté pour la résolution 42/210B du 17 décembre 1987 de l'Assemblée générale, à l'exception d'un seul Etat. Une telle unanimité sur l'interprétation d'une disposition juridique est vraiment sans précédent.» (A/42/PV. 102, p. 68.)

Enfin, le 23 mars 1988, à la reprise de la session de l'Assemblée générale, le représentant de la Birmanie a conclu que:

«Ce différend ne peut pas être simplement considéré comme une question d'interprétation quant au fond du problème vis-à-vis de l'accord de siège, car il est évident qu'après ce que les autorités compétentes des Etats-Unis ont dit en la matière que l'on ne peut pas dire qu'il y ait un conflit quant à cette interprétation entre la position adoptée par les autorités américaines d'une part et l'opinion exprimée par le Secrétaire général et la quasi-totalité des Etats Membres, d'autre part.» (A/42/PV. 107, p. 28-30.)

Compte tenu de cette concordance de vues évidente entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis sur l'interprétation de l'accord de siège, je ne suis pas convaincu par la conclusion de la Cour selon laquelle «l'attitude opposée des parties» donne naissance à un différend «au sujet de l'interprétation ou de l'application» de l'accord de siège. Dans la mesure où cette conclusion se rapporte à l'application, elle n'est pas sans valeur; dans la mesure où elle se rapporte à l'interprétation, l'exposé des faits de l'affaire évoqué plus haut démontre à mon avis qu'elle n'est pas tout à fait convaincante.

Certes, il est vrai que lorsque la violation par un Etat des obligations que lui impose un traité est manifeste et incontestable elle n'échappe pas aux effets d'une clause juridictionnelle qui confère à une cour-comme la Cour elle-même-le pouvoir de se prononcer sur des différends au sujet de l'interprétation ou de l'application de ce traité. Le conseil des Etats-Unis a soutenu ce point de vue dans l'affaire du Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (C. L. J. Mémoires, p. 279) et cet argument, qui a apparemment été accepté par la Cour, reste convaincant. Mais il ne s'ensuit pas que, dans une affaire déterminée, la concordance de vues démontrée des parties au sujet de l'interprétation est sans effet sur l'existence ou l'inexistence d'un différend concernant l'interprétation d'un traité. Dans l'affaire soumise à la Cour, si la question de l'application de l'accord de siège est écartée pour les besoins de l'analyse, il ne semble pas que les vues des parties sur son interprétation «concident» (pour utiliser le terme employé par le Secrétaire général).

Cela étant dit, je reconnais néanmoins qu'il y a une certaine logique et cohérence dans la position selon laquelle toute allégation d'une partie concernant une violation d'une disposition conventionnelle-même si elle est évidente et admise par l'autre partie-comporte nécessairement des éléments d'interprétation (par les parties et par tout tribunal chargé de se prononcer à ce sujet), car une application ou une mauvaise application d'un traité, quelle que soit la clarté de ses dispositions, est liée à son interprétation. Mais lorsqu'une partie se limite à soutenir effectivement, sinon dans la forme du moins dans le fond, que le traité n'a pas été appliqué et indique clairement qu'il n'existe pas de différend au sujet de son interprétation, y a-t-il, aux fins du règlement du différend, un différend au sujet de l'interprétation du traité? J'en doute.

La question essentielle qui se pose dans cette affaire est de savoir s'il existe un différend au sujet de l'application de l'accord de siège. La Cour reconnaît que la question de savoir si la loi contre le terrorisme a été appliquée ou si la loi n'aurait reçu qu'une application effective pourrait se poser si, à l'issue de la procédure judiciaire en cours devant un tribunal des Etats-Unis, la mission de l'OLP était effectivement fermée. Toutefois, elle maintient que cette question n'est pas déterminante au regard de la section 21 de l'accord de siège, car cet accord vise tout différend au sujet de son interprétation ou de son application et non l'application des mesures prises dans le droit interne des Etats-Unis.

Certes, la Cour a raison de faire observer que la question qui lui est soumise concerne l'application de l'accord de siège et non l'application de la loi contre le terrorisme. Mais si cette loi n'est pas effectivement appliquée à la mission d'observation de l'OLP, quel contenu peut avoir un différend au sujet de l'application de l'accord de siège 7

Il convient de rappeler que le Secrétaire général n'a pas toujours considéré que la promulgation de la loi donnait naissance à un différend au sujet de l'application de l'accord de siège. Cela ressort des termes de sa lettre du 7 décembre 1987, dans laquelle il a demandé aux Etats-Unis de confirmer, si la loi envisagée était promulguée, que:

«les arrangements actuellement en vigueur en ce qui concerne la mission d'observation de l'OLP ne seront ni restreints ni autrement affectés. Faute d'une telle assurance, il s'avérerait qu'un différend existe entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis quant à l'interprétation ou à l'application de l'accord de siège...»

Par la suite, constatant que les déclarations faites par les Etats-Unis ne constituaient pas les assurances qu'il avait demandées, le 14 janvier 1988, il a déclaré qu'un différend existait. Toutefois, le 2 février, le Secrétaire général a écrit ce qui suit:

«puisque les Etats-Unis, à ce jour, n'ont pas été en mesure de donner les assurances appropriées d'une suspension de l'application de la loi à la mission d'observation de l'OLP, le moment sera vite venu où je n'aurai d'autre choix que d'agir, soit avec les Etats-Unis dans le cadre de la section 21 de l'accord de siège, soit en informant l'Assemblée générale de l'impasse dans laquelle nous sommes».

Même après que l'Assemblée générale eut demandé un avis consultatif à la Cour, le 4 mars 1988, le Secrétaire général s'est référé aux «assurances que la loi ne serait pas appliquée ou que son application serait différée», et a exprimé l'espoir que les Etats-Unis reconnaîtraient l'existence d'un différend au cas où il ne serait pas possible pour les Etats-Unis de concilier leur législation interne et leurs obligations internationales. Dans l'exposé écrit qu'il a soumis à la Cour, le Secrétaire général a soutenu qu'il existait un différend au sens de la section 21 de l'accord de siège «en l'absence de toute assurance quant au maintien des arrangements en vigueur au sujet de la mission d'observation de l'OLP». Le Secrétaire général a fait valoir dans son exposé écrit qu'une menace de fermeture de la mission de l'OLP donnait naissance à un différend

«en l'absence de toute assurance de la part de l'exécutif que la loi ne serait pas appliquée ou que les arrangements en vigueur touchant la mission d'observation de l'OLP à New York ne seraient ni restreints ni autrement affectés».

Pour leur part, après la promulgation de la loi, les Etats-Unis ont tout d'abord fait observer qu'ils n'avaient pris aucune mesure susceptible d'entraver le fonctionnement de la mission de l'OLP. Après avoir jugé qu'il était tenu par la loi de fermer le bureau de New York de la mission d'observation de l'OLP et intenté une action devant un tribunal de district, l'Attorney General a déclaré que: «les Etats-Unis ne prendront pas d'autres mesures pour fermer le bureau de la mission avant que le tribunal ait rendu sa décision». Les Etats-Unis ont réaffirmé cette position à plusieurs reprises.

Il est donc évident que le Secrétaire général a, à maintes reprises, fait savoir que si les Etats-Unis donnaient des assurances que les arrangements en vigueur au sujet de la mission de l'OLP seraient «maintenus» et que l'application de la loi à cette mission serait «différée», il n'y aurait pas de différend au sujet de l'interprétation et de l'application de l'accord de siège. Les Etats-Unis ont donné de telles assurances, ne serait-ce qu'en employant les termes «tant que les tribunaux des Etats-Unis ne se seront pas prononcés» sur la question de savoir si la loi «exige la fermeture de la mission d'observation de l'OLP».

Quelle que soit l'importance de cette condition, elle n'ôte pas toute utilité à ces assurances. On ne sait pas pourquoi ces assurances des Etats-Unis ne peuvent pas être considérées comme des assurances suffisantes sur le maintien des arrangements en vigueur au sujet de la mission d'observation de l'OLP, dans l'attente de l'issue de la procédure judiciaire engagée devant les tribunaux des Etats-Unis. Naturellement, il appartient au Secrétaire général de dire si les assurances qu'il demande sont suffisantes ou non. Néanmoins, les assurances des Etats-Unis sont utiles pour se prononcer objectivement sur la question de savoir s'il existe actuellement un différend au sujet de l'application de l'accord de siège.

Le fait est que la mission d'observation de l'OLP auprès de l'Organisation des Nations Unies fonctionne. Elle n'a pas été fermée; rien ne montre que ses activités aient été «restreintes ou autrement affectées». Il est vrai que la mission doit se défendre dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies et devant le tribunal de district des Etats-Unis contre la menace de sa fermeture. Mais une évaluation objective de la question confirme certainement la conclusion selon laquelle l'OLP, comme le pensent les Membres de l'Organisation des Nations Unies et l'opinion publique, n'a pas été gravement gênée par la promulgation de la loi contre le terrorisme et par les mesures adoptées en vertu de ce texte. Au contraire, il semble même qu'elle en ait bénéficié.

Si l'OLP avait fermé son bureau à New York pour se conformer à la décision de l'Attorney General, un différend au sujet de l'application de l'accord de siège aurait sans aucun doute existé dès le moment de cette fermeture. A l'heure actuelle, l'Attorney General ne s'est pas prononcé définitivement sur la question de savoir si l'OLP sera effectivement tenue de fermer son bureau à New York; c'est au tribunal du district sud de New York qu'il appartient de trancher cette question.

Durant la procédure orale devant la Cour, le conseiller juridique de l'Organisation des Nations Unies a dit, en réponse à une question, que si les tribunaux des Etats-Unis devaient conclure que la loi contre le terrorisme ne peut juridiquement être appliquée contre la mission d'observation de l'OLP, cela ne voudrait pas dire que le différend n'a jamais existé, mais simplement qu'il a pris fin. Il s'agit là d'une interprétation raisonnable des faits qui m'amène à conclure que l'avis de la Cour est défendable. Mais ce n'est pas une interprétation nécessaire, en particulier, compte tenu du fait que le Secrétaire général a maintes fois subordonné l'existence d'un différend à l'absence d'assurance des Etats-Unis concernant le maintien des arrangements en vigueur au sujet du fonctionnement de la mission d'observation de l'OLP.

La question revient à savoir si les Etats-Unis sont maintenant tenus de soumettre à l'arbitrage le différend, ou s'ils ne le seront qu'au cas où le tribunal de district ordonnait l'application de la loi à la mission d'observation de l'OLP. Si la procédure engagée devant le tribunal de district et les recours éventuels étaient menés jusqu'à leur terme, plusieurs décisions pourraient être rendues sur le plan interne. Il pourrait être conclu que la toi s'applique à la mission d'observation de l'OLP; les Etats-Unis ont déclaré que dans ce cas ils considéreront la soumission à l'arbitrage du différend comme «opportun et approprié». Au contraire, si l'on s'appuie sur le raisonnement du sénateur Pell exposé ci-dessus ou sur d'autres motifs, il pourrait être conclu que la loi ne s'applique pas à la mission de l'OLP; dans ce cas si un différend exigeant un arbitrage a existé, il prendrait fin. Il pourrait également être conclu que, compte tenu de l'avis consultatif de la Cour et du fait que la loi contre le terrorisme ne mentionne pas les obligations des Etats-Unis de recourir à l'arbitrage en vertu de l'accord de siège et ne peut donc être interprétée comme dérogeant à de telles obligations, les Etats-Unis seraient en tout état de cause tenus de soumettre à l'arbitrage le différend. D'autres possibilités pourraient également être envisagées.

Une interprétation possible de la section 21 de l'accord de siège que je ne juge pas défendable est la suivante: comme cet instrument contient une clause que les spécialistes de l'arbitrage qualifient d'imparfaite ou d'incomplète, celle-ci permet à une partie de ne pas désigner un arbitre si elle en décide ainsi. La section 21, alinéa a), prévoit:

«Tout différend entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis au sujet de l'interprétation ou de l'application du présent accord ... sera, s'il n'est pas réglé par voie de négociations ou par tout autre mode de règlement agréé par les parties, soumis aux fins de décision définitive à un tribunal composé de trois arbitres, dont l'un sera désigné par le Secrétaire général, l'autre par le Secrétaire d'Etat des Etats-Unis, et le troisième choisi par les deux autres, ou, à défaut d'accord entre eux sur ce choix, par le Président de la Cour internationale de Justice.»

Cette clause est incomplète car si elle contient une disposition concernant la désignation d'un troisième arbitre par une autorité déterminée, elle ne contient aucune disposition prévoyant qu'une telle autorité doit désigner l'arbitre qu'une partie s'est abstenue de désigner. Les clauses d'arbitrage qui sont rédigées avec plus de précaution contiennent bien une telle disposition.

Dans les premières années de ses activités, la Commission du droit international a déployé des efforts énergiques et intensifs pour combler les lacunes de la procédure d'arbitrage international. L'absence d'une disposition concernant la désignation par une autorité déterminée d'un arbitre qu'une partie s'est abstenue de désigner a été considérée comme une lacune grave. En dépit du caractère progressif et de l'excellente qualité technique du projet établi par la Commission sur la base de celui de son rapporteur spécial, M. Georges Scelle, la majorité de l'Assemblée générale ne s'est pas montrée dans une large mesure disposée à approuver les travaux de la Commission; elle a préféré maintenir des échappatoires, pour conserver toute la souplesse diplomatique voulue quant à l'interprétation de mesures qui ont souvent réduit le caractère judiciaire de la procédure d'arbitrage international. Cet historique montre qu'il peut être soutenu que les dispositions d'arbitrage de l'accord de siège ont été délibérément rédigées de façon à omettre une disposition concernant la désignation par un tiers d'un arbitre qu'une partie s'est abstenue de désigner pour donner la possibilité à chacune des parties d'échapper finalement à une obligation dont l'autre pourrait exiger le respect dans une affaire déterminée.

Je ne pense pas qu'une telle argumentation serait justifiée dans la présente affaire, non parce que l'accord de siège a été conclu avant que l'Assemblée générale n'ait réagi comme elle l'a fait devant le projet de la Commission mais parce que la Cour l'a résolument et raisonnablement rejetée dans des circonstances analogues.

Dans la procédure consultative dans l'affaire de l'Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, le passage pertinent de la clause d'arbitrage examiné par la Cour était essentiellement le même que celui de l'accord de siège. En d'autres termes, si cette clause prévoyait la possibilité pour une autorité (en l'occurrence, le Secrétaire général) de désigner un troisième arbitre à défaut d'accord entre les deux parties sur ce choix, elle ne contenait aucune disposition concernant la désignation par une autorité déterminée d'un arbitre qui devait préalablement être désigné par une partie.

Dans les différends entre la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie d'une part et certaines puissances alliées et associées signataires des traités de autre mode de règlement agréé par les parties, soumis aux fins de décision définitive à un tribunal composé de trois arbitres, dont l'un sera désigné par le Secrétaire général, l'autre par le Secrétaire d'Etat des Etats-Unis, et le troisième choisi par les deux autres, ou, à défaut d'accord entre eux sur ce choix, par le Président de la Cour internationale de Justice.»

Cette clause est incomplète car si elle contient une disposition concernant la désignation d'un troisième arbitre par une autorité déterminée, elle ne contient aucune disposition prévoyant qu'une telle autorité doit désigner l'arbitre qu'une partie s'est abstenue de désigner. Les clauses d'arbitrage qui sont rédigées avec plus de précaution contiennent bien une telle disposition.

Dans les premières années de ses activités, la Commission du droit international a déployé des efforts énergiques et intensifs pour combler les lacunes de la procédure d'arbitrage international. L'absence d'une disposition concernant la désignation par une autorité déterminée d'un arbitre qu'une partie s'est abstenue de désigner a été considérée comme une lacune grave. En dépit du caractère progressif et de l'excellente qualité technique du projet établi par la Commission sur la base de celui de son rapporteur spécial, M. Georges Scelle, la majorité de l'Assemblée générale ne s'est pas montrée dans une large mesure disposée à approuver les travaux de la Commission; elle a préféré maintenir des échappatoires, pour conserver toute la souplesse diplomatique voulue quant à l'interprétation de mesures qui ont souvent réduit le caractère judiciaire de la procédure d'arbitrage international. Cet historique montre qu'il peut être soutenu que les dispositions d'arbitrage de l'accord de siège ont été délibérément rédigées de façon à omettre une disposition concernant la désignation par un tiers d'un arbitre qu'une partie s'est abstenue de désigner pour donner la possibilité à chacune des parties d'échapper finalement à une obligation dont l'autre pourrait exiger le respect dans une affaire déterminée.

Je ne pense pas qu'une telle argumentation serait justifiée dans la présente affaire, non parce que l'accord de siège a été conclu avant que l'Assemblée générale n'ait réagi comme elle l'a fait devant le projet de la Commission mais parce que la Cour l'a résolument et raisonnablement rejetée dans des circonstances analogues.

Dans la procédure consultative dans l'affaire de l'Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, le passage pertinent de la clause d'arbitrage examiné par la Cour était essentiellement le même que celui de l'accord de siège. En d'autres termes, si cette clause prévoyait la possibilité pour une autorité (en l'occurrence, le Secrétaire général) de désigner un troisième arbitre à défaut d'accord entre les deux parties sur ce choix, elle ne contenait aucune disposition concernant la désignation par une autorité déterminée d'un arbitre qui devait préalablement être désigné par une partie.

Dans les différends entre la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie d'une part et certaines puissances alliées et associées signataires des traités de paix de l'autre, les Gouvernements de la Bulgarie, de la Hongrie et de la Roumanie ont refusé de désigner des arbitres en application de la clause d'arbitrage des traités. La Cour a constaté que «toutes les conditions requises pour que soit ouverte la phase du règlement des différends» par les commissions d'arbitrage «sont remplies» et a conclu:

«Les traités prévoyant que tout différend sera soumis aux commissions «à la requête de l'une ou l'autre des parties», il en résulte que chacune d'elles est tenue, à la requête de l'autre, de coopérer à la constitution de la commission, notamment en désignant son représentant. S'il en était autrement, la méthode de règlement par commissions instituées par les traités manquerait complètement son but.» (C. I. J. Recueil 1950, p. 77.)

(Signé) Stephen M. SCHWEBEL.

[Traduction]

J'approuve la décision de la Cour mais je voudrais formuler quelques considérations sur la manière d'aborder la question et la perspective dans laquelle on l'a fait, à propos de deux points. Le premier concerne le moment où le différend a pris naissance. Le second concerne la question de savoir si le différend porte sur l'interprétation ou sur l'application de l'accord de siège.

Sur le premier point, la Cour s'est bornée, dans sa décision, à constater que «les positions opposées de l'Organisation des Nations Unies et des Etats-Unis révèlent l'existence d'un différend entre les deux parties à l'accord de siège». La Cour ne s'est pas prononcée explicitement sur le moment auquel le différend est né. Je reconnais que plusieurs dates pourraient être prises en considération sur une période au cours de laquelle la situation a continuellement évolué, mais je ne peux m'empêcher d'avoir l'impression que la Cour a fait preuve d'une retenue excessive dans ses conclusions en n'éclaircissant pas le point de savoir laquelle, parmi ces dates possibles, était celle à retenir. Décider qu'un différend existe ne se fait pas dans le vide; il faut nécessairement avoir d'abord examiné une succession d'événements qui se sont déroulés sur une certaine période et avoir établi qu'il en est finalement résulté un différend à un certain stade, même si on ne peut déterminer ce dernier qu'approximativement. Il me semble que l'identification de ce stade fait inévitablement partie intégrante du processus de raisonnement que la Cour peut exposer quant à la question centrale (mais non la seule) de l'espèce, à savoir si un différend existait ou non à la date où l'Assemblée générale a demandé un avis consultatif. De plus, l'identification de ce stade fournit un repère analytique utile, voire nécessaire, pour distinguer les communications et discussions qui s'inscrivaient dans le processus conduisant à la naissance du différend, de celles qui visaient à résoudre le différend après la naissance de celui-ci.

Le projet de loi en question a été présenté à la chambre des représentants des Etats-Unis le 29 avril 1987 et au Sénat le 14 mai 1987. Le Gouvernement des Etats-Unis était opposé à l'objectif que visait ce texte, et il a reconnu que cet objectif était en fait de fermer la mission d'observation de l'Organisation de libération de la Palestine. Le Président étant chargé de faire appliquer les lois de l'Etat, l'approbation qu'il a donnée au projet le 22 décembre 1987 peut raisonnablement s'interpréter comme l'engagement pris par le gouvernement de faire fermer la mission conformément à cette loi.

Devant cette suite d'événements, il est constant que le Secrétaire général a fait connaître ses objections dès le 13 octobre 1987 en déclarant que cette loi conduirait à une violation par les Etats-Unis de leurs obligations juridiques internationales en vertu de l'accord de siège. Dans la lettre qu'il a adressée le 7 décembre 1987 à M. Walters, représentant permanent des Etats-Unis auprès de l'Organisation des Nations Unies, le Secrétaire général a clairement indiqué qu'à son avis la promulgation de cette loi ferait naître un différend à moins que ne soient données certaines assurances. Il semble juste d'interpréter cela comme visant des assurances à donner au plus tard lors de la promulgation de cette loi, ne serait-ce qu'en raison de la nécessité d'éviter une période de risque ou d'incertitude. Aucune assurance de ce genre n'ayant été donnée, la signature de la loi le 22 décembre 1987 a automatiquement déclenché le processus conduisant au conflit entre des intérêts concurrents et précipité le différend.

La déclaration officielle faite parle Secrétaire général le 14 janvier 1988 selon laquelle un différend existait n'était pas nécessaire pour concrétiser ce différend (voir l'affaire de l'Usine de Chorzów, C. P. J. I. série A no 13, p. 10-11, et l'affaire relative à Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, C. P. J. I. série A n° 6, p. 14). A part la lettre de M. Okun du 5 janvier 1988, indiquant que la loi avait été signée le 22 décembre 1987 et donc associée quant au fond à ce fait, il n'y a pas eu de nouveaux événements entre la date de la signature et le 14 janvier 1988, où le Secrétaire général a répondu, déclarant qu'un différend existait et invoquant la procédure de règlement des différends énoncée à la section 21 de l'accord. Le Secrétaire général n'a pas dit à partir de quel moment il estimait qu'un différend existait. Sa lettre n'exclut pas nécessairement l'éventualité que le différend se soit automatiquement concrétisé le 22 décembre 1987 du fait des événements antérieurs. Mais si cette hypothèse n'était pas la bonne, il est évident qu'en tout état de cause un différend était bien né le 14 janvier 1988. Le dossier ne permet de nourrir aucun doute sur le fait que le différend, né à l'une ou l'autre de ces deux dates, a continué d'exister jusqu'à ce jour.

Sur le second point, qui est de savoir s'il s'agissait d'un différend «concernant l'interprétation ou l'application» de l'accord de siège au sens de la section 21 de cet accord, il semble y avoir une thèse selon laquelle, même s'il y avait un différend, ce dernier ne concernait pas l'«interprétation» de l'accord de siège puisque le secrétaire d'Etat des Etats-Unis partageait les vues du Secrétaire général quant au statut de la mission d'observation de l'OLP en vertu de l'accord; et, en outre, que le différend ne portait pas sur l'«application» de l'accord puisque la fermeture de la mission d'observation de l'OLP n'a pas encore été effectuée.

Quant à savoir si le différend en l'espèce avait trait à une question d'interprétation de l'accord, il était effectivement constant que les vues du département d'Etat coïncidaient avec celles du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies au sujet du statut de la mission d'observation de l'OLP en vertu de l'accord (voir la lettre que le Secrétaire général a adressée le 13 octobre 1987 à M. Walters, représentant permanent des Etats-Unis auprès de l'Organisation des Nations Unies). Mais des vues différentes sur la question paraissaient prédominer au Congrès des Etats-Unis, et elles semblent avoir reçu l'appui du Président lorsque celui-ci a signé la loi adoptée par le Congrès.

J'ai toutefois envisagé la thèse que, malgré cela, il n'y avait toujours pas de conflit entre les vues des Etats-Unis et celles de l'Organisation des Nations Unies quant à l'interprétation de l'accord au motif que les Etats-Unis ont pris une position qui pourrait être interprétée comme signifiant que, bien que le gouvernement soit tenu par son droit interne de donner effet à la loi en fermant la mission d'observation de l'OLP, il reconnaît en même temps qu'il n'a aucun droit d'agir de la sorte en vertu du droit international et qu'il engagera par conséquent sa responsabilité internationale s'il procède à cette fermeture.

Ce raisonnement est intéressant, tout autant par sa subtilité que par ses conséquences car, s'il est fondé, il signifie que, pour autant qu'un Etat soit disposé à reconnaître officiellement qu'il s'engage consciemment sur la voie d'une violation d'une obligation conventionnelle qu'il a acceptée ce que peu d'Etats sont disposés à faire (voir S. Rosenne, Breach of Treaty, 1984, p. 11) -, il peut se soustraire aux obligations qui sont les siennes de se soumettre à une procédure agréée de règlement des différends relatifs à l'interprétation du traité en arguant qu'il est en fait d'accord avec l'autre partie quant à la signification du traité et qu'il n'y a donc pas de différend concernant son interprétation.

Il ne serait pas inconséquent d'imaginer qu'un argument conduisant à des résultats aussi curieux contient sa propre réfutation. J'aurais tendance à penser tout d'abord que les conséquences tirées de cette thèse se fondent d'une façon trop étroite sur une lecture peu cohérente de la formule de règlement des différends prescrite par la section 21 de l'accord.

L'expression «interprétation et application» se rencontre sous une forme ou sous une autre, dans nombre de clauses de règlement des différends remontant à de nombreuses décennies. Dans l'affaire relative à Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise (C. P. J. I. série A n° 6, p. 14), la Cour permanente a estimé qu'il n'était pas nécessaire que les deux éléments de la formule soient réunis, la conjonction «et» devant être lue dans un sens disjonctif. En l'espèce, la formule utilisée est «interprétation ou application». Par conséquent, il suffit que les conditions de l'un ou l'autre élément soient réunies. Mais en outre, puisqu'il n'est pas possible d'interpréter un traité sans se référer à certains faits (même considérés comme des hypothèses) et puisqu'il n'est pas possible d'appliquer un traité si ce n'est sur la base d'une certaine interprétation de ce dernier, on peut déceler l'idée qu'il n'y a guère de distinction, en pratique ou même en théorie, entre les deux éléments de la formule (voir L. B. Sohn, «Settlement of Disputes relating to the Interpretation and Application of Treaties», Recueil des cours de l'Académie de droit international de La Haye, t. 150, 1976, p. 27 1). On pourrait, semble-t-il, soutenir que l'association de ces deux éléments constitue une formule consacrée désignant en général de manière succincte tous les différends relatifs aux droits et obligations découlant de l'ensemble du traité principal (voir la terminologie employée dans l'affaire de l'Usine de Chorzów, C. P. J. I. série A n° 9, p. 24). Avec tout le respect que je dois à ceux qui sont d'un avis opposé, il n'est pas convenable d'adopter une position qui viserait à éluder cette conclusion en disséquant l'expression en question, en s'appesantissant séparément sur chacun de ses éléments, et ensuite en les interprétant comme s'ils ne faisaient pas partie d'une seule et même formule dont la portée découle bien de ses éléments constitutifs mais n'est pas coextensive à leur somme 1[1]

Trop dire va à l'encontre d'une attitude de prudence et de circonspection que des considérations de poids et de solidité ont depuis longtemps fait adopter par une cour située à la place qu'occupe celle-ci. Il me semble que l'interprétation proposée ci-dessus n'aille pas au-delà des limites d'une appréciation raisonnablement prudente, d'après le contexte, de l'objectif de la clause en question. Mais même si pour une raison quelconque elle devait être jugée comme allant, de façon inacceptable, au-delà du texte sur lequel elle se fonde, je continue de penser que la thèse opposée dépasse clairement sa portée, sans pouvoir, comme le fait la deuxième thèse, traiter toutes les questions qui doivent être examinées pour que cette thèse, à supposer qu'elle soit exacte, justifie entièrement une éventuelle réponse négative à la question de l'Assemblée générale.

Cela tient au fait que l'argument vise uniquement la situation qui se créerait à partir du moment où le bureau de la mission d'observation de l'OLP serait définitivement fermé. C'est seulement par rapport à cette situation que l'on peut dire qu'il n'y a pas de différend entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats-Unis au sujet de l'interprétation de l'accord, tous deux reconnaissant qu'il y aura violation de l'accord si cette éventualité se réalise. Mais l'argumentation du Secrétaire général touche à une question supplémentaire sur laquelle il est clair que les deux parties intéressées sont en désaccord relativement à l'interprétation de l'accord de siège.

Cette question supplémentaire concerne le point de savoir si, même au cas où il n'y a pas en fin de compte fermeture de ce bureau, il y a actuellement violation de l'accord en raison d'une menace d'intervention constituée par la promulgation même de la loi le 22 décembre 1987, que celle-ci soit considérée en elle-même ou qu'il s'y ajoute son entrée en vigueur le 21 mars 1988, la directive de l'Attorney General du 11 mars 1988 concernant la fermeture du bureau (publiée avant même l'entrée en vigueur de la loi et désignée sous le nom d'«ordre» dans l'exposé écrit présenté à la Cour par les Etats-Unis), et, comme conséquence, l'introduction le 22 mars 1988 d'une instance pour obtenir cette fermeture et le fait que l'affaire demeure pendante depuis lors. Il peut raisonnablement se déduire des documents produits devant la Cour (et de la procédure orale) que le Secrétaire général considère que la question se pose de savoir si ces circonstances sont elles-mêmes incompatibles avec l'accord, à savoir s'il y a violation d'un droit implicitement conféré par l'accord à l'Organisation des Nations Unies garantissant à ses invités à titre permanent de pouvoir poursuivre leurs activités dans les bureaux qu'ils possèdent sans tracasserie ni gêne inutile. Il ressort clairement aussi du dossier que les Etats-Unis n'admettent pas qu'il y ait actuellement violation de l'accord, puisqu'ils ont constamment soutenu qu'il ne saurait y avoir de violation tant que cette loi n'est pas matériellement exécutée, si elle l'est jamais, par la fermeture effective du bureau de la mission d'observation de l'OLP. Il semble évident que cette nette divergence de vues entraîne inévitablement l'existence d'un différend concernant l'interprétation de l'accord.

J'en termine là sur la question de savoir si le différend porte sur l'«interprétation» de l'accord. Abordons maintenant brièvement la question de savoir si le différend concerne l'«application» de l'accord.

Il ne pouvait y avoir aucun doute que la fermeture du bureau de la mission d'observation de l'OLP poserait effectivement la question de l'application de l'accord. Quant à savoir si les circonstances présentes soulèvent une telle question, la situation actuelle est qu'il est permis en fait à ce bureau de demeurer ouvert, mais que, selon le Secrétaire général, une menace d'intervention pèse sur lui liée à la promulgation et à l'application de la loi. Il semble évident que la position que prend ainsi le Secrétaire général soulève effectivement la question de savoir si l'application de l'accord est affectée par l'existence alléguée de cette menace d'intervention.

Une préoccupation entre pour une part importante dans la position des Etats-Unis, celle de savoir s'il y a déjà eu violation effective de ses obligations en vertu de l'accord et si, en l'absence d'une telle violation, il pourrait exister un différend quelconque concernant l'interprétation ou l'application de l'accord. Comme la Cour l'a fait observer, elle outrepasserait sa compétence si elle abordait la question de savoir si une violation effective a eu lieu, car il s'agit là d'une question réservée au tribunal arbitral, au cas où la Cour répondrait affirmativement à la question préliminaire de l'existence d'un différend. En outre, s'il est exact de dire qu'en l'absence de violation effective il ne peut y avoir de différend, cela conduit inévitablement la Cour à établir s'il y a eu violation effective avant de pouvoir conclure sur le point de savoir s'il y a un différend sur l'existence éventuelle d'une telle violation. Ainsi, le problème de fond serait tranché avant les questions préliminaires.

Il est clair que la procédure de règlement des différends énoncée à la section 21 de l'accord s'applique aux différends résultant de plaintes relatives à une violation effective de l'accord, mais il est également clair qu'elle ne se limite pas à ces seuls cas. Elle couvre aussi des différends résultant de l'opposition d'une partie à une façon d'agir adoptée par l'autre partie, ou à une menace par celle-ci d'agir, en vue d'un résultat qui, selon la demanderesse, serait une violation de l'accord. D'après l'opinion du Secrétaire général, comme je l'interprète, cette façon ou menace d'agir a été représentée parla promulgation de la loi de 1987 contre le terrorisme, cette dernière ayant été en fait approuvée par le chef d'Etat du pays hôte, dont le devoir reconnu est d'appliquer les lois de l'Etat. Faute d'assurances qu'il n'en est pas ainsi (assurances qui ont été demandées mais jamais données), le Secrétaire général était en droit de présumer que le Président, par ses agents qualifiés, s'acquitterait de ce devoir avec des conséquences qui, de l'avis du Secrétaire général, seraient contraires à l'accord. Ce conflit tant d'opinions que d'intérêts donnerait naissance à un différend selon la jurisprudence établie en la matière, qu'il y ait déjà eu ou non violation effective de l'accord par la fermeture forcée de la mission.

Le contexte de l'accord ne relie pas la notion de différend à celle de violation effective. L'existence d'un différend n'a pas pour condition préalable que l'une des parties allègue que l'autre partie aurait effectivement violé une obligation que lui impose l'accord. En outre, les différends relatifs à l'application de l'accord comprennent les différends concernant son applicabilité (voir l'affaire de l'Usine de Chorzów, C. P.J. L série A no 9, p. 20).

Toutefois, si cette thèse est inexacte, avec la conséquence qu'une plainte faisant état d'une violation effective est requise, il faut alors noter que, d'après le dossier, c'est interpréter assez clairement la position du Secrétaire général que d'y voir contenue une plainte alléguant que l'Etat hôte est en train de violer ses obligations en vertu de l'accord de siège du fait de la promulgation de la loi, prise soit séparément, soit cumulativement, avec les mesures ultérieures qui en ont découlé. Une telle plainte peut être contestée, mais elle ne peut être considérée comme insoutenable au point de ne pouvoir donner naissance à un différend proprement dit (voir l'affaire des Essais nucléaires, C. I. J. Recueil 1974, opinion dissidente de M. Barwick, p. 430).

L'attitude générale adoptée ci-dessus semblerait renforcée par trois considérations. Premièrement, il ne paraît pas y avoir de précédent dans la jurisprudence de la Cour ou de sa devancière qui imposerait une interprétation trop étroite concernant la portée des dispositions relatives au règlement des différends (voir notamment l'affaire des Concessions Mavrommatis à Jérusalem, C. P.J. I série A n° 5, p. 47-48; l'affaire de l'Usine de Chorzów, C. P.J. I. série A n° 9, p. 20-25; l'affaire de l'Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, C. I. J. Recueil 1950, p. 75; l'affaire de l'Appel concernant la compétence du Conseil de l'OACI, C. I. J. Recueil 1972, p. 106-107, 125-126 et 147). La jurisprudence arbitrale rejette de même la thèse que «dans la mesure où les traités d'arbitrage ont pour effet d'attribuer une compétence à une autorité internationale, ils sont à interpréter de manière restrictive» (Stephen M. Schwebel, International Arbitration: Three Salient Problems, Cambridge, 1987, p. 149, note 12, citant Interpretation of Article 181 of the Treaty of Neuilly (The Forests of Central Rhodope), Preliminary Question, 1931, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, p. 1391, 1403).

Deuxièmement, il y a la signification large et extensible du mot «concerning» («au sujet de», dans le texte français) tel qu'il apparaît dans l'expression «concerning the interpretation or application» («au sujet de, l'interprétation ou de l'application») de l'accord de siège. Le mot «concern» est défini dans le West's Law and Commercial Dictionary in Five Languages, 1985, volume 1, page 300, comme signifiant: «To pertain, relate, or belong to; to be of interest or importance to; to involve; to affect the interest of» (se rattacher ' se rapporter, ou appartenir à; présenter de l'intérêt ou de l'importance pour, toucher; affecter l'intérêt de). Ce dictionnaire cite à l'appui l'affaire People c, Photocolor Corporation (156 Misc. 47 281 N. T. S. 130). Se référant à la même affaire, le Black's Law Dictionay" 5e édition, 1979 page 262, donne à peu près la même définition mais ajoute: «have connection with; to have reference to ...» (être relié à; se référer à ... ). Voir aussi le Shorter Oxford English Dictionary, 3e édition volume 1, page 389, et le Webster's Third New International Dictionary, 1986 page 470. Et comparer avec la position assez voisine prise par M. Schwebel sur l'interprétation des mots «relating to» («Concernant») dans l'affaire Yakimetz (C. I. J. Recueil 1987, p. 113-114), où il a déclaré:

«Les termes de l'article 11 du statut du Tribunal [administratif des Nations Unies], de même que les travaux préparatoires, montrent clairement qu'une erreur de droit «concernant» (relating to) les dispositions de la Charte des Nations Unies ne doit pas mettre ouvertement et directement en cause une disposition de la Charte. Il suffit que l'erreur soit «en relation avec» la Charte, qu'elle s'y «rapporte» ou s'y «rattache.»

A mon avis, cette manière de voir contient des éléments utiles en l'espèce.

Une troisième considération qui va dans le même sens découle du principe d'interprétation que prescrit la section 27 de l'accord, laquelle stipule que cet

«accord sera interprété à la lumière de son but fondamental, qui est de permettre à l'Organisation des Nations Unies de pleinement et efficacement exercer ses fonctions et d'atteindre ses buts au siège de son activité aux Etats-Unis d'Amérique».

Une interprétation qui ne laisse en fait à l'Organisation des Nations Unies aucun recours juridique dans les circonstances en question n'est guère compatible avec ce principe d'interprétation conventionnel (voir la situation analogue dans l'affaire de l'Usine de Chorzów, C. P. J. I. série A no 9, p. 24-25). Les arguments qui se fondent sur des affaires où les parties ont décidé de propos délibéré de laisser des échappatoires pour disposer de faux-fuyants commodes dans leurs dispositions conventionnelles sembleraient hors de propos dans le contexte particulier que nous examinons.

Certes la Cour devrait toujours s'assurer qu'elle est bien habilitée à agir. Il convient toutefois aussi que la Cour soit consciente du risque qu'il y a à vouloir s'assurer de ses pouvoirs au point de trouver astucieusement des raisons subtiles pour ne pas exercer ceux dont on est fondé à penser qu'on les possède. La Cour a eu raison d'éviter un tel risque dans cette affaire.

Ayant examiné aussi bien qu'il m'était possible ce que, faute d'une assistance du pays hôte, j ai pu déduire du dossier quant à ce qu'est, ou pourrait être, sa position, ainsi que celle de l'Organisation des Nations Unies, je ne peux que conclure en souscrivant à la décision prise.

(Signé) Mohamed SHAHABUDDEEN.



[1] Le problème en question devrait être bien connu dans toutes les juridictions. J. Stamp l'a examiné dans l'affaire Bourne c. Norwich Crematorium, 1967,2 Ail England Reports, p. 576.

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