AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Conseil d`Etat

Sur le rapport de la 10ème sous-section, pan de la Section du Contentieux,

Vu la requête enregistrée le 10 septembre 1991 au secrétariat du Contactées du Conseil d'Etat présentée pour Mlle GAL demeurant 84, boulevard de Latour-Maubourg à Paris (75007); Mlle Gal demande que le Conseil d'Etat:

1)         annule la décision en date du 8 octobre 1990 par laquelle la commission des recours des réfugiés a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 19 décembre 1988 par laquelle le directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'admission au statut de réfugié;

2)         renvoie l'affaire devant la commission des recours des réfugiés;

Vu les autres pièces du dossier;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952;

Vu le décret n° 53-377 du 2 mai 1953;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 octobre 1990 de la commission des recours des réfugiés Article 1er la décision, en date du 8 ce annulée.

DECIDE:

Article 1er: La décision, en date du 8 octobre 1990, de la commission des recours des réfugiés est annulée.

Article 2: L'affaire est renvoyée devant la commission des recours des réfugiés.

Article 3: La présente décision sera notifiés à Mlle GAL et au ministre des affaires étrangères (office français de protection des réfugiés et apatrides),

CONCLUSIONS: MME DENIS-LINTON, Commissaire du Gouvernement

Mme Gal qui prétend avoir dû fuir son pays d'origine, la Hongrie, où elle faisait l'objet de poursuites de la pari des autorités de ce pays en raison de ses activités hostiles au régime en place a demandé à l'OFPRA le 28 août 19,65 de lui reconnaître la qualité de réfugié politique

Le directeur de l'office l'a déboutée de sa demande le 13 janvier 1986 au motif qu'elle n'apportait pas la preuve de la réalité de ses craintes de persécutions. La commission dés recours des réfugiés a confirmé cette décision le 5 juin 1987,

Mats le 26 mai 1988, un ami a fait parvenir à Mme GAL le texte d'un jugement dont il avait par hasard eu connaissance, rendu par le tribunal hongrois de la ville de Szeged en juin 1986 condamnant celle-ci par défaut à un an d'emprisonnement pour "avoir participé à l'impression et à la distribution de tracts attaquant la direction politique de l'Etat hongrois et l'amitié fraternelle soviets hongroise".

En conséquence, l'intéressée a sollicité à nouveau, le 11 juillet 1988 son admission au statut de réfugié, L'O.F.P.R.A l'a déclarée irrecevable et la commission des recours des réfugiés a confirmé cette décision le 8 octobre 1990 en relevant le caractère purement confirmatif de la seconde demande dès lors "qu'il n'était fait état d'aucun fait nouveau concernant la situation de la requérante et intervenu postérieurement à la date à laquelle la commission a précédemment délibéré".

La pourvoi formé par Mme GAL à l'encontre de cette décision a été admis par la Commission d'Admission des Pourvois en Cassation qui, du moins d'après les conclusions, aurait regardé comme sérieux, le moyen tiré de ce qu'une condamnation pour des faits politiques attestée par un jugement constitue un fait nouveau de nature à justifier un nouvel examen de la situation du candidat réfugié au regard de la convention de Genève. Cette question a paru suffisamment délicate à vos 10ème et 7ème sous sections pour justifier son renvoi devant votre section.

Rappelons que le recours ouvert aux personnes qui prétendent à la qualité de réfugié a le caractère d'un recours de plein contentieux, section 8 Janvier 1982, Aldana Barrena, p.9 aux conclusions de B. Genevois. Il appartient donc à la commission des recours des réfugiés, selon la formule de vos arrêts, de se prononcer sur le droit des intéressés à la qualité de réfugié d'après l'ensemble des circonstances de fait et de droit établies à la date de la décision. Vous avez même jugé que des changements dans les circonstances de fait qui servent de fondement à la décision et qui se produisent après la date de l'audience et avant que la décision n'ait été lue obligent la commission à rayer l'affaire du rôle et à rouvrir l'instruction préparatoire, section, 19 novembre 1993, Melle Brutus,p, 322 aux conclusions contraires de F.Scanvic.

Mais la commission des recours admet depuis une décision Naderajah du 24 juin 1982 la recevabilité d'une nouvelle demande fondée sur une cause juridique distincte de la première demande, c'est-à-dire sur des circonstances nouvelles survenus depuis que la Commission des recours a délibéré. cette jurisprudence a été confirmée par le Conseil d'État par une décision du 6 novembre 1985, Kammunah, p.258.

C'est au regard des deux conditions auxquelles votre jurisprudence subordonne la recevabilité d'un fait nouveau de nature à permettre la réouverture du dossier devant l'OFPRA qu'il convient d'apprécier les mérites de ce pourvoi.

Le candidat réfugié doit en premier lieu invoquer un fait inédit. Cette exigence conduit à écarter une demande de réouverture qui ne serait fondée que sur la production de pièces présentées pour la première fois pour faire la preuve de la réalité de faits déjà allégués lors de la première demande, 29 avril 1988, Doamekpor, req. n° 90193 et 12 octobre 1994 Haldabadi Kohoney. req. n° 121581, En revanche, des circonstances nouvelles concernant la situation personnelle de l'intéressé sont recevables à l'appui d'une seconde demande d'admission au statut de réfugié. Ainsi le fait pour un demandeur d'asile d'apprendre le décès de son père au cours d'une audition par la police Sri-Lankaise et l'arrestation de deux de ses proches justifient l'introduction d'un nouveau recours, 20 mars 1985 Rajandram, req. n° 51900.

Au cas présent, les deux organismes chargés do statuer sur la qualité de réfugié ont estimé qu'ils s'étaient déjà prononcés sur la réalité des craintes de persécutions invoquées par Mme GAL. Ce faisant ils ont estimé que la production du jugement la condamnant à une année d'emprisonnement pour activités subversives ne constituait qu'un simple élément de preuve tardivement présenté de faits déjà examinés lors à l'occasion des décisions précédentes. La commission des recours juge d'ailleurs qu'une condamnation par contumace n'est que "la continuation de faits que le requérant avalent précédemment invoqués et ne sont donc pas distincts de ceux-ci. Décision de la Commission des Recours du 30 septembre 1993 Yougesh Kumar, req.n° 24510.

Cette analyse ne nous a pas convaincu.

Nous pensons qu'il y a lieu de distinguer les faits qui peuvent faire craindre à l'étranger des persécutions dans son pays d'origine de l'intervention d'une condamnation pénale sanctionnant de tels faits.

Certes cette condamnation est la conséquence de faits dont le demandeur d'asile aura généralement déjà fait état devant l'office et la commission. Mais le jugement s'il fait la preuve de leur réalité est plus que cela.

L'existence d'une condamnation à une peine privative de libellé pour des faits qui relèvent de la Convention de Genève constitue, par elle même, une menace de persécution puisque le retour dans le pays d'origine entraînera l'arrestation et l'emprisonnement de l'étranger.

Nous n'avons guère d'hésitation à vous proposer de considérer qu'une circonstance de cette nature justifie que la demande d'asile fasse l'objet d'un nouvel examen.

Vous avez d'ailleurs tenu un raisonnement proche dans le cas où le juge de l'excès de pouvoir doit appréciée la légalité de la décision préfectorale, distincte de l'arrêté décidant la reconduite à la frontière d'un étranger, qui précise que la mesure d'éloignement sera exécutée vers le pays d'origine de l'intéressé. La production par un ressortissant turc, d'origine kurde débouté de sa demande d'asile, de documents établissant les procédures Judiciaires engagées par les autorités turques en raison de ses activités politiques a été considérée comme faisant légalement obstacle à sa reconduite vers son pays où il risque une arrestation Cf Préfet de la Seine Maritorne contre M. Cetinpolat, 8 octobre 1993, p.264.

Il appartient bien évidemment à I'OFPRA et, le cas échéant à la commission des recours, d'apprécier de manière souveraine tant la véracité des faits allégués que l'authenticité des éléments produits ainsi que leur caractère probant.

Nous n'ignorons ni le fort pourcentage de demandes renouvelées d'admission au statut après rejet d'une première, voire d'une seconde demande qui pèsent lourdement sur l'activité de l'office et de la commission, non plus que la prolifération de faux documents et notamment de décisions juridictionnelles fabriquées pour les besoins de la cause. Mais, dès lors qu'un candidat au refuge n'a pu au moment où y était statué sur sa demande par l'OFPRA faire état d'une condamnation à une peine en raison de sa race, de sa religion de son appartenance à une minorité ethnique ou politique intervenue après son départ du pays, il importe que le bien fondé de sa, qualité de réfugié puisse au vue d'un tel jugement être à nouveau examiné.

Il faut encore, c'est la seconde condition mise par la jurisprudence pour accueillir le recours, que les circonstances nouvelles en cause soient intervenues postérieurement à la première décision Juridictionnelle. Cf 29 avril 1988 Duamekpor, req.n° 90194 et 13 novembre 1992, Subramaniam, table, p. 985. La jurisprudence de la commission des recours qui entend strictement cette exigence se refuse à prendre en considération la date où ces faits nouveaux ont été portés à la connaissance des intéressés miaulement ceux où ils sont intervenus. Elle juge dans ses décisions qu'est sans incidence la circonstance que les faits nouveaux n'ont pas été connus du requérant lorsqu'elle a délibéré.

On comprend cette solution dictée par la difficulté d'établir à quel moment le demandeur d'asile a pu connaîtra des faits nouveaux. Il est plus aisé de retenir la date objective où les circonstances nouvelles se sont produites.

Au cas présent le jugement versé au dossier est daté du mois de juin 1986, tandis que la commission des recours a délibéré une première fois sur la situation de Mme GAL en juin 1987. La circonstance que l'événement en cause soit antérieur à la première décision de la commission suffirait donc, selon l'interprétation de la commission à écarter la demande de réouverture du dossier,

Au regard de cette exigence il nous paraît cependant possible de distinguer entre des événements nouveaux dont le demandeur d'asile peut être informé par ce qu'ils affectent des membres de sa famille demeurés dans le pays et, le prononcé d'un jugement rendu par défaut qui le concerne personnellement et dont il a ignoré l'existence, comme c'est le cas ici, en raison de la fuite hors du pays. Un jugement rendu par défaut par hypothèse n'a pu être notifié à l'intéressé peut légitimement être ignoré de celui-ci.

La solution consistant à déclarer dans tous les cas irrecevable une demande fondée sur une condamnation pénale dont il n'est pas contesté que l'étranger l'a ignorée au motif que celle-ci a été prononcée avant la première décision de la Commission des Recours nous paraîtrait pour tout dire d'une grande rigueur.

Nous vous proposons d'infléchir votre jurisprudence résultant de la rédaction de la décision Kammunah précitée en permettant un nouvel examen de la demande du candidat réfugié non seulement serait fondée sur des faits intervenus postérieurement à la première dérision juridictionnelle mais également sur des faits antérieurs à cette décision mais dont il est établi que l'intéressé n'a pas eu connaissance plus tôt.

Si vous nous suivez vous censurerez la décision de la commission des recours pour avoir fait une fausse application des dispositions de la loi du 25 juillet 1952 en refusant d'examiner le bien fondé de la nouvelle demande de Mme GAL et en se bornant à la rejeter comme irrecevable.

Vous n'auriez pas alors à statuer sur l'autre moyen invoqué salon lequel Mme GAL ayant donné naissance à une fille en juin 1990, la refus de lui accorder la statut de réfugié aurait de graves conséquences familiales qui, au demeurant est inopérant.

PCMNC à l'annulation de la décision de la commission des recours des réfugiés en date du 8 octobre 1990 et au renvoi de l'affaire devant la Commission des Recours.

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