Dehghani c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)

  [1993] 1 R.C.S. 1053

Supreme Court of Canada
Abdul Rassoul Dehghani
Appelant

c.

Le ministre de l'Emploi et de l'ImmigrationIntimé

et

Le Conseil canadien pour les réfugiésIntervenant

Répertorié: Dehghani c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) No du greffe: 22153. 1992: 2 décembre; 1993: 25 mars 1993. Présents: Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, Sopinka, Gonthier, Cory, McLachlin et Iacobucci. en appel de la cour d'appel fédérale

Droit constitutionnel -- Charte des droits -- Droit à l'assistance d'un avocat -- Examens qu'un agent d'immigration fait subir à un point d'entrée -- Revendicateurs du statut de réfugié au sens de la Convention -- Examen secondaire -- Le revendicateur a-t-il été détenu et avait-il droit à l'assistance d'un avocat en vertu de l'art. 10b) de la Charte canadienne des droits et libertés?

Droit constitutionnel -- Charte des droits -- Justice fondamentale -- Droit à l'assistance d'un avocat -- Examens qu'un agent d'immigration fait subir à un point d'entrée -- Revendicateurs du statut de réfugié au sens de la Convention -- Examen secondaire -- Le revendicateur avait-il droit à l'assistance d'un avocat en vertu de l'art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés?

Immigration -- Examens qu'un agent d'immigration fait subir à un point d'entrée -- Revendicateurs du statut de réfugié au sens de la Convention -- Examen secondaire -- Le revendicateur avait-il droit à l'assistance d'un avocat en vertu des art. 7 ou 10b) de la Charte canadienne des droits et libertés?

L'appelant, qui est citoyen iranien, est arrivé au Canada sans document de voyage ni pièce d'identité valides et a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention. À l'aéroport, il a fait la queue afin de subir un examen primaire et a ensuite été dirigé vers un agent d'immigration pour subir un examen secondaire dans une autre partie de l'aéroport, où il a attendu environ quatre heures avant d'être interrogé. En répondant à des questions concernant sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention, l'appelant a omis des faits importants. À la fin de l'examen secondaire, il a été informé qu'il avait droit à l'assistance d'un avocat pour présenter sa revendication du statut de réfugié. À la suite d'une enquête, un arbitre et un membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ont conclu que sa revendication du statut de réfugié n'avait pas un minimum de fondement et ont prononcé une mesure d'exclusion. La Cour d'appel fédérale a rejeté la demande de l'appelant fondée sur l'art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale, visant à réviser et à annuler cette décision, et a maintenu la mesure d'exclusion. La cour à la majorité a statué que l'appelant n'avait pas été «détenu» d'une manière envisagée par l'al. 10b) de la Charte canadienne des droits et libertés, avant ou pendant l'examen secondaire effectué à l'aéroport, et que, par conséquent, il n'en résultait aucune obligation de l'informer de son droit à l'assistance d'un avocat. Deux questions sont soulevées dans le présent pourvoi: (1) L'appelant a-t-il été détenu au sens de l'al. 10b) de la Charte durant son examen secondaire à l'aéroport? Et (2) l'omission de fournir à l'appelant les services d'un avocat au point d'entrée a-t-elle violé les droits que lui garantit l'art. 7 de la Charte? Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

(1) L'alinéa 10b)

L'examen secondaire qu'un agent d'immigration fait subir à un point d'entrée ne constitue pas une «détention» au sens de l'al. 10b) de la Charte. L'élément de la contrainte de l'État est insuffisant. L'interrogatoire qu'a subi l'appelant au cours de l'examen secondaire faisait partie systématiquement du processus général de sélection des personnes qui cherchent à entrer au Canada. L'interrogatoire a été effectué simplement en vue de traiter sa demande d'admission et de déterminer la procédure qu'il conviendrait d'appliquer pour examiner sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention. Les voyageurs qui cherchent à traverser des frontières internationales s'attendent parfaitement à faire l'objet d'un processus d'examen. En l'espèce, les autorités de l'Immigration n'ont pas agi de manière à indiquer que la restriction de la liberté de l'appelant avait excédé ce qui est requis pour le traitement de sa demande d'admission et était devenue une entrave à la liberté. De plus, il n'y a rien d'infamant à devoir subir un examen secondaire. L'absence d'infamie est un autre facteur qui indique que, durant un interrogatoire de routine, il n'y a pas de détention entraînant des conséquences constitutionnelles. Il ne serait pas raisonnable de s'attendre à ce que le processus de sélection applicable à toutes les personnes qui cherchent à entrer au Canada se déroule à l'étape de l'examen primaire. Dans le cas des personnes qui sont incapables de produire immédiatement des documents indiquant qu'elles ont le droit d'entrer au pays, le processus de sélection prend plus de temps et un renvoi à un examen secondaire est donc nécessaire. L'examen secondaire est la continuation ou le parachèvement de l'examen initial qui a lieu à l'étape de l'inspection primaire et il continue de faire partie systématiquement du processus général de sélection. Ni l'existence d'une obligation légale de répondre aux questions posées par l'agent d'immigration ni l'existence de sanctions criminelles tant pour l'omission de répondre aux questions que pour le fait de formuler sciemment une déclaration fausse ou trompeuse n'obligent à conclure que l'appelant a été détenu au sens de l'al. 10b). Ces dispositions sont liées logiquement et rationnellement au rôle que jouent les fonctionnaires de l'Immigration lorsqu'ils interrogent les personnes qui cherchent à entrer au pays. En fait, ils doivent s'assurer que les interrogatoires effectués à la frontière sont pris au sérieux et sont efficaces.

(2) L'article 7

À supposer que l'art. 7 de la Charte s'applique en l'espèce, les principes de justice fondamentale n'exigent pas que l'appelant dispose des services d'un avocat au stade du processus de reconnaissance du statut de réfugié qui précède l'enquête ou l'audience. Bien que le droit à l'assistance d'un avocat en vertu de l'art. 7 puisse s'appliquer dans d'autres cas que ceux visés par l'al. 10b), dans un interrogatoire en matière d'immigration effectué dans le but de recueillir des renseignements de routine, le droit à l'assistance d'un avocat ne s'étend pas au-delà des circonstances de l'arrestation ou de la détention prévues à l'al. 10b). On a tenu une enquête pour déterminer si la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention présentée par l'appelant avait un minimum de fondement et, conformément au par. 30(1) de la Loi sur l'immigration, l'appelant a été informé de son droit à l'assistance d'un avocat. Il a, en fait, été représenté par un avocat durant l'enquête sur le minimum de fondement de sa revendication et a eu la possibilité d'exposer sa cause et de savoir ce qu'il devait prouver. Les principes de justice fondamentale ne comprennent pas le droit à l'assistance d'un avocat quand il s'agit de recueillir des renseignements de routine, et permettre le recours aux services d'un avocat dans les interrogatoires effectués aux points d'entrée ferait inutilement double emploi.

Jurisprudence

Arrêts appliqués: R. c. Therens, [1985] 1 R.C.S. 613; R. c. Simmons, [1988] 2 R.C.S. 495, conf. (1984), 11 C.C.C. (3d) 193 (C.A. Ont.); R. c. Kwok (1986), 31 C.C.C. (3d) 196; arrêts mentionnés: R. c. Jacoy, [1988] 2 R.C.S. 548; R. c. Rodenbush (1985), 21 C.C.C. (3d) 423; Chiarelli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711; Kindler c. Canada (Ministre de la Justice), [1991] 2 R.C.S. 779; Singh c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177; Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B., [1985] 2 R.C.S. 486; Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)c) du Code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123; Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425; R. c. Jones, [1986] 2 R.C.S. 284; R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309; Syndicat des employés de production du Québec et de l'Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879; Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653; Pearlman c. Comité judiciaire de la Société du Barreau du Manitoba, [1991] 2 R.C.S. 869; R. c. Beare, [1988] 2 R.C.S. 387; Montfort c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1980] 1 C.F. 478; R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 310; R. c. Pearson, [1992] 3 R.C.S. 665.

Lois et règlements cités

Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 7, 8 à 14, 10b), 24(2). Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 28. Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 12, 19 [mod. ch. 30 (3e suppl.), art. 3], 20, 23(3), (4), 30(1) [abr. & rempl. ch. 28 (4e suppl.), art. 9], 43(1) [idem, art. 14], 94(1)g) [idem, art. 24], h) [idem]. POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel fédérale, [1990] 3 C.F. 587, 72 D.L.R. (4th) 58, 113 N.R. 382, 1 C.R.R. (2d) 253, 11 Imm. L.R. (2d) 51, qui a rejeté la demande de l'appelant fondée sur l'art. 28 de la Loi sur la Court fédérale, visant à réviser et à annuler la décision d'un arbitre et d'un membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Pourvoi rejeté. Pia Zambelli et Barbara Jackman, pour l'appelant. J. E. Thompson, c.r. et Donald A. MacIntosh, pour l'intimé. David Matas, pour l'intervenant. //Le juge Iacobucci// Version française du jugement de la Cour rendu par Le juge Iacobucci -- Le présent pourvoi concerne la portée de l'al. 10b) et de l'art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés dans la mesure où ils s'appliquent aux revendicateurs du statut de réfugié qui entrent au Canada. Le pourvoi soulève plus précisément la question de savoir si l'examen secondaire qu'un agent d'immigration fait subir à un point d'entrée constitue une «détention» au sens de l'al. 10b) de la Charte. Il est également question du droit à l'assistance d'un avocat en vertu de l'art. 7 de la Charte.

I. Historique

L'appelant est citoyen iranien. Il est arrivé au Canada le 13 mai 1989 sans document de voyage ni pièce d'identité valides et a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention. Comme il ne comprenait pas l'anglais, langue dans laquelle s'est déroulée la procédure en question, il s'est vu offrir les services d'un interprète. À son arrivée à l'aéroport international Pearson de Toronto, l'appelant a fait la queue afin de subir un examen primaire. De là, il a été dirigé vers un agent d'immigration pour subir un examen secondaire dans une autre partie de l'aéroport et il a attendu environ quatre heures avant d'être interrogé. À aucun moment au cours de cette procédure, il n'a été informé qu'il avait droit à l'assistance d'un avocat. L'agent d'immigration qui lui a fait subir l'examen secondaire a pris beaucoup de notes écrites. Au cours de l'examen, l'appelant a été interrogé au sujet de son admissibilité selon l'art. 19 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, qui énonce les catégories de personnes non admissibles au Canada, comme celles qui constituent un danger pour la santé ou la sécurité publiques ou celles qui ont été déclarées coupables d'une infraction criminelle grave. L'appelant a aussi été interrogé sur sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention. En répondant à ces questions, il a omis des faits importants concernant les motifs de sa revendication du statut de réfugié. De plus, en réponse à une question sur le fondement de sa revendication du statut de réfugié, l'appelant a déclaré qu'il voulait travailler pour lui-même et assurer l'avenir de ses enfants qui veulent étudier. En ce qui concerne sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention, l'appelant a prétendu par la suite avoir été victime de persécution en Iran pour ses convictions royalistes et son appui au Shah. Il a affirmé qu'en raison de son appui à la cause royaliste, sa famille et lui-même ont fait l'objet d'enquêtes et ont dû se cacher, que l'une de ses filles a été arrêtée et exécutée, et que son commerce a été saisi. Pour ces raisons, il a quitté l'Iran pour se rendre en Turquie en avril 1989, et c'était là la dernière fois qu'il avait vu sa famille. Toutefois, l'appelant a omis de mentionner ces faits à l'agent d'immigration au cours de l'examen secondaire. L'agent d'immigration qui a effectué l'examen secondaire a conclu que l'appelant ne pouvait pas être admis au Canada selon l'art. 19 de la Loi sur l'immigration. À la fin de l'examen secondaire, l'appelant a été informé qu'il avait droit à l'assistance d'un avocat pour présenter sa revendication du statut de réfugié. Une enquête dite sur le minimum de fondement de la revendication a donc été tenue devant un tribunal de la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada (le Tribunal) afin de déterminer si l'appelant était admissible au Canada et s'il y avait lieu d'ordonner la tenue d'une audience complète devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada pour examiner le bien-fondé de sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention. Les notes prises par l'agent d'immigration qui a effectué l'examen secondaire ont été produites en preuve lors de l'enquête. Le Tribunal a déclaré que l'appelant n'était pas un témoin crédible. On a jugé que l'appelant n'était pas admissible et qu'il ne méritait pas que la Section du statut de réfugié statue sur sa revendication parce que celle-ci n'avait pas un minimum de fondement. L'appelant a donc fait l'objet d'une mesure d'exclusion du Canada. L'appelant a reçu l'autorisation de saisir la Cour d'appel fédérale d'une demande de contrôle judiciaire de la mesure d'exclusion. Il a contesté la validité de cette mesure pour le motif qu'elle a été obtenue au moyen d'éléments de preuve recueillis en violation du droit à l'assistance d'un avocat que lui garantissait l'al. 10b) de la Charte. Sa demande a été rejetée et la mesure d'exclusion a été maintenue par la Cour d'appel à la majorité.

II. Dispositions législatives et dispositions de la Charte pertinentes

Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 12. (1) Quiconque cherche à entrer au Canada est tenu de se présenter devant un agent d'immigration à un point d'entrée ou à tout autre lieu désigné par l'agent principal en vue de l'interrogatoire visant à déterminer s'il est autorisé à entrer au Canada ou s'il peut y être admis. (3) L'agent d'immigration qui procède à l'interrogatoire peut, lorsqu'il le juge à propos:

a) confier la fin de l'interrogatoire à un autre agent d'immigration;

b) retenir la personne interrogée ou prendre une mesure à cet effet contre elle. (4) L'intéressé doit répondre franchement aux questions de l'agent d'immigration et produire toutes les pièces que ce dernier exige pour établir s'il est autorisé à entrer au Canada ou s'il peut y être admis. 20. (1) L'agent d'immigration qui, après interrogatoire, estime que le fait d'admettre ou de laisser entrer l'intéressé au Canada contreviendrait ou pourrait contrevenir à la présente loi ou à ses règlements peut le retenir ou prendre une mesure à cet effet. Il est tenu:

a) soit, sous réserve du paragraphe (2), de signaler son cas dans un rapport écrit, à un agent principal;

b) soit de l'autoriser à quitter le Canada sans délai. 23. . . . (3) S'il n'accorde à l'intéressé ni la permission d'entrer au Canada en vertu de l'article 22 ni l'admission ou l'autorisation d'entrer au Canada en vertu du paragraphe (1) ou (2), l'agent principal peut, sous réserve des paragraphes (4) et (6):

a) soit le retenir ou prendre une mesure à cet effet contre lui;

b) soit le mettre en liberté aux conditions qu'il juge appropriées en l'occurrence, notamment la fourniture d'un cautionnement raisonnable ou d'une garantie de bonne exécution. (4) Dans les cas visés au paragraphe (3), l'agent principal est tenu:

a) soit, sous réserve du paragraphe (5), de faire procéder à une enquête dès que les circonstances le permettent;

b) soit d'autoriser l'intéressé à quitter le Canada sans délai. 30. (1) L'intéressé doit être informé qu'il a le droit de se faire représenter par un avocat ou autre conseiller et, sous réserve des paragraphes (2) et (3), se voir accorder la possibilité de le choisir, à ses frais. 43. (1) Avant que ne soient présentés des éléments de preuve au fond, l'arbitre donne à la personne qui fait l'objet de l'enquête la possibilité de faire savoir si elle revendique le statut de réfugié au sens de la Convention. 94. (1) Commet une infraction quiconque:

g) refuse de prêter serment ou de faire une déclaration ou une affirmation solennelle, ou encore de répondre à une question posée au cours de l'interrogatoire ou de l'enquête prévus par la présente loi ou de l'audience tenue dans le cadre du paragraphe 44(3);

h) fait délibérément une déclaration fausse ou trompeuse au cours de l'interrogatoire ou de l'enquête prévus à la présente loi ou de l'audience tenue dans le cadre du paragraphe 44(3), ou dans le cadre de l'admission ou de la demande d'admission d'une personne; Charte canadienne des droits et libertés 7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale. 10. Chacun a le droit, en cas d'arrestation ou de détention:

b) d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat et d'être informé de ce droit;

III. Arrêt de la Cour d'appel fédérale, [1990] 3 C.F. 587

Le juge Mahoney (à l'opinion duquel a souscrit le juge Pratte) Le juge Mahoney a statué que l'appelant n'avait pas été détenu d'une manière envisagée par l'al. 10b) de la Charte avant ou pendant l'examen secondaire et que, par conséquent, il n'en résultait aucune obligation de l'informer de son droit à l'assistance d'un avocat. Le juge Mahoney a fait remarquer que quiconque, y compris un citoyen canadien, cherche à entrer au Canada à un point d'entrée est détenu jusqu'à ce qu'un agent d'immigration décide qu'il ne contreviendrait pas à la Loi sur l'immigration que cette personne entre au Canada. Ce qui distingue tous ces détenus du détenu au sens constitutionnel du terme, selon le juge Mahoney, c'est le fait que ces personnes n'ont pas été mises dans cette situation par un agent de l'État qui a restreint leur liberté d'action, mais qu'elles se sont mises dans cette situation de leur propre chef en sollicitant leur admission au Canada. Le juge Mahoney a souligné le fait que l'agent d'immigration a le devoir de déterminer si la personne qui revendique le statut de réfugié au sens de la Convention peut être admise au pays. La cour a examiné l'interrogatoire de l'appelant et a conclu que l'examen secondaire était routinier et ne faisait que prolonger l'interrogatoire de routine qui avait eu lieu à l'étape de l'examen primaire. Le juge Mahoney a conclu que l'état d'esprit de l'appelant à ce moment-là ne pouvait pas changer le caractère essentiellement routinier de l'examen, qui ne ressemblait nullement à une fouille à nu inquisitoriale qui constituerait une détention à des fins constitutionnelles. De plus, le temps écoulé avant le tenue de l'interrogatoire n'était pas, selon la cour, imputable à une détention (à la p. 608):

Si je comprends bien les termes employés, l'interrogatoire primaire a eu lieu, dans le cas qui nous occupe, devant ce que [l'appelant] a appelé [traduction] «une petite cabine». Il s'agit, si j'ai bien saisi, de l'un des postes de contrôle devant lesquels font la queue tous les passagers de vols internationaux qui descendent d'avion. Il semble de toute évidence déraisonnable de s'attendre à ce que l'interrogatoire du revendicateur du statut de réfugié au sens de la Convention auquel doit procéder l'agent d'immigration puisse être mené de façon satisfaisante à l'étape de l'interrogatoire primaire global. À mon sens, le simple renvoi de cette personne à un interrogatoire secondaire et le temps écoulé avant le début de cet interrogatoire ne permettent pas de conclure que la personne est détenue au sens constitutionnel du terme. Une attente de plusieurs heures peut n'être attribuable qu'au nombre de personnes qu'il faut interroger et au nombre d'agents qui sont disponibles pour faire ce travail ou encore à la nécessité de recourir aux services d'un interprète.

Enfin, le juge Mahoney a fait observer que, lors de l'examen secondaire, l'appelant n'a pas été persuadé de faire des aveux qui ont par la suite amené à conclure que sa revendication n'avait pas un minimum de fondement. C'est plutôt l'omission par l'appelant de mentionner certains faits lors de l'interrogatoire qui est à l'origine des conclusions défavorables en matière de crédibilité. En définitive, le juge Mahoney a statué qu'il n'y avait pas eu «détention» au sens de l'al. 10b) de la Charte. Par conséquent, il n'y avait aucune obligation d'informer l'appelant de son droit à l'assistance d'un avocat avant la tenue de l'examen secondaire et il n'y a donc eu aucune violation des droits qui lui sont garantis par l'al. 10b). Le juge Heald (dissident) Le juge Heald a adopté une opinion très différente de celle de la majorité et a conclu que l'appelant avait été «détenu» au sens de l'al. 10b). Il a attiré l'attention sur les passages des motifs du juge Le Dain dans l'arrêt R. c. Therens, [1985] 1 R.C.S. 613, qui traitent de la contrainte psychologique comme étant une forme de détention aux fins de l'al. 10b), et il a conclu que le raisonnement suivi dans ces observations s'appliquait à la situation de l'appelant. L'agent d'immigration qui a effectué l'examen secondaire était, selon le juge Heald, un agent de l'État qui a restreint la liberté d'action de l'appelant; ce dernier n'était pas libre de quitter la pièce et d'aller ailleurs. L'interrogatoire et les réponses de l'appelant faisaient partie intégrante de l'enquête prévue par la Loi sur l'immigration, laquelle enquête a abouti à une mesure d'exclusion inconditionnelle. D'après le témoignage non contredit que l'appelant a donné dans son affidavit, il avait acquiescé à la privation de sa liberté, étant donné qu'il croyait raisonnablement qu'il n'avait pas le choix d'agir autrement. Ces facteurs ont amené le juge Heald à conclure que, suivant l'arrêt Therens, l'appelant était «détenu» au sens de l'al. 10b). Le juge Heald a également statué que l'arrêt de notre Cour R. c. Simmons, [1988] 2 R.C.S. 495, étayait la revendication de l'appelant. Le juge Heald a rejeté la proposition de la majorité selon laquelle l'examen secondaire n'était qu'une autre forme d'interrogatoire de routine qui ressemblait à celui auquel tout voyageur est tenu de se soumettre lorsqu'il cherche à entrer au Canada, et a été considéré dans l'arrêt Simmons comme ne constituant pas une détention au sens constitutionnel du terme. Le juge Heald a plutôt décidé que la situation de l'appelant était analogue à la fouille à nu inquisitoriale que l'accusée, dans l'affaire Simmons, a été forcée de subir et qui, d'après ce qu'a conclu le juge en chef Dickson dans cette affaire, entraîne une détention au sens de l'al. 10b). Comme pour l'accusée dans Simmons, on a cessé d'appliquer la procédure normale à l'égard de l'appelant et on l'a forcé à subir un interrogatoire; il y avait une «perception raisonnable qu'on n'a[vait] vraiment pas le choix» et «une privation involontaire de liberté» comme dans l'arrêt Simmons. Suivant l'arrêt Singh c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177, à la p. 202, le juge Heald a statué que le mot «Chacun» à l'al. 10b) doit comprendre les revendicateurs du statut de réfugié qui se trouvent au Canada. Le juge Heald a affirmé que les raisons de leur reconnaître la protection de l'al. 10b) sont tout aussi sérieuses dans ce genre de situation que dans le contexte d'une affaire criminelle: «Dans le cas d'un revendicateur du statut de réfugié comme le requérant à l'instance, en présumant que même une partie de ses affirmations factuelles soient véridiques, son retour forcé en Iran pourrait bien se solder notamment par son incarcération, par l'infliction de tortures et même par la mort» (p. 600). Le juge Heald a donc conclu que l'appelant avait été détenu au sens de l'al. 10b). Le juge Heald a en outre conclu qu'il y avait eu violation du droit à l'assistance d'un avocat que l'al. 10b) garantit à l'appelant. Il s'agissait d'une violation de fond car, au cours de l'enquête qui a suivi, on s'est servi des notes prises par l'agent examinateur contrairement aux droits que l'al. 10b) garantit à l'appelant, pour attaquer la crédibilité de ce dernier. Le juge Heald a statué que, si l'appelant avait été assisté d'un avocat avant et pendant l'examen secondaire et avait ainsi pu obtenir des explications éclairées au sujet de l'économie du processus de reconnaissance du statut de réfugié prévu par la loi canadienne sur l'immigration, il est probable que toute la nature de la procédure s'en serait trouvée changée. Le juge Heald termine ainsi son analyse de la question de l'al. 10b) (à la p. 601):

Étant donné que la Cour suprême du Canada a déclaré dans l'arrêt Therens, précité, que la jurisprudence relative aux enquêtes policières en matières criminelles pouvait être étendue aux autres agents de l'État et étant donné que dans l'arrêt Simmons précité, la majorité de la Cour a appliqué le critère dégagé dans l'arrêt Therens aux fouilles effectuées aux points d'entrée en vertu de la Loi sur les douanes, je pense qu'on peut soutenir de façon tout aussi convaincante que les revendicateurs du statut de réfugié possèdent le droit de consulter un avocat aux points d'entrée. À mon avis, les circonstances de l'espèce qui ont été résumées appuient fortement cette conclusion.

Le juge Heald a décidé que l'article premier de la Charte n'entrait pas en jeu en l'espèce, étant donné que la Loi sur l'immigration n'exigeait ni expressément ni par voie d'interprétation nécessaire que l'on prive quelqu'un de son droit à l'assistance d'un avocat. Il n'y avait donc aucune limite prescrite «par une règle de droit» susceptible de justifier une analyse fondée sur l'article premier. Quant à la question de la réparation convenable pour la violation de la Charte, le juge Heald a noté que l'avocate de l'appelant n'a pas demandé que les notes soient écartées ni n'a fait valoir de moyens à l'appui d'une telle demande. En conséquence, le juge Heald n'a pas examiné la question de savoir si la cour, à la suite d'une demande fondée sur l'art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, avait le pouvoir d'écarter de tels éléments de preuve en l'espèce, mais il a affirmé qu'il y avait lieu d'annuler la décision rendue par le tribunal chargé de se prononcer sur le minimum de fondement de la revendication, ainsi que la mesure d'exclusion qui a suivi.

IV. Les questions en litige

L'appelant soulève deux questions dans le présent pourvoi. D'abord, l'appelant a-t-il été détenu au sens de l'al. 10b) de la Charte durant son examen secondaire à l'aéroport, et cet examen a-t-il par conséquent violé son droit à l'assistance d'un avocat? Subsidiairement, l'omission de fournir à l'appelant les services d'un avocat au point d'entrée a-t-elle violé son droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, auquel il ne peut être porté atteinte qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale?

V. Analyse

1. L'appelant a-t-il été détenu au sens de l'al. 10b) de la Charte? Pour déterminer s'il y a eu «détention» aux fins de l'al. 10b), il faut commencer par examiner l'arrêt Therens de notre Cour, précité, aux pp. 641 et 642:

L'article 10 de la Charte vise à assurer que, dans certaines situations, une personne soit informée de son droit à l'assistance d'un avocat et qu'elle puisse obtenir cette assistance sans délai. Il est évident que les cas (l'arrestation et la détention) mentionnés expressément à l'art. 10 ne sont pas les seuls où une personne peut avoir raisonnablement besoin de l'assistance d'un avocat, mais qu'il s'agit de situations où l'entrave à la liberté pourrait, par ailleurs, avoir pour effet de rendre impossible l'accès à un avocat ou d'amener une personne à conclure qu'elle n'est pas en mesure d'avoir recours à l'assistance d'un avocat. En utilisant le mot «détention», l'art. 10 de la Charte vise une entrave à la liberté autre qu'une arrestation par suite de laquelle une personne peut raisonnablement avoir besoin de l'assistance d'un avocat, mais pourrait, en l'absence de cette garantie constitutionnelle, être empêchée d'y avoir recours sans délai.

Outre le cas où il y a privation de liberté par contrainte physique, j'estime qu'il y a détention au sens de l'art. 10 de la Charte lorsqu'un policier ou un autre agent de l'État restreint la liberté d'action d'une personne au moyen d'une sommation ou d'un ordre qui peut entraîner des conséquences sérieuses sur le plan juridique et qui a pour effet d'empêcher l'accès à un avocat. . . . Il ne fait aucun doute qu'une certaine forme de contrainte ou de coercition doit être exercée pour qu'il y ait atteinte à la liberté ou à la liberté d'action équivalant à une détention au sens de l'art. 10 de la Charte. Le juge Le Dain statue ensuite qu'il n'est pas nécessaire que la contrainte soit physique. Il dit, à la p. 644:

. . . il est, en règle générale, irréaliste de considérer l'obéissance à une sommation ou à un ordre d'un policier comme un acte réellement volontaire en ce sens que l'intéressé se sent libre d'obéir ou de désobéir, même lorsque la sommation ou l'ordre en question n'est autorisé ni par la loi ni par la common law, et que, par conséquent, le refus d'y obtempérer n'entraîne aucune responsabilité criminelle. La plupart des citoyens ne connaissent pas très exactement les limites que la loi impose aux pouvoirs de la police. Plutôt que de s'exposer à l'usage de la force physique ou à des poursuites pour avoir volontairement entravé la police dans l'exécution de son devoir, il est probable que la personne raisonnable péchera par excès de prudence et obtempérera à la sommation en présumant qu'elle est légale. L'élément de contrainte psychologique, sous forme d'une perception raisonnable qu'on n'a vraiment pas le choix, suffit pour rendre involontaire la privation de liberté. Il peut y avoir détention sans qu'il y ait contrainte physique ou menace de contrainte physique, si la personne intéressée se soumet ou acquiesce à la privation de liberté et croit raisonnablement qu'elle n'a pas le choix d'agir autrement.

En l'espèce, il s'agit de savoir si, dans le contexte de la sélection des immigrants et des réfugiés aux points d'entrée au Canada, l'élément de la contrainte de l'État suffit à constituer une «détention» pour les fins de l'al. 10b). La Cour d'appel de la Colombie-Britannique a appliqué l'arrêt Therens dans le contexte d'inspections douanières dans R. c. Rodenbush (1985), 21 C.C.C. (3d) 423, à la p. 426. Dans cette affaire, les autorités américaines avaient alerté les douaniers au sujet des deux accusés. Lorsque ceux-ci se sont arrêtés à la frontière, leur voiture a été fouillée, leurs valises ont été amenées à l'intérieur pour être examinées plus amplement et les accusés ont été conduits dans une salle d'inspection pour attendre le rapport concernant les valises. La Cour d'appel a jugé que, suivant l'arrêt Therens, [traduction] «il ne fait pas de doute en l'espèce que, lorsque des douaniers ont demandé aux deux accusés d'entrer dans une salle d'interrogatoire, ceux-ci étaient «détenus» au sens de l'art. 10» de la Charte. L'arrêt Therens a également été appliqué dans R. c. Kwok (1986), 31 C.C.C. (3d) 196 (C.A. Ont.). L'accusé a été interrogé par les autorités de l'Immigration canadiennes à l'aéroport international Pearson. L'agent d'immigration qui a interrogé l'accusé afin de déterminer si celui-ci était vraiment un visiteur au Canada a eu des doutes et a rédigé un rapport à l'intention de l'agent principal intérimaire, conformément à l'art. 20 de la Loi sur l'immigration. Ce dernier a examiné le rapport et a conclu qu'il y avait lieu de détenir l'accusé pendant la tenue d'une enquête visant à déterminer s'il pouvait être admis au Canada. On a abouti à une conclusion semblable en ce qui concernait un coaccusé, et une quantité importante d'héroïne a été découverte plus tard dans les bagages du coaccusé au cours d'une fouille à la douane. L'accusé et son coaccusé ont alors été arrêtés et informés de leur droit à l'assistance d'un avocat. Le juge Finlayson, de la Cour d'appel de l'Ontario, s'est appuyé sur l'arrêt Therens de notre Cour et sur l'arrêt R. c. Simmons (1984), 11 C.C.C. (3d) 193 (C.A. Ont.), pour ensuite faire remarquer, à la p. 207, que [traduction] «durant toutes les procédures d'immigration et de douane, une personne subit une contrainte en ce sens qu'elle ne sera autorisée à entrer au Canada que si elle se soumet de façon satisfaisante à l'interrogatoire et aux fouilles prévues par les lois pertinentes telles que la Loi sur les douanes [. . .] et la Loi sur l'immigration». Le juge Finlayson a conclu que de telles contraintes ne constituent pas en soi une détention au sens constitutionnel du terme. La Cour d'appel a rejeté la concession du ministère public selon laquelle l'accusé avait été détenu par l'agent principal dès que cet agent avait décidé de le retenir en vertu de la Loi sur l'immigration. Le juge Finlayson a affirmé, à la p. 207, que [traduction] «[l]es autorités de l'Immigration doivent sûrement agir de manière à indiquer que la restriction de la liberté d'un immigrant a excédé ce qui est requis pour le traitement de sa demande d'admission et est devenue une entrave à la liberté comme celle envisagée par le juge Le Dain» dans l'arrêt Therens, précité. La cour a jugé que [traduction] «l'[accusé] était détenu lorsque [l'agent principal], après avoir rédigé la lettre de convocation des détenus, a invité l'[accusé] et [son coaccusé] dans son bureau afin de les informer de sa décision de les retenir.» Le juge Finlayson s'est apparemment appuyé à la fois sur la décision de l'agent principal de les retenir et sur le fait que ce dernier avait convoqué l'accusé dans son bureau, pour déterminer à quel moment il y avait eu détention à des fins constitutionnelles. De plus, dans l'arrêt Simmons, précité, notre Cour a examiné le sens du mot «détention» utilisé à l'al. 10b), dans le contexte des inspections douanières que les voyageurs subissent à leur arrivée aux points d'entrée au Canada. Dans l'arrêt Simmons, l'accusée a été soumise à un interrogatoire de routine par un douanier, qui l'a envoyée subir une inspection secondaire parce qu'elle paraissait trop nerveuse. La préposée à l'inspection secondaire a eu des doutes et a obtenu du surintendant des douanes l'autorisation de fouiller l'accusée, qui a été conduite dans une salle d'examen et a subi une fouille à nu. On a trouvé sur l'accusée de la résine de cannabis retenue par des bandes adhésives. Le juge en chef Dickson affirme, à la p. 517, qu'il y a trois types distincts de fouilles effectuées à la frontière qui entraînent des conséquences différentes sur le plan constitutionnel:

Premièrement, il y a l'interrogatoire de routine auquel est soumis chaque voyageur à un port d'entrée, lequel est suivi dans certains cas d'une fouille des bagages et peut-être même d'une fouille par palpation des vêtements extérieurs. Il n'y a rien d'infamant à être l'un des milliers de voyageurs qui font, chaque jour, l'objet de ce type de contrôle de routine à leur entrée au Canada et aucune question constitutionnelle n'est soulevée à cet égard. Il serait absurde de laisser entendre qu'une personne qui se trouve dans une telle situation est détenue au sens constitutionnel du terme et a le droit, en conséquence, d'être informée de son droit à l'assistance d'un avocat. Le second type de fouille effectuée à la frontière est la fouille à nu comme celle à laquelle a été soumise l'appelante en l'espèce. Cette fouille est effectuée dans une pièce fermée, après un examen secondaire et avec la permission d'un agent des douanes occupant un poste d'autorité. Le troisième type de fouille, celui qui comporte l'empiétement le plus poussé, est parfois appelé examen des cavités corporelles; pour ce genre de fouille, les agents des douanes ont recours à des médecins, à des rayons X, à des émétiques, ainsi qu'à d'autres moyens comportant un empiétement des plus poussés.

Le Juge en chef a souligné que chacun des différents types de fouilles qu'il a mentionnés soulevait des questions constitutionnelles différentes. Il a affirmé que plus une fouille est envahissante, plus elle doit être justifiée et plus grande doit être la protection constitutionnelle accordée. Appliquant l'arrêt Therens, précité, le juge en chef Dickson a ensuite conclu que l'accusée a été détenue lorsqu'elle a été contrainte de subir une fouille à nu conformément à la Loi sur les douanes. L'accusée n'aurait pas pu refuser et elle était nettement assujettie à une contrainte extérieure lorsque le douanier a restreint sa liberté d'action au moyen d'une sommation qui entraînait des conséquences sérieuses sur le plan juridique. Dans l'arrêt R. c. Jacoy, [1988] 2 R.C.S. 548, qui a été rendu en même temps que l'arrêt Simmons, précité, la GRC avait prévenu les autorités douanières que l'accusé tentait d'importer des stupéfiants au Canada. Lorsque l'accusé est arrivé à la frontière, un douanier l'a interrogé et, à cause de l'avis reçu de la GRC, on lui a ordonné d'entrer dans une salle d'interrogatoire où il a été interrogé puis soumis à une fouille par palpation. Après qu'on eut découvert un sac de cocaïne dans ses chaussettes, il a été arrêté et informé de son droit à l'assistance d'un avocat. Le juge en chef Dickson a refusé de se prononcer sur la question de savoir si l'accusé avait été détenu dès son arrivée à la frontière, comme l'avait statué le juge du procès. Toutefois, suivant l'arrêt Simmons, le juge en chef Dickson a décidé, aux pp. 557 et 558, que l'accusé était détenu lorsque les inspecteurs [des douanes] l'ont fait entrer dans la salle d'interrogation. À ce moment-là, les inspecteurs des douanes ont restreint la liberté d'action de l'[accusé] au moyen d'une sommation qui avait, pour lui, des conséquences sérieuses sur le plan juridique. Il ressort de la preuve que les agents des douanes entendaient fouiller l'[accusé] indépendamment de ses réponses à leurs questions. À mon avis, [la preuve] indique que la décision de fouiller l'[accusé] et de le soumettre à une fouille à nu, si nécessaire, avait déjà été prise lorsque l'[accusé] est entré dans la salle d'interrogation. L'[accusé] était clairement soumis à une contrainte. Il ne lui était pas loisible de refuser d'être fouillé, ni de poursuivre sa route. Je suis donc convaincu que l'[accusé] se trouvait détenu, pour le moins à partir de ce moment, et qu'il aurait dû être informé de son droit de recourir à l'assistance d'un avocat. Il importe de se rappeler que les non-citoyens n'ont aucun droit d'entrer ou de rester au Canada. Dans Chiarelli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711, à la p. 733, le juge Sopinka affirme que «le principe le plus fondamental du droit de l'immigration veut que les non-citoyens n'aient pas un droit absolu d'entrer au pays ou d'y demeurer.» Voir également Kindler c. Canada (Ministre de la Justice), [1991] 2 R.C.S. 779, à la p. 834, le juge La Forest. L'interrogatoire subi par l'appelant en l'espèce est analogue au premier type de fouille effectuée à la frontière, que mentionne le juge en chef Dickson dans l'arrêt Simmons, précité. Il est bien établi que l'interrogatoire d'un particulier par un agent de l'État n'entraîne pas toujours une détention au sens constitutionnel du terme. Dans l'arrêt Simmons, précité, le juge en chef Dickson a rejeté l'argument selon lequel, si une fouille à nu était considérée comme une détention entraînant des conséquences constitutionnelles, tous les voyageurs qui passent aux douanes seraient alors détenus et auraient donc droit à l'assistance d'un avocat en vertu de l'al. 10b). Il statue, à la p. 521:

Dans l'arrêt Therens, précité, le juge Le Dain a affirmé que ce ne sont pas tous les rapports avec des agents de police ou d'autres autorités de l'État qui constituent une détention au sens de l'al. 10b) de la Charte. Cette déclaration vaut également à l'égard de la situation rencontrée aux douanes. Je ne doute guère que l'interrogatoire de routine auquel procèdent les agents des douanes à la frontière ou la fouille ordinaire des bagages pratiquée au hasard ne constituent pas une détention aux fins de l'art. 10. Il ne fait toutefois aucun doute qu'une personne à qui l'on cesse d'appliquer la procédure normale et que l'on force à subir une fouille à nu est détenue au sens de l'art. 10.

Pareillement, l'interrogatoire effectué en l'espèce fait partie systématiquement du processus général de sélection des personnes qui cherchent à entrer au Canada. Comme le juge en chef Dickson le fait remarquer, à la p. 528 de l'arrêt Simmons, dans le contexte de la protection qu'offre l'art. 8 de la Charte contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives, les gens ne s'attendent pas à traverser les frontières internationales sans faire l'objet d'une vérification. Il est communément reconnu que les États souverains ont le droit de contrôler à la fois les personnes et les effets qui entrent dans leur territoire. On s'attend à ce que l'État joue ce rôle pour le bien-être général de la nation. Or, s'il était incapable d'établir que tous ceux qui cherchent à traverser ses frontières ainsi que leurs effets peuvent légalement pénétrer dans son territoire, l'État ne pourrait pas remplir cette fonction éminemment importante. Conséquemment, les voyageurs qui cherchent à traverser des frontières internationales s'attendent parfaitement à faire l'objet d'un processus d'examen. Ce processus se caractérise par la production des pièces d'identité et des documents de voyage requis . . . De même, à la p. 207 de l'arrêt Kwok, précité, la Cour d'appel de l'Ontario a jugé que les contraintes nécessaires pour déterminer si les personnes qui se présentent en vue d'être admises au Canada se conforment aux exigences de la Loi relatives à leur admission ne constituent pas une détention au sens de l'al. 10b). La Cour d'appel a reconnu qu'à la frontière l'État a intérêt à contrôler l'admission au pays. Les gens s'attendent à subir un interrogatoire concernant leur admission au Canada, et ce, tant dans un contexte d'immigration que dans un contexte de douane. À cause de ces intérêts et de ces attentes, l'interrogatoire d'une personne aux fins de son admission doit être analysé différemment de l'interrogatoire d'une personne qui se trouve au Canada. En l'espèce, contrairement à l'arrêt Kwok, [traduction] «[l]es autorités de l'Immigration [n'ont pas agi] de manière à indiquer que la restriction de la liberté [de l'appelant] a[vait] excédé ce qui est requis pour le traitement de sa demande d'admission et [était] devenue une entrave à la liberté comme celle envisagée par le juge Le Dain» dans l'arrêt Therens, précité. L'interrogatoire en l'espèce a été effectué simplement en vue de traiter la demande d'admission de l'appelant et de déterminer la procédure qu'il conviendrait d'appliquer pour examiner sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention. Un autre facteur décrit dans l'arrêt Simmons comme indiquant que, durant un interrogatoire de routine, il n'y a pas de détention entraînant des conséquences constitutionnelles est l'absence d'infamie. Il n'y a manifestement rien d'infamant à devoir subir un examen secondaire. Par exemple, les citoyens canadiens qui ne peuvent prouver leur identité sont souvent soumis à un examen secondaire pour confirmer leur citoyenneté. De plus, les personnes qui ne peuvent pas ou ne veulent pas répondre à des questions, les requérants du statut de résident permanent et les citoyens canadiens en possession d'un passeport d'urgence délivré par un fonctionnaire d'une ambassade canadienne à l'étranger afin de faciliter leur retour au Canada sont habituellement soumis à un examen secondaire. En ce qui concerne les visiteurs en particulier (outre les personnes qui revendiquent le statut de réfugié au sens de la Convention), les personnes qui viennent demander ou subir un traitement médical, les personnes en possession de documents de voyage d'urgence, les personnes ayant l'intention de chercher ou d'occuper un emploi, les personnes ayant l'intention de poursuivre des études et les personnes ayant l'intention de rester plus de six mois doivent généralement subir un examen secondaire. Comme le juge Mahoney l'a fait remarquer au nom de la Cour d'appel fédérale à la majorité, il ne serait pas raisonnable de s'attendre à ce que le processus de sélection applicable à toutes les personnes qui cherchent à entrer au Canada se déroule à l'étape de l'examen primaire. Dans le cas des personnes qui sont incapables de produire immédiatement des documents indiquant qu'elles ont le droit d'entrer au pays, le processus de sélection prend plus de temps et un renvoi à un examen secondaire est donc nécessaire. Le caractère de l'examen ne change toutefois pas simplement parce qu'il est nécessaire, pour des raisons de temps et d'espace, de le poursuivre plus tard dans une autre partie de la section de traitement. L'examen continue de faire partie systématiquement du processus général de sélection des personnes qui cherchent à entrer au Canada. Il ressort clairement du texte de l'al. 12(3)a) de la Loi sur l'immigration que le renvoi à un examen secondaire est la continuation ou le parachèvement de l'examen initial qui a lieu à l'étape de l'inspection primaire. Les faits de la présente affaire confirment que ce qui s'est produit était bien une continuation de l'examen et non pas sa transformation en une détention à des fins constitutionnelles. On pouvait très bien distinguer l'interrogatoire de l'appelant d'avec une fouille à nu envahissante. Comme l'affirme le juge en chef Dickson, à la p. 517 de l'arrêt Simmons, précité, le degré de protection constitutionnelle accordée variera selon le caractère plus ou moins envahissant de la fouille en question. Bien que la présente affaire porte non pas sur une fouille, mais plutôt sur un interrogatoire, on peut établir une analogie. L'interrogatoire de l'appelant était de caractère routinier et portait uniquement sur les raisons pour lesquelles il souhaitait entrer au Canada et le fondement sur lequel il voulait le faire. Il importe de souligner que ni l'existence d'une obligation légale de répondre aux questions posées par l'agent d'immigration ni l'existence de sanctions criminelles tant pour l'omission de répondre aux questions que pour le fait de formuler sciemment une déclaration fausse ou trompeuse n'obligent à conclure que l'appelant a été détenu au sens de l'al. 10b). Ces dispositions sont liées logiquement et rationnellement au rôle que jouent les fonctionnaires de l'Immigration lorsqu'ils interrogent les personnes qui cherchent à entrer au pays. En fait, ils doivent s'assurer que les interrogatoires effectués à la frontière sont pris au sérieux et sont efficaces. Ces deux genres de dispositions existent également dans la Loi sur les douanes et, comme je l'ai déjà mentionné, notre Cour a jugé, à la p. 517 de l'arrêt Simmons, qu'il serait absurde de laisser croire qu'un interrogatoire de routine effectué par un douanier constitue une détention aux fins de l'al. 10b). Pour ces motifs, je conclus que l'appelant n'a pas été détenu au point d'entrée, au sens de l'al. 10b) de la Charte. 2. L'appelant avait-il droit à l'assistance d'un avocat en vertu de l'art. 7? Dans l'arrêt Singh c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, précité, le juge Wilson statue que, vu que le processus de reconnaissance du statut de réfugié peut porter atteinte au droit d'un réfugié au sens de la Convention à la sécurité de sa personne, le processus de reconnaissance doit être conforme aux principes de justice fondamentale. Le juge Wilson affirme, à la p. 210:

Étant donné les conséquences que la négation d[u] statut [de réfugié au sens de la Convention] peut avoir pour les appelants si ce sont effectivement des personnes «craignant avec raison d'être persécutée[s]», il me semble inconcevable que la Charte ne s'applique pas de manière à leur donner le droit de bénéficier des principes de justice fondamentale dans la détermination de leur statut.

À supposer, sans en décider, que l'art. 7 s'applique en l'espèce, il faut déterminer si les principes de justice fondamentale comprennent le droit à l'assistance d'un avocat dans ces circonstances. Le rapport entre l'art. 7 et les droits prévus aux art. 8 à 14 de la Charte a été étudié dans divers arrêts de notre Cour. Dans le Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B., [1985] 2 R.C.S. 486, aux pp. 502 et 503, le juge Lamer (maintenant Juge en chef) affirme que les art. 8 à 14 de la Charte visent des atteintes spécifiques au droit garanti par l'art. 7. Il dit qu'il «serait absurde d'interpréter l'art. 7 de façon plus étroite que les droits garantis aux art. 8 à 14». Ce passage doit s'interpréter à la lumière de l'analyse que le juge Lamer a effectuée ultérieurement dans le Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)c) du Code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 (le Renvoi sur la prostitution), à la p. 1178, où il affirme qu'«il n'est ni sage ni nécessaire d'englober tous les autres droits de la Charte dans l'art. 7. On peut parvenir à une interprétation large et généreuse de la Charte qui accorde aux individus tout le bénéfice de sa protection sans incorporer d'autres droits et libertés à l'art. 7». Le juge Lamer ajoute que l'article premier ne s'applique pas à l'art. 7 parce que, de par sa nature, il comporte une «faculté». Par conséquent, selon lui, si on interprète l'art. 7 de façon qu'il n'englobe pas les autres droits de la Charte, les particuliers peuvent se voir accorder une plus grande protection puisqu'une restriction de leurs droits garantis par des dispositions autres que l'art. 7 doit être justifiée en vertu de l'article premier. Pour cette raison, le juge Lamer conclut qu'«il est [. . .] souhaitable de maintenir une distinction conceptuelle entre les droits garantis par l'art. 7 et les autres droits garantis par la Charte». Dans l'arrêt Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425, à la p. 537, notre Cour a traité de la notion de la protection résiduelle que l'art. 7 peut accorder aux intérêts que les droits garantis aux art. 8 à 14 visent à protéger. Dans cette affaire, le juge La Forest a dit qu'il était «prêt à reconnaître que l'art. 7 de la Charte peut accorder, à tout le moins dans certains cas, aux intérêts que le droit vise à protéger une protection résiduelle qui va au-delà de la protection spécifique prévue par l'al. 11c) et l'art. 13». Le juge La Forest a donc conclu que le fait que les appelants dans cette affaire ne satisfaisaient pas aux exigences de l'al. 11c) et de l'art. 13 n'était pas fatal à leur demande. Le juge Wilson, dissidente pour d'autres motifs, a adopté un point de vue semblable à la p. 470. Récemment, dans l'arrêt R. c. Pearson, [1992] 3 R.C.S. 665, à la p. 688, notre Cour a conclu que lorsqu'une plainte est visée directement par une garantie très précise des art. 8 à 14, il convient alors d'examiner la contestation fondée sur la Charte au regard de cette disposition et non de l'art. 7. Voir aussi R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259, à la p. 310. Si on applique ce raisonnement à la présente affaire, il peut y avoir une protection résiduelle du droit à l'assistance d'un avocat en vertu de l'art. 7 dans des cas qui ne tombent pas à l'intérieur des paramètres de l'«arrestation ou de [la] détention» établis à l'al. 10b). Il est évident que la notion de justice fondamentale comprend tout au moins la notion d'équité en matière de procédure: Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B., précité; R. c. Jones, [1986] 2 R.C.S. 284, à la p. 322; et R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309, à la p. 361. Selon l'arrêt Singh, à la p. 213, la procédure énoncée dans la Loi sur l'immigration doit «offr[ir] à la personne qui revendique le statut de réfugié une possibilité suffisante d'exposer sa cause et de savoir ce qu'elle doit prouver». Le juge Wilson fait toutefois remarquer que l'équité en matière de procédure peut exiger des procédures différentes selon les circonstances. Le juge La Forest fait aussi remarquer cela dans l'arrêt Lyons, à la p. 361:

Il est également clair que les exigences de la justice fondamentale ne sont pas immuables; elles varient selon le contexte dans lequel on les invoque. Ainsi, certaines garanties en matière de procédure pourraient être requises par la Constitution dans une situation donnée et ne pas l'être dans une autre.

Voir également Syndicat des employés de production du Québec et de l'Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879, aux pp. 895 et 896, le juge Sopinka; Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653, à la p. 682, le juge L'Heureux-Dubé; et Pearlman c. Comité judiciaire de la Société du Barreau du Manitoba, [1991] 2 R.C.S. 869, à la p. 882. À la page 362 de l'arrêt Lyons, on fait en outre remarquer que «l'art. 7 de la Charte reconnaît à l'[accusé] le droit à un procès équitable; il ne lui donne pas le droit de bénéficier des procédures les plus favorables que l'on puisse imaginer»; voir également R. c. Beare, [1988] 2 R.C.S. 387, à la p. 412. À mon avis, les principes de justice fondamentale n'exigent pas que l'appelant dispose des services d'un avocat au stade du processus de reconnaissance du statut de réfugié qui précède l'enquête ou l'audience. Bien que le droit à l'assistance d'un avocat en vertu de l'art. 7 puisse s'appliquer dans d'autres cas que ceux visés par l'al. 10b), comme, par exemple, dans des affaires concernant le droit à l'assistance d'un avocat lors d'une audience, il ressort clairement de mes observations antérieures que l'examen secondaire subi par l'appelant au point d'entrée n'est pas analogue à une audience. Certes, les tribunaux devront être plus vigilants en ce qui concerne les situations de fait qui se rapprochent davantage des procédures criminelles ou qui leur sont analogues. Cependant, dans un interrogatoire en matière d'immigration effectué dans le but de recueillir des renseignements de routine, le droit à l'assistance d'un avocat ne s'étend pas au-delà des circonstances de l'arrestation ou de la détention prévues à l'al. 10b). L'obligation de tenir une audience pour trancher les revendications du statut de réfugié au sens de la Convention a été examinée dans l'arrêt Singh, aux pp. 213 et 214. Le juge Wilson a décidé que, lorsque la question de savoir si la revendication, par l'appelant, du statut de réfugié au sens de la Convention comporte une question de crédibilité, l'appelant a droit à une audition: «lorsqu'une question importante de crédibilité est en cause, la justice fondamentale exige que cette question soit tranchée par voie d'audition». On a tenu une enquête pour déterminer si la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention présentée par l'appelant avait un minimum de fondement, et l'appelant a été informé de son droit de retenir les services d'un avocat et d'être représenté par celui-ci lors de l'enquête tenue conformément au par. 30(1) de la Loi sur l'immigration. L'appelant a, en fait, été représenté par un avocat durant l'enquête sur le minimum de fondement de sa revendication. La préoccupation du juge Wilson dans l'arrêt Singh concernait le caractère suffisant de «la possibilité qu[e le régime de procédure] offre à la personne qui revendique le statut de réfugié d'exposer sa cause et de savoir ce qu'elle doit prouver» (p. 214). L'exigence d'une audition subséquente en l'espèce vient dissiper cette préoccupation. D'après le juge Heald dans l'arrêt Montfort c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1980] 1 C.F. 478 (C.A.), à la p. 482, permettre le recours aux services d'un avocat dans les interrogatoires effectués aux points d'entrée «aurait pour effet d'entraîner la tenue d'une autre «mini-enquête» ou «enquête initiale» qui serait peut-être aussi longue et complexe que celle prévue par la Loi et le Règlement». Cela ferait inutilement double emploi. L'interrogatoire effectué au point d'entrée avait pour but, comme je l'ai déjà fait remarquer, de faciliter le traitement de la demande d'admission de l'appelant et de déterminer la procédure qu'il conviendrait d'appliquer pour examiner sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention. Les principes de justice fondamentale ne comprennent pas le droit à l'assistance d'un avocat quand il s'agit de recueillir des renseignements de routine.

VI. Conclusion

Comme j'ai conclu qu'il n'y a pas eu violation des droits garantis à l'appelant par l'al. 10b) et l'art. 7 de la Charte, il n'est pas nécessaire d'examiner la question de l'application du par. 24(2) de la Charte. Pour les motifs qui précèdent, je suis donc d'avis de rejeter le pourvoi. Pourvoi rejeté. Procureurs de l'appelant: Hoppe, Jackman & Associates, Montréal. Procureur de l'intimé: John C. Tait, Ottawa. Procureur de l'intervenant: David Matas, Edmonton.
 
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