TRIBUNAL CIVIL (RÉF.) - Liège.

1er octobre 1987

Siég.: M. Trousse.

Pl.: Misson, François.

NON-RECONNAISSANCE DU STATUT DE REFUGIE PAR LE H. C. R. - ORDRE DE QUITTER LE TERRITOIRE - MOTIVATION - URGENCE - REFERE - ARTICLE 53 DE LA LOI DU 15 DECEMBRE 1980.

Les avis non motivés du H. C. R. ne peuvent être assimilés à une décision déclarant non fondée une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié. Aussi, parce qu'ils ont été pris en contravention apparente à l'article 53 de la loi du 15 décembre 1980.

Vu la citation en référé, signifiée au défendeur le 14 juillet 1987;

L'identité de la partie demanderesse est suffisamment établie pour lui permettre d'intenter une action en référé. En outre, la version des faits qu'elle donne à l'appui de sa demande d'éligibilité n'est pas manifestement étrangère à la notion de réfugié.

Elle est donc recevable à soutenir, d'urgence et au provisoire, que l'ordre de quitter le pays, qui lui a été notifié, apparaît comme illégal, pour avoir été pris alors que sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié n'avait pas été déclarée non fondée par une décision, reconnue comme étant régulière en la forme.

A de nombreuses reprises, des ordonnances de référé de ce siège ont constaté que les avis non motivés du H. C. R. ne pouvaient être assimilés à une décision déclarant non fondée une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié. Elles en ont déduit que les ordres de quitter le pays, basés sur de tels avis, ne pouvaient être mis à exécution, parce qu'ils avaient été pris en contravention apparente à l'article 53 de la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers. Cet article interdit, en effet, d'éloigner du territoire une personne, reçue comme candidat réfugié, aussi longtemps que sa demande n'aura pas été déclarée non fondée.

Cette jurisprudence ne contestait pas la compétence attribuée au H.C.R. en exécution de l'article 5 de la loi d'approbation du 26 juin 1953, que confirme l'article 49,1°, de la loi du 15 décembre 1980. Elle n'exerçait non plus aucun contrôle sur la régularité de la procédure que devait suivre l'organisme international précité. Mais elle soutenait s'ils répondent que les actes d'un tel organisme ne pouvaient produire des effets en droit interne que s'ils répondent aux normes requises pour pouvoir y être reconnus comme des décisions administratives, lesquelles, aux termes de l'article 62 de la loi du 15 décembre 1980, doivent être motivées lorsqu'elles concernent des étrangers. Il s'agit là, d'ailleurs, d'un principe général de notre droit.

La partie défenderesse prétend trouver dans l'article 22 de la loi du 15 juillet 1987 (M.B., 18. 7. 1987) une condamnation législative de cette jurisprudence.

Rappelons les différentes phases d'élaboration de cet article 22 nouveau. Dans son premier état, le projet de loi contenait une disposition rédigée dans les termes actuellement repris par l'article 22 de la loi nouvelle.

Par son avis donné le 3 novembre 1986, la section de législation du Conseil d'Etat détermina le gouvernement à en modifier comme suit la rédaction:

"Les décisions qui sont prises par le représentant en Belgique du haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés avant l'entrée en vigueur de la présente loi et qui sont relatives à la qualité de réfugié ne peuvent faire l'objet d'aucun recours" (Doc. Ch. 689/I-86-87, p, 31 et 42).

Bien que cette proposition soit juridiquement incontestable, de nombreux membres de la Commission de la Justice de la chambre se sont interrogés sur sa portée exacte. Ils ont craint, sans doute, que s'installe la confusion, que l'on fit parfois, entre l'absence de recours contre ces décisions et leur reconnaissance, sans contrôle, dans notre ordre juridique interne.

A l'unanimité, la Commission de la Justice de la Chambre préféra la rédaction que le gouvernement avait donnée avant l'intervention du Conseil d'Etat. Les termes "ne peuvent faire l'objet d'aucun recours" ont ainsi été remplacés par "sont maintenues" (Doc. Ch., 689/10-86-87, p. 66, art. 18).

Il semble en résulter que la loi nouvelle maintient aux prises de position du H.C.R., qui sont relatives à la qualité de réfugié, la valeur qu'elles avaient jusqu'alors.

Le législateur a donc préféré le maintien d'un statut quo et non, comme le soutient le défendeur, la reconnaissance dans notre droit interne de toutes les prises de position du H.C.R., quels que soient les vices dont certaines d'entre elles seraient infectées, au regard de notre définition de la décision administrative.

Il semble évident que l'unanimité des membres de la Commission de la justice de la Chambre n'aurait pu se faire sur l'interprétation que le gouvernement entend donner actuellement à cette disposition, surtout lorsque l'acte porte sur le refus de reconnaître à un candidat réfugié la titularité d'un droit subjectif qui peut être essentiel pour sa survie.

Aussi, convient-il de maintenir la jurisprudence adoptée par ce siège avant la loi du 15 juillet 1987.

PAR CES MOTIFS:

statuant contradictoirement,

vu les articles 1 et 34 de la loi du 15 juin 1935,

vu l'urgence et statuant au provisoire,

Disons la demande recevable et fondée.

Faisons défense au défendeur de mettre à exécution l'ordre de quitter le pays qu'il a fait notifier à la partie demanderesse, la légalité de cet ordre, au regard de l'article 53 de la loi du 15 décembre 1980, étant très contestable.

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