Conclusion sur la coopération internationale et le partage de la charge et des responsabilités dans les afflux massifs Nº 100 (LV) - 2004

Le Comité exécutif,

Reconnaissant que la mise en œuvre de la coopération internationale dans la résolution des problèmes internationaux de nature humanitaire est un but de l'Organisation des Nations Unies tel que défini dans sa Charte, et que la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés reconnaît qu'une solution satisfaisante aux situations de réfugiés ne peut être trouvée sans la coopération internationale,

Réaffirmant que le respect par les Etats de la responsabilité de protection à l'égard des réfugiés est renforcé par la solidarité internationale impliquant tous les membres de la communauté internationale et que le régime de protection des réfugiés est renforcé moyennant une coopération internationale engagée dans un esprit de solidarité et de partage international de la responsabilité et de la charge entre tous les Etats,

Rappelant l'importance de la coopération internationale pour trouver une solution au sort des réfugiés, et des mesures pour s'attaquer aux causes des mouvements de réfugiés, ainsi que pour les éviter, notamment moyennant la promotion de la paix, de la stabilité et du dialogue, et des mesures visant à éviter que les mouvements de réfugiés ne deviennent une source de tension entre les Etats,

Mettant l'accent sur les engagements des Etats tels que contenus dans la Convention de 1951 et le Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés et tels qu'ils sont également consacrés dans le droit international des droits de l'homme et le droit international humanitaire ; et soulignant que l'engagement sans faille des Etats au respect des valeurs et des principes consacrés dans ces domaines du droit contribue à une réponse internationale efficace aux afflux massifs,

Réaffirmant l'importance du partage international de la charge et des responsabilités dans la réduction du fardeau des pays hôtes, particulièrement les pays en développement,

Notant que les personnes qui arrivent dans le contexte d'un afflux massif en quête d'une protection internationale devraient toujours la recevoir, du moins sur une base temporaire,

Réaffirmant que l'accès à l'asile et le respect par tous les Etats de leurs obligations en matière de protection internationale ne devrait pas dépendre des dispositifs relatifs au partage de la charge et des responsabilités existants, particulièrement du fait que le respect des droits de l'homme et des principes humanitaires est une responsabilité pour tous les membres de la communauté internationale,

Rappelant que les afflux massifs constituent des défis pour les Etats d'accueil en particulier, pour d'autres Etats de la région ainsi que pour la communauté internationale, et réitérant qu'il est conscient des lourdes responsabilités et charges assumées par les pays accueillant un afflux massif, particulièrement lorsque la présence des réfugiés se prolonge, et de la nécessité, dans le cadre de la coopération internationale, de parvenir à une solution durable satisfaisante d'un problème international de par sa portée et sa nature,

Réaffirmant au sujet des afflux massifs que les orientations concernant le renforcement du partage de la charge et des responsabilités, en particulier celui qui est exposé dans les conclusions no 22 (XXXII) de 1981 sur la protection des personnes en quête d'asile en cas d'arrivées massives, no 15 (XXX) de 1979 sur les réfugiés sans pays d'asile, no 52 (XXXIX) de 1988 sur la solidarité internationale et la protection des réfugiés, no 80 (XLVII) de 1996 sur les approches globales et régionales dans le cadre de la protection, no 91 (LII) de 2001 sur l'enregistrement des réfugiés et des demandeurs d'asile, no 94 (LIII) de 2002 sur le caractère civil et humanitaire de l'asile et les conclusions générales sur la protection internationale no 77 (XLVI) de 1995, no 85 (XLIX) de 1998 et no 89 (LI) de 2000, ainsi que la résolution no 58/169 de l'Assemblée générale du 22 décembre 2003 sur les droits humains et les exodes massifs,

Se déclarant satisfait des discussions fructueuses sur les afflux massifs ainsi que sur le partage de la charge et des responsabilités qui ont eu lieu dans le contexte de la troisième plateforme des Consultations mondiales sur la protection internationale,

Rappelant l'Agenda pour la protection entériné par le Comité exécutif et les buts et objectifs énoncés dans son programme d'action, visant, entre autres, à mettre en œuvre des réponses plus efficaces et prévisibles aux situations d'afflux massifs et à améliorer les dispositions en matière de partage des responsabilités en vue de se répartir la charge des pays de premier asile dans la couverture des besoins des réfugiés,

a)  Note que l'afflux massif est un phénomène qui n'a pas été défini mais qui, aux fins de cette conclusion, pourrait avoir certaines ou toutes les caractéristiques suivantes : i) nombre important de personnes arrivant par une frontière internationale ; ii) rythme d'arrivée rapide ; iii) capacité d'absorption ou de réponse inadéquate dans les pays hôtes, particulièrement au cours d'une crise ; iv) procédures d'asile individuelles, lorsqu'elles existent, incapables de permettre l'évaluation de populations aussi importantes ;

b)  Reconnaît les capacités variables des Etats à contribuer à la résolution des afflux massifs ; se félicite de la contribution importante apportée par les pays de premier asile, particulièrement ceux du monde en développement et ceux qui sont confrontés à des situations de réfugiés prolongées ; et souligne la valeur de l'action des Etats, du HCR et d'autres acteurs pour partager le fardeau et la responsabilité des pays de premier asile et pour renforcer les capacités de protection des réfugiés dans ces pays hôtes ;

c)  Encourage tous les Etats à poursuivre leurs efforts pour s'attaquer aux causes profondes et rechercher des solutions durables aux réfugiés dans le cadre d'afflux massifs, y compris moyennant un renforcement des efforts internationaux dans le domaine de la prévention et de la résolution des conflits, de la réduction de la pauvreté et de la promotion du respect des droits humains et des libertés fondamentales ;

d)  Réaffirme l'importance des efforts déployés pour intégrer les critères de genre et d'âge dans les réponses à tous les stades d'un afflux massif depuis l'élaboration et la mise en œuvre du programme jusqu'au suivi et à l'évaluation afin d'assurer que les besoins spécifiques de protection des femmes réfugiées, des enfants réfugiés et des réfugiés âgés, y compris ceux qui ont des préoccupations particulières en matière de protection spécifiques, soient correctement pris en compte, notamment moyennant l'enregistrement, une participation pleine et paritaire dans les questions qui les concernent, la protection contre la violence sexuelle et sexiste ainsi que le recrutement militaire, et le maintien de l'unité familiale, si possible ;

e)  Note l'importance de l'élaboration par les pays hôtes éventuels, le HCR et d'autres organisations humanitaires compétentes, avec l'appui de la communauté internationale, de stratégies de préparation et de réponse aux situations d'urgence en vue d'anticiper des situations susceptibles de conduire à un afflux massif ;

f)  Reconnaît la nécessité de consultations sur la réponse internationale à un afflux massif afin d'élaborer des réponses internationales appropriées, y compris des dispositifs entre les Etats, les organisations régionales et internationales et, lorsqu'il convient, les institutions financières, en tant que signe manifeste de la solidarité internationale et dans l'intérêt de la protection des réfugiés ;

g)  Recommande que ces consultations s'efforcent d'aboutir, le plus tôt possible dans une crise, à un plan d'action global, y compris dans le contexte de Convention Plus, incluant des dispositifs sur une base bilatérale ou multilatérale répartissant le fardeau et les responsabilités en réponse à des afflux massifs spécifiques ;

h)  Note en outre que ces consultations pourraient être convoquées par le Haut Commissaire, conformément au statut de l'Office, par le biais d'une requête déposée par un pays connaissant un afflux massif ou sur une base ex-officio, en vue d'examiner des options adaptées aux circonstances particulières de la situation ;

i)  Souligne que ces plans d'action globaux en cas d'afflux massifs devraient aider les Etats, le HCR et d'autres acteurs pertinents à faire face aux crises humanitaires de façon efficace, prévisible et équitable, à mettre en place des normes de traitement pour ceux qui ont besoin d'une protection internationale dans le strict respect du droit international des réfugiés, du droit humanitaire et des droits de l'homme, y compris en particulier le principe fondamental du non refoulement, et à identifier et promouvoir des solutions durables adaptées aux caractéristiques particulières de la situation ;

j)  Recommande aux Etats, au HCR et aux autres acteurs pertinents, dans la réponse d'urgence à un afflux massif, y compris au moment d'élaborer un plan d'action global, d'envisager les dispositions suivantes en matière de partage de la charge et des responsabilités, si nécessaire, et lorsqu'elles correspondent à la situation :

  1. La fourniture d'une aide d'urgence, financière et technique et d'autres formes d'appui, si nécessaire, y compris aux organisations humanitaires portant secours aux réfugiés ;


  2. La mise en œuvre dans les pays touchés par des afflux massifs des mécanismes de coordination existants engageant les autorités compétentes des pays hôtes, les membres de l'équipe du Comité permanent interinstitutions dans le pays et d'autres acteurs pertinents pour contribuer à mettre au point une réponse internationale efficace face à cet afflux massif ;


  3. L'établissement, au niveau international, d'un mécanisme de consultations effectif comprenant les Etats touchés, d'autres Etats intéressés, les acteurs compétents de la famille des Nations Unies et d'autres organisations internationales et non gouvernementales, afin d'entamer l'élaboration de stratégies et d'approches visant à régler la crise de réfugiés, y compris l'identification de solutions durables éventuelles, en gardant à l'esprit les processus politiques plus larges pouvant être à l'étude pour gérer les afflux massifs, y compris s'attaquer à leurs causes profondes ;


  4. Le renforcement des mécanismes existants pour veiller à ce que les fonds nécessaires et tout autre assistance matérielle et technique soient immédiatement mis à disposition ;


  5. La fourniture d'un appui aux pays hôtes, particulièrement les pays en développement, pour faciliter l'enregistrement et l'établissement de papiers précoces et efficaces pour les réfugiés et les demandeurs d'asile ;


  6. La mobilisation des ressources adéquates pour appuyer et assister les Etats hôtes en vue de préserver le caractère civil et humanitaire de l'asile, y compris moyennant le désarmement des éléments armés, l'identification, la séparation et l'internement des combattants ;


  7. La fourniture d'un appui par la communauté internationale – institutions agissant dans le cadre de leurs mandats – aux Etats hôtes afin d'assurer le suivi de l'identification des personnes dont on estime qu'elles tombent dans le champ d'application de l'alinéa vi) y compris, le cas échéant, l'établissement de mécanismes adéquats et de procédures spéciales afférant à la détermination individuelle du statut de réfugié, y compris, entre autres, toute application possible des clauses d'exclusion de la Convention de 1951, pour évaluer les demandes des combattants qui ont, de façon authentique et permanente, renoncé à leurs activités militaires et qui sont en quête d'asile ;


  8. La mise en place d'accords stand-by pour permettre une réponse immédiate aux besoins urgents de sécurité dans les pays de premier asile, y compris moyennant le déploiement d'experts pour continuer à assurer la sécurité des camps de réfugiés lorsqu'il convient et lorsque l'Etat concerné en fait la demande ;


  9. L'élaboration de critères et de modalités de transfert ou d'évacuation humanitaire vers d'autres pays1, tout à fait conformes aux principes directeurs internationaux sur l'évacuation des enfants2, et d'assistance financière ainsi que d'autres formes d'appui aux pays concernés ;

k)  Reconnaît que les principes de la coopération et de la solidarité internationales dans le contexte d'afflux massifs et les approches telles qu'indiquées dans cette conclusion, en particulier dans le paragraphe g) du dispositif, sont également applicables aux situations de réfugiés prolongées découlant d'un afflux massif et contribuent grandement à la cohérence et à la viabilité de la réponse internationale ; et souligne l'importance à cet égard d'un engagement international constant, y compris pour s'attaquer aux causes d'afflux massifs afin de mettre en oeuvre des solutions durables ;

l)  Note les problèmes actuels que rencontrent les pays d'asile, particulièrement ceux du monde en développement, pour faire face aux conséquences d'afflux massifs une fois qu'ils se sont stabilisés, et particulièrement s'ils se prolongent ; et recommande que les éléments suivants puissent être étudiés dans le contexte de la réponse internationale, y compris les dispositifs de partage de la charge et des responsabilités qui ont été mis au point :

  1. L'évaluation, de concert avec les institutions spécialisées des Nations Unies, les organisations non gouvernementales et d'autres acteurs compétents, de l'impact des réfugiés sur l'économie, la société, l'environnement et la sécurité des pays hôtes, particulièrement dans les situations de réfugiés prolongées ;


  2. L'étude et l'actualisation périodiques de toute approche globale ayant pu être mise au point pour régler l'afflux massif ;


  3. L'annonce préliminaire, si possible, de contributions supplémentaires ou d'une autre assistance après la phase d'urgence jusqu'à ce que des solutions durables soient trouvées ;


  4. La fourniture d'un appui aux capacités de protection nationales des Etats hôtes, si nécessaire, entre autres, pour renforcer les systèmes d'enregistrement et d'établissement de papiers et établir les cadres juridiques nationaux et autres mécanismes requis pour assurer au fil du temps une protection et une assistance efficaces ;


  5. La fourniture d'une assistance financière et en nature au bénéfice des populations réfugiées et des communautés hôtes, lorsque cela semble nécessaire, pour promouvoir l'autonomie des réfugiés, ce qui renforce la viabilité de toute solution durable éventuelle et allège le fardeau assumé par les pays de premier asile ;


  6. La fourniture d'un appui financier ou autre, selon qu'il convient, lié au développement économique plus large et aux autres préoccupations éventuelles des pays de premier asile en matière de protection octroyée à un grand nombre de demandeurs d'asile et de réfugiés ;


  7. L'incitation des institutions financières internationales à examiner dans quelle mesure les coûts économiques et sociaux de l'accueil d'un grand nombre de réfugiés peuvent être invoqués dans la justification de leurs activités, y compris dans les conditions des plans de prêts financiers et l'assistance sous forme de subventions ;


  8. L'examen par les Etats, les organisations intergouvernementales et non gouvernementales ainsi que d'autres acteurs, des moyens d'améliorer l'enseignement primaire dispensé aux réfugiés, d'établir la parité dans l'éducation et de garantir la disponibilité de fonds, y compris dans le secteur privé pour accroître les possibilités d'enseignement secondaire, professionnel et tertiaire dispensé aux réfugiés, surtout aux adolescents ;

m)  Recommande en outre que les mesures prises dans le cadre du partage de la charge et des responsabilités visent à examiner et faciliter les solutions durables, selon qu'il convient, sous la forme du rapatriement librement consenti, de l'intégration sur place ou de la réinstallation dans des pays tiers, ou, lorsqu'il convient, une combinaison stratégique de ces solutions, y compris moyennant :

  1. i) La fourniture d'une assistance financière et d'autres formes d'appui dans des situations où le rapatriement librement consenti est envisageable ou en cours, surtout compte tenu que le rapatriement librement consenti est la solution la plus souhaitable ;


  2. Lorsque l'intégration sur place est appropriée et réalisable, la fourniture d'une assistance financière et d'autres formes d'appui, y compris une aide au développement en faveur des réfugiés et des communautés hôtes afin d'aider les pays d'asile à intégrer les réfugiés sur place ;


  3. L'utilisation plus efficace et stratégique de la réinstallation en tant qu'instrument de partage de la charge et des responsabilités, notamment moyennant l'application d'une méthodologie d'aiguillage en matière de réinstallation au plan collectif ;


  4. La mobilisation d'un appui au relèvement des régions touchées par la présence des réfugiés dans le pays hôte d'où les réfugiés sont rentrés ;

n)  Recommande, en cas d'adoption d'un plan d'action ou d'un accord, qu'un mécanisme d'examen efficace soit inclus, en vertu duquel tous les acteurs évaluent en commun sa mise en œuvre ainsi que la nécessité de l'adapter à la lumière des développements ;

o)  Demande au HCR de faire régulièrement rapport au Comité exécutif, dans le cadre des mécanismes d'établissement de rapports existants, sur les développements concernant le partage international de la charge et des responsabilités dans le cadre des afflux massifs.



1  Dans le cadre de la crise du Kosovo en 1999, ce transfert a concerné des réfugiés vers d'autres Etats de la région alors que l'évacuation s'est opérée vers des Etats plus éloignés.
2  CICR, IRC, Save the Children-UK, UNICEF, HCR, World Vision International, Principes directeurs interinstitutionnels sur les enfants non accompagnés et séparés, 2004, page 24-26 ; HCR, Enfants réfugiés, Principes directeurs sur la protection et l'assistance, 1994, pages 88-95, évacuation des enfants depuis les zones de conflits, étude et principes directeurs, Everett M. Ressler, HCR et UNICEF, 1992.

Comments:
55e Session du Comité exécutif. Voir Documents officiels de l'Assemblée générale A/AC.96/1003.
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